Revue historique vaudoise 129/2021

Presse

François Valloton et Philippe Kaenel invités d’Antoine Droux, Médialogues, RTS La Première du 14.01.22 > écouter l’émission

Se pencher sur lʹhistoire de la presse vaudoise, cʹest se pencher sur lʹhistoire des médias suisses! Cʹest ce que lʹon constate à la lecture du dernier numéro annuel de la « Revue historique vaudoise » (Antipodes) intitulé « Du papier aux autres médias: la presse vaudoise ». Antoine Droux reçoit les professeurs de lʹUniversité de Lausanne François Vallotton et Philippe Kaenel qui ont co-dirigé cet ouvrage collectif sorti en décembre 2021. Avec un focus sur la critique radiophonique et sur la personnalité médiatique quʹétait Jack Rollan.

Du papier aux autres médias : la presse vaudoise

Une nouvelle perspective sur l’histoire de la presse et des médias.

Numéro thématique annuel de la Revue historique vaudoise, ce volume présente sur la longue durée l’histoire et l’évolution de la presse dans ses relations avec d’autres arts et médias comme la radio ou la télévision.
Dirigé par Philippe Kaenel (Section d’histoire de l’art, Centre des sciences historiques de la culture) et François Vallotton (Section d’histoire, Centre des sciences historiques de la culture), cet ouvrage réunit quatorze contributions inédites rédigées en partie par des chercheuses et chercheurs rattachés ou issus de la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne.
Ces divers éclairages sur des thématiques variées (archéologie, politique, littérature…) interrogent l’évolution des pratiques au fil de l’histoire matérielle de la presse, du papier à l’écran.

Notice de P. Kaenel dans Labelettres, 21.01.22

En marge de la votation du 13 février sur l’aide aux médias, la «Revue historique vaudoise» vient de publier son dernier numéro: «Du papier aux autres médias: la presse vaudoise»

Habituellement, la presse couvre les votations. Elle explique, analyse, commente les scrutins. Cette fois-ci, elle est aussi au cœur des débats avec la loi sur l’aide aux médias. Les discussions sont vives et le résultat de la votation du 13 février incertain.

Pour alimenter la réflexion, la Revue historique vaudoise vient de publier un numéro thématique intitulé: Du papier aux autres médias: la presse vaudoise. Cet ouvrage dirigé par Philippe Kaenel et François Vallotton a pour objectif de présenter sur une longue durée l’histoire et l’évolution de la presse dans le canton de Vaud. Trois siècles sont ainsi parcourus pour raconter l’évolution des médias et de ses acteurs principaux que sont les journalistes et les lecteurs.

Les deux professeurs de l’Université de Lausanne évoquent «une presse au passé recomposé» et décrivent comme caractéristiques de l’évolution de la presse vaudoise: une densité exceptionnelle de titres jusqu’aux années 1950; la rareté des journaux à la diffusion régionale ou supra-régionale; une distanciation des rédactions et des partis politiques depuis la Seconde Guerre mondiale. On apprend par exemple qu’en 1920, il y avait 45 titres dans le canton.

Lutte contre les resquilleurs

Tout au long des 14 contributions, on fait un sacré voyage dans l’histoire. La revue débute en effet par un article très original d’Erwan Le Bec sur l’archéologie vaudoise dans la presse au XIXe siècle pour se terminer avec Serge Michel et «le journalisme en ligne pour revitaliser la presse romande.» Erwan Le Bec écrit que l’archéologie et le monde médiatique sont deux domaines qui façonnent l’inconscient collectif.

Cet ouvrage se penche aussi sur l’évolution du métier de journaliste et sa professionnalisation. L’Association de la presse vaudoise a par exemple été fondée en 1900. Et en 1931, «le Cercle lausannois des journalistes» est créé pour lutter contre les «resquilleurs», des amateurs qui n’étaient pas de véritables journalistes. A l’époque, le journalisme est aussi un marchepied vers le champ politique, souligne Pierre Evéquoz.

Comment être en contact direct avec son public? Tous les médias se posent la question. Elle n’est pas nouvelle puisque, en 1945, Ringier avait lancé un journal illustré Pour tous. Il cherchait la proximité avec son lectorat, notamment en répondant à de nombreuses lettres de lecteurs et en donnant des conseils. Cette publication s’est arrêtée en 1966.

La Revue historique vaudoise revient sur de nombreux titres qui ont disparu, mais termine sur l’arrivée de nouveaux acteurs, grâce au journalisme en ligne. Fondateur de Heidi.news, Serge Michel se réjouit de l’arrivée de ces nouveaux acteurs qui revitalisent l’espace médiatique romand: «La peau de chagrin a repris de la surface – pourvu que ça dure!», écrit celui qui est aussi rédacteur en chef adjoint du Temps.

Vincent Bourquin, Le Temps, samedi 5 février 2022

Les historiens explorent la presse romande

Le numéro annuel de la «Revue historique vaudoise» paru dernièrement aux Editions Antipodes sous le titre «Du papier aux autres médias: la presse vaudoise» présente quatorze contributions inédites brossant un panorama inscrit dans la longue durée et dévoilant la richesse et les évolutions des titres de la presse romande. Emmanuelle Vollenweider livre une captivante contribution mettant en lumière l’hebdomadaire illustré «Pour tous» lancé en 1945 et dont le tirage deviendra l’un des plus importants de sa catégorie. Ce titre apolitique paru jusqu’en 1966 se veut proche de son lectorat et surtout à son écoute, comme le prouvent les rubriques nombreuses qui intègrent le courrier des lecteurs et les réponses et conseils que le journal leur adresse en retour. Même si certains de ces courriers de lecteurs ne sont pas tous authentiques, comme semblerait le prouver le premier numéro du journal paru le 2 mars 1945 et qui répond à quatre lettres qu’il aurait reçues avant même sa mise en vente dans les kiosques. La rédaction aurait-elle tout simplement inventé ces courriers de lecteurs pour inciter son futur lectorat à lui en envoyer par la suite et alimenter ses colonnes? Toujours est-il que le courrier des lecteurs ne lui fera pas défaut et alimentera des rubriques traitant aussi bien de la vie quotidienne, du jardinage, des animaux, que des thèmes juridiques et médicaux et de thématiques concernant la psychologie, la vie de famille et les problèmes sentimentaux. Dès 1947, le lecteur découvre ainsi la rubrique le «Courrier du cœur» et ses conseils: «Quand j’ai été certaine qu’il me trompait depuis deux ans avec la même femme, je lui ai dit de choisir. Ce qu’il a fait, en choisissant l’autre. Je suis seule et désespérée et je regrette amèrement de m’être montrée si intransigeante. Que votre expérience profite au moins à d’autres. Dans une situation délicate, pas de paroles imprudentes. Pour vous, le mal est fait. Seule une activité débordante peut vous faire oublier votre solitude. Il n’y a, hélas, aucun autre moyen.» (13 décembre 1955). Philippe Kaenel, quant à lui, brosse dans sa contribution le portrait de l’humoriste Jack Rollan (1916-2007) dont les domaines d’activités semblent sans limites.  

A la fois chansonnier, compositeur, homme de radio, fondateur de journaux, éditeur, acteur et publicitaire, Jack Rollan est une figure marquante du monde des médias et du spectacle dès les années 1940. Malgré ses faillites ou ses licenciements, cet homme si  polyvalent a toujours su rebondir tant les cordes à son arc étaient nombreuses. Dans les années 1950, il a marqué de son empreinte le paysage romand de l’humour satirique en créant notamment «Le Bon Jour de Jack Rollan» qui atteindra un tirage conséquent de 100 000 exemplaires tout en sachant s’entourer de dessinateurs et d’auteurs de talent. Exploit d’autant plus remarquable que cette publication a été diffusée sans manne publicitaire jusqu’à sa disparition en 1959. Le Fonds Rollan déposé aux Archives cantonales vaudoises, constitué de 213 cartons, et les archives de la RTS démontrent toute la richesse de cet homme-orchestre et promettent de belles découvertes à ceux qui mettent en valeur l’humour et la satire vaudoise de l’après-guerre. Le 1er numéro du «Bon Jour de Jack Rollan», paru le 5 novembre 1952, expliquait la raison du lancement de ce journal: «Simplement, pour tâcher de lutter contre la mélancolie constipante qui envahit ce pays plus tragiquement que la grippe de 18.» Les amateurs de l’histoire de la presse ro-mande et de l’histoire vaudoise tireront aussi parti du site Scriptorium qui dévoile des millions de pages numérisées de cette presse si nécessaire à la compréhension de notre région et de ses habitants.

Article de Nicolas Quinche, parution dans La Côte le 10/12/2021