Revue historique vaudoise 128/2020
Ouvrage collectif,
ISBN: 978-2-88901-190-2, 2020, 223 pages, 28 €
Ce nouveau volume de la Revue historique vaudoise explore le milieu associatif vaudois : sociétés de gymnastique et de musique, les abbayes, les jeunesses, etc.
Description
Ce nouveau numéro de la Revue historique vaudoise aborde dans son dossier thématique l’histoire et le rôle du mouvement associatif en terre vaudoise.
Cette livraison présente non seulement la trajectoire de sociétés bien connues comme celles de gymnastique ou les abbayes de tir, mais s’intéresse aussi aux origines du monde associatif et à son évolution au cours des cent cinquante dernières années. Ainsi, nous trouvons des sujets aussi divers qu’une étude sur les origines du droit d’association, l’histoire récente des Jeunesses campagnardes, des Jeunesses protestantes, les associations vaudoises et le patrimoine immatériel, deux études sur l’évolution des sociétés de gymnastique, mais aussi sur l’histoire du scoutisme et de sociétés savantes comme la Société vaudoise des sciences naturelles ou l’Association Pro Aventico.
Notre dossier thématique est le premier travail depuis plus de deux décennies qui réunit en un seul volume des études récentes sur les associations de notre région. Il aborde des thèmes inédits comme l’intégration des femmes dans des structures qui furent durant longtemps des bastions masculins ou les démarches actuelles autour de la conservation du patrimoine matériel des sociétés.
En cette période sanitaire troublée, ce dossier rappelle aussi l’engagement passé et présent de nombreuses sociétés et de leurs membres dans des activités bénévoles et au bénéfice de la communauté.
Table des matières
David Auberson
Editorial
David Auberson
Introduction. Des Vaudois « fondateurs d’églises »?
AUX SOURCES DE L’ASSOCIATION
Cédric Ballenegger, Numa Graa, Olivier Meuwly
Une liberté sous surveillance : Une histoire du droit d’association de l’Ancien Régime au Code civil de 1907
Ariane Devanthéry
L’associationnisme, une tradition vivante helvétique ?
PRATIQUES ET ÉVOLUTIONS
Gil Mayencourt
La Société cantonale vaudoise de gymnastique : entre institutionnalisation cantonale et affirmation romande de la pratique (1858-1892)
Jean-François Martin
1908-2020 : la gymnastique vaudoise entre tradition et modernité
Grégory Quin et Philippe Vonnard
« Il était carabinier dans l’âme et l’est resté jusqu’à son dernier jour
Adrien Thélin, la politique et le développement de la société suisse des carabiniers
Solène Froidevaux
Interroger la place des femmes dans les abbayes vaudoises
ÉCLAIRAGE DOCUMENTAIRE
Patricia Brand
Patrimoine mobilier des sociétés locales yverdonnoises : un nouvel éclairage
JEUNESSE
Alexandre Dafflon
Les sociétés de jeunesse campagnarde face aux mutations des mondes ruraux : entre adaptation et maintien des conceptions politiques de la jeunesse rurale
Nicolas Gex
Les jeunes dans l’Eglise nationale vaudoise de l’après-guerre. Esquisses sur un moment de l’histoire des Jeunes Paroissiens
Jean-Marc Falciola
Le scoutisme en terre vaudoise
PATRIMOINE ET SAVOIR
Michel E. Fuchs
Le Pro Aventico : 135 ans de virtus archéologique
Catherine Saugy
La Société vaudoise de Sciences naturelles : 200 ans de constance et d’évolution
MÉLANGES
Kevin Imhof
La comptabilité de Louis II de Cossonay (1379-1381) : entre devoirs et gestion
NÉCROLOGIES
Laurette Wettstein (Gilbert Coutaz)
Gilbert Kaenel (Gilbert Coutaz)
LES AUTEUR.E.S
INDEX
Presse
Les associations en terre vaudoise
En 1969, dans « Portrait des Vaudois », Jacques Chessex mettait en lumière un trait persistant et caractéristique de nos sociabilités locales : « Les Vaudois aiment les sociétés à la folie. Fondateurs d’églises ! Amicales, chorales, clubs, associations, ils en inventent, ils en redemandent, ils en entretiennent par centaines. Un Vaudois solitaire est un sujet d’étonnement, peut-être de réprobation » Le dernier numéro de la « Revue historique vaudoise » paru aux Editions Antipodes sous la direction de David Auberson démontre par des études de cas variées et originales que la vie associative a une histoire longue et riche dans notre canton. La diversité de ces associations a de quoi donner le vertige : chorales, clubs sportifs, sociétés savantes, girons, abbayes, associations culturelles, fanfares. Une simple chronique ne saurait épuiser la liste de toutes les manifestations possibles de cette vie associative dans notre canton. Mais ce numéro de la « Revue historique vaudoise » permet de poser de solides jalons dans cette histoire encore largement méconnue et laissée dans les marges par les universités.
Parmi les sociétés savantes analysées dans ce numéro, retenons la contribution de Michel E. Fuchs consacrée à la genèse et l’évolution de l’Association Pro Aventico qui œuvre depuis 1885 à la conservation et à la restauration des trouvailles réalisées dans les fouilles à Avenches. Cette association a dû très vite se battre contre le pillage systématique des ruines antiques d’Avenches et les fouilles sauvages du site. Il n’est pas sûr que les mots de son président Eugène Secrétan parus dans le premier numéro du « Bulletin de l’Association Pro Aventico » en 1887 aient dissuadé les « archéologues » amateurs de telles pratiques : « Remuez, grattez, triez de vos dix doigts quelques-uns de ces innombrables morceaux de poterie romaine, collectionnez tels de ces fragments de marbre qui ont jadis fait partie d’un édifice inconnu ; creusez n’importe où et n’importe comment, partout où vous verrez le sol déjà entamé. »
Jean-Marc Falciola retrace quant à lui la création et l’essor du scoutisme dans le canton de Vaud. A Lausanne, la Bridage de Sauvabelin créée en 1912 est la première unité vaudoise dont on connaisse la date de création. Ses activités se pratiquent en plein air et comprennent le camping. Les éclaireurs ne disposent pas encore d’uniforme et se rendent en tenue de ville aux activités. Si les effectifs s’élèvent déjà à 740 éclaireurs en 1913. La mobilisation de 1914 va créer des problèmes d’encadrement. D’ailleurs l’essor du scoutisme est essentiellement citadin. Dans les villages, les troupes fondées ont de la peine à s’inscrire dans la durée et à bénéficier de soutiens financiers. Ce mouvement recrute alors ses instructeurs essentiellement parmi les classes moyennes et supérieures, laissant pour ainsi dire en marge les ouvriers et artisans. Les filles manifestent aussi leur intérêt pour le mouvement. Les premières éclaireuses fondent leur section à Villeneuve en 1914. Et en 1919 les associations locales d’éclaireuses fondent la Fédération des éclaireuses suisses.
Le sens du service dont les scouts font preuve à de multiples occasions leur attire la sympathie de la population. Lors des deux guerres mondiales, les éclaireurs ont ainsi l’occasion d’apporter leur pierre à l’effort de mobilisation ; les uns acheminant du courrier et des vivres, les autres s’impliquant dans les travaux des champs ou en prêtant main-forte à la Croix-Rouge. Comme le mentionnait l’édition du 27 mars 2020 de « La Côte », ce sens du service propre aux scouts s’est à nouveau manifesté lorsqu’ils ont été parmi les premiers à proposer leur aide au début de la pandémie du Covid.
Nicolas Quinche, Journal « La Côte« , vendredi 20 août 2021
David Auberson, rédacteur en chef de la Revue historique vaudoise, nous parle d’histoire des associations dans l’émission Forum du 30 janvier 2021. Ecouter le passage.
Sur les traces de Pro Aventico
Première association dédiée à un site créée en Suisse, Pro Aventico œuvre à préserver et faire connaître la richesse du patrimoine antique d’Avenches depuis 135 ans. L’occasion d’un coup d’œil dans le rétroviseur et sur les perspectives à venir.
La recherche du passé d’Avenches a sa propre histoire. Et l’Association Pro Aventico (APA), qui a récemment passé le cap de son 135e anniversaire, a joué un rôle important dans la préservation et la connaissance du site gallo-romain. Créée le 3 septembre 1885, l’association est la première du genre consacrée à un site antique en Suisse et sera la répondante des fouilles d’Aventicum auprès des autorités jusqu’en 1917 au moins, relève le professeur en archéologie Michel Fuchs, auteur d’un article paru dans le dernier numéro de la Revue historique vaudoise. Il faut dire que l’époque était très différente. Nous sommes avant 1912, soit l’année où le principe que les découvertes historiques et archéologiques appartiennent aux cantons est ancré dans le Code civil suisse. Jusque- là, il n’était pas rare que propriétaires, agriculteurs et particuliers mènent des fouilles inopportunes et revendent leurs trouvailles à bon prix. Les matériaux calcaires des ruines romaines étaient aussi récupérés. «On les utilisait pour la construction ou on les transformait en chaux», relève Denis Genequand, directeur des Site et musée romains d’Avenches. Dans ce contexte, Pro Aventico voit le jour sous le patronage de la Société d’histoire de la Suisse romande, porté par un comité intercantonal composé d’éminents savants. On trouve comme membre d’honneur l’historien et archéologue fribourgeois Alexandre Daguet, et comme président le journaliste et théologien Eugène Secretan, dévoué à cette cause jusqu’à sa mort en 1919. D’autres acteurs tels Auguste Rosset (lire ci-contre) ou Auguste Caspari (1860- 1903), conservateur du Musée romain d’Avenches, accompagneront les premiers pas de l’APA. Rapidement, le comité compte plus de 400 adhérents. Pionnière, l’association émet un «règlement des fouilles» qui inspire Albert Naef, futur archéologue cantonal, pour sa loi vaudoise sur la conservation du patrimoine de 1898, à l’origine de la loi fédérale de 1912, note Michel Fuchs. «Le but de l’association est déclaré scientifique autant que patriotique, un appel non déguisé au civisme pour la conservation du patrimoine avenchois», souligne le professeur en archéologie. «A cette période, les cotisations couvraient en grande partie le coût des fouilles, ce qui est impossible aujourd’hui», signale Denis Genequand. Dans les années 1930, l’association est en perte de vitesse. Le d’Etat Paul Perret intervient. De nouveaux membres arrivent au comité, dont l’architecte payernois Louis Bosset, qui en tiendra la barre jusqu’à son décès en 1950. On notera aussi des noms prestigieux parmi ses membres: le général Henri Guisan, bourgeois d’Avenches, ou encore l’écrivaine Marguerite Yourcenar, qui venait de publier ses Mémoires d’Hadrien.
Un nouvel essor
Durant la décennie suivante, le fort développement d’Avenches plane comme une menace sur les vestiges romains. L’association trouvera un nouvel essor avec l’arrivée d’Hans Bögli comme conservateur du Musée romain dès 1964. Cette même année verra la création de la Fondation Pro Aventico pour soutenir l’organisation des fouilles et la gestion des collections. «Cela s’inscrit dans la professionnalisation croissante qu’a connue l’archéologie», précise Denis Genequand.
La fondation est dissoute en 2014, tandis que l’association poursuit ses activités, finançant diverses publications, dont le bulletin de l’APA, la revue Aventicum ainsi que les catalogues d’exposition du musée. «C’est un intermédiaire précieux pour lever des fonds que l’Etat ne peut pas sol- liciter», souligne son président actuel Stefan Bichsel. Si l’engouement pour ce type de soutien associatif connaît une baisse aujourd’hui, l’APA compte encore environ 600 membres et se porte «relativement bien», précise-t-il. Elle sera bien entendu mise à contribution pour le nouveau musée vers le site du Selley. «A ce stade, l’avancement du dossier est avant tout du ressort de l’Etat, mais une fois que nous aurons un projet plus tangible, nous pourrons le présenter au public», conclut-il.
Article de Pierre Köstinger paru dans le Journal de La Broye, 28 janvier 2021