Les Annuelles 10. Parcours de femmes et rapports de genre dans la Suisse de la belle époque

Pavillon, Monique,

2007, 391 pages, 23 €, ISBN:978-2-940146-93-2

Que l’histoire des femmes et des rapports de genre s’inscrit de plein droit dans l’histoire sociale, économique, politique et culturelle, tout en l’éclairant d’une autre manière, voilà ce que montre la douzaine d’articles réunis dans ce volume.

Format Imprimé - 31,00 CHF

Description

Que l’histoire des femmes et des rapports de genre s’inscrit de plein droit dans l’histoire sociale, économique, politique et culturelle, tout en l’éclairant d’une autre manière, voilà ce que montre la douzaine d’articles réunis dans ce volume.

Au fil des pages, c’est tout un pan du paysage riche et contrasté de la Suisse à l’aube du XXe siècle qui se renouvelle. À suivre des itinéraires singuliers qui rejoignent le collectif, on assiste à la socialisation d’une enfant de la bourgeoisie, aux dures conditions de vie des femmes paysans de montagne, au combat des artistes femmes pour se faire reconnaître, aux progrès dans l’instruction des jeunes filles des classes moyennes et à la naissance d’un prolétariat intellectuel féminin.

Le féminisme d’alors se teinte des modalités des premières prises de conscience de genre, et se clarifie avec la mise en perspective des influences qui orientent ses luttes.

Les autres livres de Monique Pavillon 

Table des matières

Avant-propos (Hans Ulrich Jost)

  • L’Ecole Vinet et la « destination sociale de la femme »,1884-1908 (Chloé Issenmann)
  • De la mise scène bourgeoise à l’avant-scène féministe, 1879-1912: première socialisation et formation intellectuelle d’Emilie Gourd (Fiorella Castanotto)
  • Les grandes sœurs modèles. L’influence des Américaines sur le féminisme helvétique au tournant du XXe siècle (Corinne Dallera)
  • « Vivre de son art ». Les femmes dans le champ artistique suisse, 1900-1950 (Nicole Schweizer)
  • Le destin de Filomena, ou les femmes paysans de montagne dans la Suisse italienne de la fin du XIXe siècle (Anna Benelli)

Dossier

  • « La rage d’écrire? » Ecrivaines et journalistes dans le champ littéraire et éditorial de Suisse romande à la Belle Epoque
  • Préliminaires à un dossier aventureux (Monique Pavillon)
  • Femmes de plume et hommes de poids. Réflexions sur l’émergence des femmes dans le champ éditorial romand, 1850-1930 (François Vallotton)
  • Vivre de sa plume, une affaire de genre? A propos du statut et des revenus des écrivaines et journalistes à l’aube du XXe siècle (Monique Pavillon, avec la collaboration de Véronique Czáka)
  • Femmes de lettres, femmes engagées? Ecrivaines, journalistes et réseaux associatifs au tournant du XXe siècle (Monique Pavillon avec la collaboration de Céline Schoeni)
  • L’écriture comme liant associatif: le Journal des Dames receveuses de l’Union des femmes de Lausanne, 1902-1903 (Marc Vaucher)
  • « Rien n’est si beau sur la terre que le travail ingrat ». Valeurs et paradoxes dans les écrits et le parcours de Mario***, 1831-1895 (Séverine Desponds)
  • L’Encre de la Renommée (1891-1922). Les relations épistolaires entre Eugénie Pradez et son mentor Philippe Godet (Danielle Jaccoud)

Comptes-rendus 

  • Deux biographies pour un parcours singulier (Hans Ulrich Jost):
  • Regula Bochsler, Ich folgte meinem Stern. Das kämpferische Leben der Margarethe Hardegger, Zurich: Pendo, 2004;
  • Ina Boesch, Gegenleben. Die Sozialistin Margarethe Hardegger und ihre politischen Bühnen, Zurich: Chronos, 2003.

Presse

Nous avons là le dixième numéro de la revue Les Annuelles, créée en 1990 pour offrir une plateforme aux jeunes historiens et historiennes de Suisse romande. Ce gros volume contient une mine d’informations inédites sur la condition des femmes au tournant du XlXe et du XXe siècle. Nous manquons terriblement de données précises en Suisse, particulièrement en Suisse romande, sur les itinéraires de femmes de cette époque et ce livre vient combler quelques lacunes.

Les deux premiers articles-passionnants-traitent de l’instruction des jeunes filles de la bourgeoisie, à l’École Vinet de Lausanne d’abord, puis à travers l’exemple de la socialisation précoce et de la formation intellectuelle de la suffragiste genevoise Émilie Gourd. Nous voyons ensuite quelle fut l’influence des Américaines sur le développement du féminisme en Suisse romande ou encore comment les femmes artistes se sont organisées pour contrer leur exclusion des associations masculines. On voit bien ici comment la création, en 1902, de la Société suisse des femmes peintres, sculpteurs et décorateurs sert les intérêts des femmes artistes en leur permettant d’accéder aux expositions, par exemple, mais les dessert en même temps puisque le travail artistique féminin est toujours associé à de l’amateurisme, la professionnalisation étant un processus essentiellement viril?!

« La rage d’écrire » traite des écrivaines et journalistes dans le champ littéraire et éditorial de Suisse romande et bat en brèche quelques idées reçues sur les femmes écrivains en replaçant leurs itinéraires dans le contexte de l’époque. Là encore, un gros travail a été fourni, ne fût-ce que pour retrouver des éléments biographiques sur les écrivaines romandes de cette époque, dont plusieurs, d’ailleurs, publiaient sous un pseudonyme masculin, ce qui en dit long sur les difficultés auxquelles elles étaient confrontées en tant que femmes.

Martine Chaponnière, A tire d’elles, No 25, décembre 2007

Most of the articles in this volume are the work of young historians, for whom the collection entitled Les Annuelles, created in 1990, aims to provide a forum. The contributions in the first part have in common an interest in women’s education and work, whereas those in the second part deal specifically with women writers.

In the first section, the pieces by Issenmann, Benelli and Dallera are particularly interesting. Issenmann studies the Ecole Vinet in Lausanne, taking it as an exemplar for the education of girls and the treatment of female teachers, who were as a matter of course paid less than their male counterparts. Benelli focuses on the lives and work of a family in a mountain village in Ticino (Italian-speaking Switzerland), demonstrating how the harsh conditions led many men to emigrate, leaving the women to work the land and maintain the family home. Dallera studies several well known Swiss feminists such as Harriet Clisby, Emma Pieczynska-Reichenbach and Helene von Milinen, and widens the perspective by looking at the influence of American feminism on them. The other two articles study the early years of Emilie Gourd (Castanotto) and women artists (Schweizer).

In the second part Vallotton discusses the barriers faced by women writers (opposition, relegation to less prestigious forms of writing) and the solutions to which they had recourse (use of a pseudonym, need for a mentor), and although restricted to women writers in Switzerland, his conclusions will be familiar to anyone working in the general field. Other contributors (PavilIon and Czaka, Desponds, Jaccoud) study the cases of several women writers (T. Combe, Mario*** [sic], Eugenie Pradez), concluding that they tend to be very conservative, displaying attitudes of dependence and submission towards male writers and critics. Pavillon and Schoeni study « femmes engagees », whilst Vaucher’s focus is very limited, concentrating on the log-book which recorded the activities of the « Union des Femmes » in Lausanne.

The work presented in this volume is resolutely Swiss-centred (specifically French-speaking Switzerland) and will certainly be of interest to anyone working in the fields of Swiss social history or Swiss women’s writing. However, given that there are relatively few connections made with other literatures and societies and that the studies are at times highly detailed, the volume will possibly be a little too specialised and hermetic for anyone not familiar with « la Suisse romande ». Although more in the way of links to other literatures and societies would perhaps be welcome, this remains an interesting volume which those working in the field will be able to dip into with profit, although possibly not everyone would necessarily want to read it from cover to cover.

                            Joy Charnley, Modern & Contemporary France 539, 2007, University of Strathclyde

Cette collection d’articles rédigés par des chercheur(e)s de l’Université de Lausanne présente une merveilleuse occasion d’approfondir nos connaissances sur l’histoire d’un pays à travers la question du genre. La Suisse n’a pas la réputation d’être un pays où règne une grand égalité politique-les femmes n’ont obtenu le droit de vote qu’en 1971-une liberté sexuelle ou un important mouvement de femmes. Cependant les Suissesses ont bien participé à plusieurs associations féminines et à maintes activités économiques, sociales et culturelles, à l’instar d’autres pays du monde occidental de la période. La fin du dix-neuvième siècle fut un moment important pour les rapports sociaux de genre, une belle époque pour certaines femmes, car c’est à partir de ce moment qu’elles ont obtenu l’accès à deux éléments essentiels: l’enseignement et l’emploi dans les services publics. La mise en avant de l’histoire des rapports sociaux de sexe d’un « petit pays », à l’ombre de ceux dont l’histoire domine le récit européen, offre l’occasion de saisir la façon dont les femmes de la bourgeoisie et de la paysannerie suisses ont vécu leurs expériences et ont laissé des traces dans la littérature, la correspondance et dans les papiers ô combien précieux préservés dans des fonds associatifs et familiaux.

La collection traite une variété de sujets. La première partie intitulée « Itinéraires de femmes et rapports de genre dans la Suisse de la Belle Époque », s’intéresse à l’éducation et la professionnalisation des filles de la bourgeoisie, à l’influence américaine sur le féminisme helvétique, aux femmes artistes, et aux paysannes. La seconde partie intitulée, « La rage d’écrire » examine les écrivaines et journalistes dans le champ littéraire et éditorial romand à la « belle époque », le revenu de femmes écrivaines et journalistes à l’aube du XXe siècle, les écrivaines, journalistes et les réseaux associatifs, le Journal des Dames receveuses de l’Union des Femmes de Lausanne (1902-1903), les écrits et le parcours de Mario (1831-1895), ainsi que la correspondance entre Eugénie Pradez et Philippe Godet. La dernière partie dresse enfin un compte rendu sur l’une des femmes les plus remarquables de l’époque, mais trop peu connue, la syndicaliste féministe anarchiste, Margarethe Faas-Hardegger. Si la présentation aurait pu être améliorée par la numérotation des articles dans la table des matières, les deux index des noms propres et des associations, ainsi que la notice biographique des 13 auteur(e)s, tous universitaires de Lausanne, sont fort utiles.

Cette collection d’articles montre à quel point l’histoire des femmes a évolué au cours des dernières décennies du XXe siècle et combien de recherches il reste à poursuivre. Dans l’introduction Monique Pavillon, directrice de l’équipe, expose la longue lutte à laquelle elle a participé avec des collègues universitaires de Zurich, Bâle et Lausanne pour assurer l’arrivée de l’histoire des femmes dans l’enseignement universitaire suisse. On pourrait se demander à quel point la spécificité suisse autour de 1900 fut un facteur déterminant dans les rapports universitaires et dans le manque de dissémination de l’histoire des femmes en Suisse. C’est là d’ailleurs que le bât blesse: nous avons peu de renseignements sur l’impact de la structure politique de la Suisse, les rapports entre les femmes militantes de la Suisse romande et celles de la Suisse alémanique. Pourtant, il existe un lien méthodique entre l’état des recherches universitaires et le sujet. Les difficultés rencontrées par les chercheurs qui s’intéressent aux rapports sociaux des sexes participent de la même lutte que celle menée par les femmes d’hier: la reconnaissance de leur égalité avec les hommes, que ce soit par leur production culturelle ou leur expression artistique. On aimerait en savoir un peu plus sur cet aspect et le fait que la Suisse soit fédérale et multilingue, que la religion y jouisse d’un rôle important au XIXe siècle et au-delà, qu’elle se compose d’une partie allemande, italienne et romande. En bref, jusqu’à quel point la spécificité suisse a-t-elle été facteur de contrainte ou d’émancipation? On apprend que l’attitude envers les femmes émancipées morcèle la communauté politique et le monde littéraire selon les classes ou les confessions chrétiennes. La bourgeoisie est ainsi divisée entre tendances catholique conservatrice et protestante libérale, mais les deux se croisent dans le récit de Mario. En dépit du poids de la tradition et grâce aux changements dans le monde du travail et de l’éducation, quelques femmes se libèrent néanmoins des fonctions traditionnellement féminines. Une contribution, fondée sur les archives familiales d’Émilie Gourd, brillante intellectuelle genevoise, illustre efficacement ce type d’itinéraire, mais celui-ci concerne aussi des montagnardes (Filomène). Selon les auteur(e)s, la haute bourgeoisie était éclairée sur la question des femmes, en premier lieu chez les protestants, de tendance plus libérale. Ainsi, certaines familles ont-elle promu certaines idées avancées, non sans demeurer soucieuses de former des épouses et mères dévouées, comme le souligne l’éducation donnée aux filles de l’école Vinet « qui consiste à donner à certaines femmes un accès au savoir, à de nouveaux emplois, voire à la politique, mais au nom de leurs « très sacrées » qualités « naturelles ». L’ouverture aux femmes du nouveau métier de journaliste attire vers lui les plus rebelles aux contraintes suisses, mais le mouvement helvétique paraît très modéré. Les militantes associatives cherchent à se justifier en imitant leurs sœurs américaines. Ce faisant, elles « ont vidé le modèle américain de sa substance » radicale. Ceci contraste avec l’action de Margarethe Faas-Hardegger, anarchiste syndicaliste dont les écrits ne trouvent place que dans un compte rendu de deux livres en allemand. Nommée secrétaire d’un syndicat, elle milite toute sa vie en faveur d’ouvrières contre la misère au travail et l’exploitation sexuelle. Suite au succès du journal Die Vorkämpferin, l’organe de la Fédération suisse des ouvrières qui, en 1906, tirait à 2 000 exemplaires, la publication L’Exploitée est lancée le 1er mai 1907, après des années de militantisme dans la Suisse romande, avec un tirage égal. Le sort de cette militante, ainsi que celui de toute une classe de femmes méprisées par les ouvriers, syndiqués ou non, mérite d’être mieux connu.

Le conflit entre aspirations de classe et de genre se voit à travers les mouvements réformateurs que développent les pionnières, parfois avec leurs propres moyens, parfois avec l’aide d’autres mouvements institutionnels et, surtout, parfois inspirés par des mouvements d’autres pays, comme les États-Unis, l’Allemagne et la France, mais toujours en s’adaptant aux exigences de la conjoncture suisse. Les conflits entre différents groupes de femmes-réformatrices, bourgeoises, chrétiennes, mais peu d’ouvrières-sont développés de façon très détaillée. Le thème prépondérant, souvent implicite, est la professionnalisation des activités, vendeuses ou femmes artistes. Pour certaines associations il s’agit de la fin de la soumission de la femme à l’esclavage domestique, non sans susciter la crainte des hommes. La Suisse a-t-elle été plus ou moins sensible aux influences de l’extérieur, compte tenu de sa complexité culturelle et des rudes conditions de la vie des montagnardes?

En fait, ce numéro spécial de revue est bien plus qu’une collection d’articles; il se lit comme une histoire bien tissée, le fruit de plus de trente ans de recherches sur l’histoire des femmes en Suisse. L’abondance des notes indique une profondeur d’enquête scientifique et propose des lectures supplémentaires sur un sujet passionnant, même si la meilleure part est réservée aux bourgeoises. L’écrit est le sujet privilégié de l’histoire des femmes car sans lui comment pourrait-on garder la trace de ces parcours largement invisibles? En dehors du champ littéraire privilégié dans la deuxième partie, d’autres horizons s’ouvrent vers une histoire plus complète des femmes suisses. Espérons que cet excellent travail d’équipe se poursuivra et se fera connaître au-delà de ses limites actuelles et des frontières universitaires de la Suisse romande.
(1. Sur la place de la Suisse dans le contexte européen, voir Karen M. Offen, European Feminisms, 1700-1950: a Political History, Stanford, Stanford University Press, 1999.)

Máire Cross, Le Mouvement social, 3 novembre 2007

S’appuyant sur des travaux de mémoires et sur quelques travaux d’un séminaire de recherche, ce volume propose une douzaine de contributions portant sur l’histoire des femmes en Suisse romande et au Tessin.

Chloé Issenmann ouvre le livre avec un texte consacré à l’école Vinet de 1884 à 1908, époque durant laquelle l’institution est dirigée par Sophie Godet. Cette école secondaire lausannoise est destinée aux jeunes filles de bonne famille et l’auteure discute la dialectique entre éducation et émancipation, en n’évitant pas toujours les anachronismes. Travaillant sur des archives familiales très, riches, Fiorella Castanotto s’intéresse à la formation d’une jeune fille de bonne famille, Emilie Gourd, en tentant de comprendre comment l’on devient féministe. Corinne Dallera s’interroge sur l’influence américaine sur le féminism suisse au tournant du xxe siècle. Elle montre comment se font les connexions personnelles notamment entre Harriet Clisby, Camille Vidart, Emma Piczynska-Reichenbach et Hélène von Mülinen, mais aussi institutionnelle d’une certaine manière, l’Exposition universelle de Chicago en 1893 jouant un rôle de déclic pour le premier Congrès des Intérêts féminins de Genève en 11893 et plusieurs associations, Union des femmes de Genève ou Ligue sociale d’acheteurs empruntant leurs modèles outre-Atlantique. Nicole Schweizer a suivi l’itinéraire d’une peintre et graveuse, Violette Diserens, et part de son itinéraire pour s’interroger sur la place des femmes dans le champ artistique suisse. Exclues de la Société des peintres, sculpteurs et architectes suisses (c’est en 1973 seulement que cette société ouvrira ses portes aux femmes…), les femmes fondent la Société suisse des femmes peintres, sculpteurs et décorateurs, tout en hésitant sur la tactique à suivre: artistes ou femmes? Le discours de réception sur la sensibilité féminine illustre bien la difficulté d’un positionnement de genre trop marqué, encore qu’il soit une manière d’exister. La première partie du livre se termine par un texte d’Anna Benelli, qui a travaillé sur une correspondance familiale touchante. La famille Sartori habite le val Maggia et elle est confrontée à l’émigration masculine, les femmes restant au Tessin, responsable des vieux et des jeunes, responsables aussi de préserver le petit domaine familial. C’est avec beaucoup de sensibilité et de finesse que l’auteure rend compte de la vie difficile de Filomena, seule des quatre filles à rester célibataire pour s’occuper des parents et attendre avec impatience et résignation le retour des Etats-Unis du frère.

Alors que la première partie du livre offre des thématiques diverses, la seconde est centrée sur la femme écrivaine et journaliste. François Vallotton démontre fort bien comment, au tournant du xxe siècle, le rapide développement du monde éditorial ouvre les portes à de nouveaux bataillons d’écrivains et d’écrivaines. Documentés essentiellement par les correspondances conservées dans le fonds Philippe Godet à Neuchâtel, les articles suivants (Monique Pavillon, Céline Schoeni, Véronique Czaka, Danielle Jaccoud) défendent une thèse: dans le domaine littéraire, les femmes sont cantonnées au rôle de prolétariat sous-payé et exploité que l’on enferme dans les genres dévalorisés de la littérature moralisante ou destinée à la jeunesse. Les arguments ne manquent pas, mais les manières de Procuste parfois utilisées ne convainquent pas toujours et on regrettera surtout l’absence de comparaison avec des itinéraires d’écrivain qui auraient permis d’affiner une analyse de genre un brin convenue.

L’article de Marc Vaucher s’arrête au journal tenu par les « Dames receveuses » de l’Union des femmes de Lausanne en 1902-1903. Le local de l’Union des femmes est en effet ouvert quelques heures par jour et, à tour de rôle, plusieurs de ses membres assurent la permanence, consignant dans un petit journal les événements de cette veille peu nombreux, il faut le dire… L’auteur analyse avec délicatesse ces notations rares, attentif à y repérer une identité timide en construction.

Dans le panorama que propose l’ouvrage, l’écrivain Mario, pseudonyme de Marie Trolliet, occupe une place à part, de par sa confession catholique. Séverine Desponds s’attache à son itinéraire, en s’attardant à la constitution de la réputation et à la réception de celle qui apparaissait dans les années 1890 comme le chantre du Valais.

Au final, un livre riche d’informations et de vues originales, parfois enfermé dans des schémas, mais qui, pour le dire comme Lucien Febvre, apporte un bon meuble meublant d’histoire dans une pièce encore trop vide de l’historiographie suisse.

            Alain Clavien, Cahiers d’Histoire du Mouvement Ouvrier, N° 23, 2007, pp. 164-165

 A la Radio suisse romande

Monique Pavillon parle du livre dans le 12h30 sur RSR 1