Revue historique vaudoise 126/2018
Acteurs de la vigne
2018, 312 pages, 44 CHF, 28 €, ISBN:978-2-88901-151-3
Ce numéro de la Revue historique vaudoise a été réalisé en collaboration avec la Confrérie des Vignerons en prévision de la Fête des vignerons de 2019. Riche de plus de 180 illustrations couleurs, dont un cahier photo réalisé en collaboration avec des étudiant·e·s de l’ECAL, il explore les multiples facettes de l’activité vigneronne, passée et présente.
Entre tradition et modernité, les acteurs de la vigne ont vécu des réalités contrastées et complexes, du Moyen Âge à nos jours, qui font l’objet d’éclairages dans ce livre. Les articles proposent des pistes de recherche, entre histoire, économie et représentations. Ils sont rédigés par des auteurs venant d’horizons très divers (vignerons, économistes, archivistes, linguistes, juristes, sociologues, historiens de l’art, de la littérature, du cinéma…) mettent en lumière la richesse de fonds documentaires publics et privés. Ces études confirment l’intérêt réel d’une histoire vitivinicole pour la compréhension des mentalités, des pratiques sociales et culturelles du canton de Vaud.
Description
Autrefois premier producteur viticole de Suisse, le canton de Vaud est toujours perçu comme un pays de culture vigneronne. Ses vignes symbolisent un ancrage agricole pluriséculaire, un savoir-faire, une certaine vision de l’harmonie, de la beauté et de la durabilité.
Pourtant, face à l’image de carte postale, l’importance économique de la viticulture n’est aujourd’hui plus que marginale et de nombreuses exploitations vigneronnes se trouvent face à des difficultés qui mettent à mal ses chances de survie.
Entre tradition et modernité, les acteur·e·s de la vigne ont vécu des réalités contrastées et complexes, du Moyen Âge à nos jours, qui font l’objet d’éclairages divers dans ce livre. Le présent ouvrage propose des pistes de recherche, entre histoire, économie et représentations, et ses différents articles, rédigés par des auteurs venant d’horizons très divers (vignerons, économistes, archivistes, linguistes, juristes, sociologues, historiens de l’art, de la littérature, du cinéma…) mettent en lumière la richesse de fonds documentaires publics et privés. Ces études confirment l’intérêt réel d’une histoire vitivinicole pour la compréhension des mentalités, des pratiques sociales et culturelles de ce canton.
Carte blanche a en outre été donnée à des étudiants en photographie de l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL). Leurs regards, les outils dont ils disposent aujourd’hui offrent des représentations à la fois prosaïques et imaginaires, documentaires et décalées, d’un monde en mutation.
Le dossier central de la Revue historique vaudoise 2018 sur les métiers de la vigne est repris dans un livre, Acteurs de la vigne. Lavaux et Chablais vaudois, riche de plus de 180 illustrations couleurs, dont un cahier photo réalisé en collaboration avec des étudiant·e·s de l’ECAL, il explore de multiples facettes de l’activité vigneronne, passée et présente.
Table des matières
- Avant-propos (France Terrier)
- Préface (François Margot)
- Introduction (Sabine Caruzzo-Frey et Philippe Kaenel)
- La viticulture en Pays de Vaud au Moyen Âge: le point sur les sources historiques et la bibliographie (Jean-Daniel Morerod)
- Vin de cène et vin de table sur le territoire de Saint-Maurice d’Agaune au Moyen Âge (Gaëlle Bourguinet Eggs)
- Lavaux, une terre de convergences (Gilbert Coutaz)
- Les Bujard du Châtelard: témoignage d’un généalogiste passionné (Louis-Daniel Perret)
- Le contrat de vignolage du Moyen Âge à nos jours: remarques sur la qualification juridique des contrats relatifs à la culture des vignes en terres vaudoises (Denis Tappy)
- Les ouvriers lombards immigrés au XVe siècle, socle patronymique des vignerons de Lavaux (Jean-Pierre Bastian)
- Les sources vigneronnes de l’Époque moderne: une vendange tardive (Guillaume Favrod)
- Les vignerons de Corsier à l’époque de la Révolution vaudoise (Lucas Rappo)
- Les vignerons veveysans: population et pluriactivité à la fin de l’Ancien Régime (Guillaume Favrod)
- « On a eu raison de bâtir serré… »: habiter le vignoble, au jour le jour et au cours du temps (Denyse Raymond)
- Vigne et politique (XIXe-XXe siècles), une influence à géométrie variable ? (Olivier Meuwly)
- L’invisibilité paradoxale des femmes de la vigne selon Emma Chevalley et Catherine Colomb (Valérie Cossy)
- Les traités sur la culture de la vigne: l’exemple illustré de Louis Thonney (1822) (Sabine Carruzzo-Frey et Guillaume Favrod)
- Vignerons, conservez vos agendas! (François Jequier)
- L’évolution de la culture de la vigne à travers les Directions de la Confrérie des Vignerons (François Murisier)
- L’art du vigneron: du savoir-faire ancestral aux mutations induites par de microscopiques ennemis (Sabine Carruzzo-Frey)
- Tâcheron puis propriétaire, ou la passion d’un vigneron de Lavaux (Entretien avec Henri Chollet)
- Les vignerons face aux crises: écoulement et prix des vins de la fin du XIXe siècle à 1950 (Sabine Carruzzo-Frey)
- La Confédération et les vignerons: survol de la législation de 1950 à nos jours (Frédéric Rothen)
- Consolider, assainir et remanier: les améliorations foncières des XIXe et XXe siècles en Lavaux et dans le Chablais (Jean-François Jaton)
- Et les vignerons dans tout ça? (Jean-François Jaton)
- Le négociant en vins (Paul Baumann)
- Coopératives vinicoles: quelle évolution? (Thierry Walz)
- Le coût de la culture viticole dans la seconde moitié du XXe siècle (Philippe Droz)
- La formation des métiers de la vigne et la professionnalisation des filières (Conrad Briguet)
- Du Chasselas à Divico: l’évolution de l’encépagement du vignoble vaudois (Olivier Viret)
- Le terroir des appellations de vin vaudoises: une construction politique et économique (Melaine-Noé Laesslé)
- Assemblage ECAL. La vigne en images par des étudiants de l’ECAL (Milo Keller, Sabine Caruzzo-Frey, Philippe Kaenel)
- Comment la littérature a-t-elle commenté le travail de la vigne? (Noël Cordonier)
- Jacques et Claudine, le vigneron et l’effeuilleuse (Isabelle Raboud-Schüle)
- Le vocabulaire de la vigne: l’enquête de Wilhelm Egloff à Épesses (Hervé Chevalley)
- De la pluie et du beau temps: contraintes climatiques et dictons traditionnels (Martine Rebetez)
- Les vendanges d’Henry Bischoff: brantards et vigneronnes au temps des Cahiers vaudois (Alessandra Panigada)
- Deux visions opposées du monde viticole en 1934 et 1935. Le Retour des vendanges de Frédéric Rouge face à La Belle du Dézaley de René Auberjonois (Philippe Kaenel)
- Les acteurs de la vigne dans la presse illustrée de l’entre-deux-guerres: une représentation fantasmée (Clio Devantéry et Gianni Haver)
- Filmer Lavaux: paysages et labeurs au regard du cinéma (Pierre-Emmanuel Jaques)
- Du Quart d’heure vaudois à la sauvegarde de Lavaux: les représentations du vigneron à la radio et à la Télévision suisse romande 1930-1990 (François Vallotton et Nelly Valsangiacomo)
- Propos d’un collectionneur: étiquettes et convivialité (Jean Menthonnex)
- Les acteurs en Fête: un reportage graphique inédit de Rolf Roth en 1955 (Philippe Kaenel)
- Le vigneron en vitrine (Séverine André)
- De la terre nourricière au paysage culturel, Lavaux patrimoine mondial de l’UNESCO (Jean-Pierre Dresco, Bernard Bovy, Jean-Marc Vallotton et Emmanuel Estoppey)
Presse
Gilbert Coutaz parle d’Acteurs de la vigne et de la Fête des Vignerons, Tagesschau, SRF, 18 juillet 2019
Avoir le vin savant
Près de 40 auteurs, pour moitié issus de l’UNIL, éclairent dans un livre richement illustré les différentes facettes de la vigne à l’occasion de la prochaine Fête des Vignerons.
Intitulé Acteurs de la vigne, cet ouvrage rassemble textes inédits, images originales et archives pour éclairer le monde de la viticulture à l’heure où s’activent les créateurs de la Fête des Vignerons 2019. inscrite par l’UNESCO sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, cette célébration « promeut la perfection de la culture de la vigne et distingue les meilleurs vignerons 11, lit-on sur le site internet de la Confrérie des Vignerons.
Autrefois premier producteur viticole de Suisse, le canton de Vaud manquait pourtant d’études historiques sur cette thématique et ce livre esquisse un premier état de la question tout en proposant des pistes de recherche. li est co-dirigé par l’historienne Sabine Carruzzo-Frey, secrétaire générale et archiviste de la Confrérie des Vignerons, et l’historien de l’art Philippe Kaenel, professeur à l’UNIL et membre de la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie. Celle-ci publie sur le même sujet et avec les éditions Antipodes la Revue historique vaudoise et l’ouvrage Acteurs de la vigne.
Le livre rassemble des auteurs et autrices d’horizons très divers, historiens, juristes, ingénieurs agronomes, sociologues, œnologues, archivistes, spécialistes du climat, du paysage et de la vigne. Les textes relèvent du champ académique mais aussi de récits plus personnels et de témoignages évoquant la vigne sous les angles historique, économique, artisanal, ethnographique, littéraire, cinématographique, médiatique, architectural, écologique, juridique, linguistique ou encore politique. Objet multiforme, la vigne exigeait un traitement interdisciplinaire au croisement des regards et des styles. Univers façonné et dirigé par des hommes, la viticulture a longtemps relégué dans l’ombre le travail et la présence des femmes. Tout comme la Fête des Vignerons 2019, co-écrite par les librettistes Blaise Hofmann et Stéphane Blok, le livre Acteurs de la vigne veut donner une visibilité aux vigneronnes, œnologues et autres protagonistes actives d’un microcosme qui, lui aussi, se féminise peu à peu.
Richement illustré, cet ouvrage donne également la parole aux plus jeunes en présentant une sélection d’images originales et volontiers mystérieuses réalisées par des étudiants en photographie de l’ECAL. L’une d’elles a été choisie comme couverture de ce livre qui n’est pas seulement tourné vers le passé, lequel n’est jamais passé, car il « façonne le présent et permet de penser l’avenir » , comme l’écrivent Sabine Carruzzo-Frey et Philippe Kaenel.
Nadine Richon, Allez savoir, n°71, janvier 2019, UNIL (Université de Lausanne)
Le vignoble vaudois tient sa première bible
«Acteurs de la vigne» met en lumière le rôle de la viticulture dans la création de ce coin de pays
Le terme de «vigneron» était trop réducteur. Car il est ici question d’hommes, de femmes, de tâcherons, de propriétaires, de négociants, d’État ou encore d’environnement. C’est pourquoi le livre a été intitulé «Acteurs de la vigne», un sujet sur lequel le canton de Vaud a beaucoup à dire. C’est un peu son âme. Ses vignobles symbolisent un ancrage millénaire, un savoir-faire, une certaine vision de la beauté et de la durabilité. «Or contrairement à d’autres régions à forte production viticole comme le Valais ou la Bourgogne, ce champ de recherche est demeuré largement inexploré jusqu’ici, explique France Terrier, présidente de la Société vaudoise d’histoire et d’archéolo-gie (SVHA.) Pourtant, il aborde des particularités locales, des spécificités régionales, en un mot ce qui constitue l’essence même de ce canton.»
À l’aube de la Fête des Vignerons 2019, qui s’apprête à consacrer les meilleurs tâcherons de Lavaux et du Chablais, le temps était venu de mettre en lumière le rôle joué par la population vigneronne dans la création et l’évolution de ce coin de pays. Publié par la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie (SVHA) et la Confrérie des vignerons de Vevey, le livre «Acteurs de la vigne» fait apparaître la viticulture vaudoise sous toutes ses coutures, sociale, politique, économique, ar-tistique et donc identitaire. «Avec notre récente inscription au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, nous avons un devoir de recherche et de documentation, rappelle Sabine Carruzzo-Frey, secrétaire générale de la Confrérie des Vignerons et codirectrice de la publication. Il est étonnant qu’une histoire sociale et culturelle des vignes et du vin dans le canton n’a pas été encore entreprise à ce jour.» Face à ce manque, cette publication, rédigée par une quarantaine d’auteurs d’horizons divers, offre aussi de nouvelles pistes de recherche en vue d’une étude encyclopédique sur le sujet.
La longue invisibilité des femmes dans la vigne en est une. Avec la mécanisation, elles y affirment leur présence. Et les transmissions des domaines à des filles sont devenues moins rares. Mais le scénario de la Fête 2019 laisse entrevoir un trouble des genres dans le monde des vignerons, à lire Valérie Cossy, profes-seure en études genre à l’Université de Lausanne: «On sourit déjà des Cent Suissesses annoncées: les calibrera-t-on comme leurs collègues masculins? Osera-t-on parler de leurs mensurations? Comment la Fête répercutera-t-elle ce profond assouplissement des assignations de genre dans le monde vigneron?»
Le carnotzet, ce parlement
Pour le juriste et historien Olivier Meuwly, auteur d’un chapitre sur la vigne et la politique aux XIXe et XXe siècles, l’importance de la viticulture pour comprendre la société vaudoise est indiscutable. Alors que le vignoble cantonal a retrouvé un représentant au Conseil fédéral avec Guy Parmelin, paysan et vigneron à Bursins, Olivier Meuwly relève que la vigne n’a pas vraiment colonisé la scène politique. Discrète aux niveaux fédéral et cantonal, à ses yeux, elle serait toutefois plus présente à l’échelle communale. Et se tiendrait en embuscade derrière les autres métiers de la terre. «Mais l’esprit du vin, sans hanter les couloirs politiques, imbibe une culture où trône le carnotzet, emblème d’une vie politique parfois agitée, même dans le débonnaire canton de Vaud, analyse le juriste et historien. Ses murs de pierre savent cependant remettre dans leur juste perspective les discussions parfois trop vives qui ont pu déchirer l’ambiance sinon feutrée du parlement.»
Les chercheurs ont, bien sûr, scruté Lavaux, dont les coteaux façonnés par l’homme sont également inscrits au Patrimoine culturel de l’humanité. Terre de convergence, le vignoble n’aurait pas connu le même développement et la reconnaissance internationale sans les apports extérieurs, les immigrés lombards notamment, selon Jean-Pierre Bastian, un des auteurs. Lavaux a aussi accueilli diverses autorités politiques, religieuses et de nombreux propriétaires. «Faut-il pour autant penser que l’acte de rébellion du Major Davel en 1723 ne pouvait survenir que dans une telle région, soumise aux influences extérieures, située à la confluence des cantons souverains de Berne, de Fribourg et de la ville sujette de Lausanne?» s’interroge l’archiviste Gilbert Coutaz. Aujourd’hui, actifs ou retraités, et nouveaux habitants venus des villes tiennent à ce que Lavaux reste vivant. «Ils essaient de faire preuve d’un savoir-habiter suffisant pour respecter le site dans son ensemble afin que, dans le sillage de Ramuz, le poète puisse toujours passer», sourit Denyse Raymond, historienne de l’art monumental local. Dans la littérature, Ramuz est d’ailleurs l’un des seuls auteurs à avoir privilégié la vigne au vin, relève Noël Cordonier, professeur de littérature. «Vigneron, moi aussi!» affirmait l’écrivain ayant vécu deux ans à Treytorrens.
Face à l’image de carte postale, la viticulture vaudoise, autrefois la plus grosse productrice du pays, perd de son importance économique. Et nombre d’exploitations viticoles risquent de sombrer. «Le choix des cépages est un élément clé pour faire face à la concurrence internationale, estime Olivier Viret, responsable du centre de cultures spéciales de l’État de Vaud. Innovation et respect des traditions vitivinicoles ancestrales représentent certainement la voie du futur.»
«Contrairement au Valais ou à la Bourgogne, l’étude du vignoble est restée inexplorée jusqu’ici. Or elle aborde des sujets constituant l’essence même du canton»
France Terrier, Présidente de la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie
«Avec la récente inscription au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité de la Fête des Vignerons, nous avons un devoir de recherche et de documentation»
Sabine Carruzzo-Frey, Secrétaire générale de la Confrérie des Vignerons et codirectrice de la publication
Claude Béda, 24 heures | Samedi-dimanche 12-13 janvier 2019
« Acteurs de la vigne. Lavaux et Chablais vaudois » : un livre, une histoire et une invitation
A l’approche des fêtes de fin d’année, sans doute plus qu’à l’accoutumée, les amateurs de bon vin s’interrogent sur les mets et les boissons qui les accompagnent et qu’ils vont proposer à leurs convives ou consommer dans leur restaurant de prédilection.
Certains d’entre eux ne jurent que par « leurs » vins préférés, d’autres, plus audacieux et « aventuriers », n’hésiteront pas à partir à la découverte de vins moins « habituels » mais d’une grande qualité. C’est le cas notamment pour les vins du canton de Vaud qui viennent de faire l’objet d’une fort intéressante publication collective aux éditions « Antipodes », intitulée « Acteurs de la vigne. Lavaux et Chablais vaudois » et qui a été élaborée sous la direction de l’historienne Sabine Carruzzo-Frey, porte-parole de la Confrérie des Vignerons, et de l’Historien de l’Art Philippe Kaenel, de la Société vaudoise d’Histoire et d’Archéologie.
L’ouvrage, réalisé en collaboration avec des étudiants en photographie de l’Ecole cantonale d’Art de Lausanne (ECAL), aborde d’abord les aspects historiques des vignobles du Vaud reposant sur un ancrage agricole pluriséculaire qui a été le premier producteur viticole de Suisse. Le livre propose notamment des témoignages de vignerons et des documents inédits, évoquant, par exemple, « Le contrat de vignolage du Moyen-Âge à nos jours, « Les ouvriers lombards immigrés au XVè siècle », «Les sources vigneronnes de l’Epoque moderne », « Les vignerons de Corsier à l’époque de la Révolution vaudoise », « Vigne et politique au XIXè et XXè siècles » et encore « Les acteurs de la vigne dans la presse illustrée de l’entre-deux-guerres ».
Mais il est également question de « l’évolution de la culture de la vigne », de ‘L’art du vigneron : du savoir-faire ancestrale » ou encore du « Négociant en vins », du « Coût de la culture viticole », de la « Formation des métiers de la vigne » ou encore du « Vocabulaire de la vigne ».
L’ouvrage va donc bien largement au-delà de la carte postale étant entendu que l’importance économique de la viticulture n’est aujourd’hui plus que relativement marginale à un moment où de nombreuses exploitations vigneronnes se trouvent face à des difficultés qui vont jusqu’à mettre à mal leurs chances de survie.
Les auteurs de ce travail collectif proposent des pistes de recherche, entre histoire, économie et représentations et sont, tantôt des vignerons, tantôt des économistes, archivistes, linguistes, juristes, sociologues et historiens de l’Art, de la Littérature ou encore du Cinéma. Ils confirment ainsi l’intérêt d’une histoire viticole pour la compréhension des mentalités, des pratiques sociales et culturelles de ce canton et, au passage, ils invitent les consommateurs à apprécier avec intelligence ce vin typique que l’on sert pour accompagner les plats les plus raffinés.
José Vanderveeren, BRUXELLES, 17/12 (BELGA), 17 décembre 2018
Sabine Caruzzo-Frey et Isabelle Raboud parlent d’Acteurs de la vigne, dans Versus-penser, RTS2, 21 novembre 2018. Ecouter l’émission
La peste noire et la Fête des vignerons
La Fête des vignerons approche, avec des publications parfois fort savantes comme ces Acteurs de la vigne aux Éditions Antipodes, publiés avec le concours de la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie. Le titre de ce gros ouvrage foisonnant est quelque peu trompeur. En réalité, il s’agit uniquement du canton de Vaud et avant tout d’articles historiques.
Il existe très peu de documents sur les origines du vignoble vaudois qui doit ses débuts, comme dans la plus grande partie de l’Europe, aux implantations romaines. Une légende veut que les vignobles en terrasses de Lavaux aient été créés par les moines cisterciens. Or ces cultures sont sans doute bien antérieures. Le géographe arabe Al Idrisi écrit autour du milieu du 12e siècle un livre de géographie destiné au roi Roger de Sicile où il écrit à propos des rives du Léman entre le Rhône et Lausanne: «Ses bords sont couverts de cultures étendues, de vignobles immenses…». Il est possible que certaines descriptions d’Al Idrisi soient de seconde main, mais en tous les cas, il existait déjà de nombreux vignobles avant l’arrivée des moines.
Il est également vrai que les évêques de Lausanne firent de nombreuses donations aux cisterciens dans le courant du 12e siècle, mais une bonne partie des vignobles de Lavaux sont préexistants. L’évêque de Lausanne et les seigneurs de Grandson, importants propriétaires fonciers, avaient commencé à planter de la vigne avant l’arrivée des religieux de Cîteaux. L’image du moinillon partant à l’assaut des coteaux à défricher est aussi sujette à caution. Ce genre de travail était réservé aux serfs, corvéables à merci, et dont le statut n’était pas beaucoup plus élevé que celui des esclaves de l’Antiquité.
Un autre article passionnant traite des patronymes des vignerons de Lavaux. En 1348, la peste noire élimina le tiers de la population européenne. Les récidives jusqu’en 1450 continuèrent de faucher les habitants. Il en allait de même bien sûr dans les régions viticoles. Vevey fut très touché en 1450. La récupération démographique fut plus rapide dans les régions de montagne au sud des Alpes, peut-être en raison de l’isolement. C’est ainsi que de nombreux immigrants vinrent des vallées italiennes du Simplon, du val Divedro et de Varzo pour s’établir comme ouvrier dans le Lavaux. Lorsqu’un descendant de la famille Buzzari devint sous le nom de Bujard, bourgeois de Lutry en 1535, il fut précisé qu’il venait de «Dovero en Lombardi». Les Daverio devinrent les Davel, les De Castello, les Décastel et les De Cresto, les Ducret. Les exemples pourraient être multipliés. Les migrations sont un phénomène constant de notre histoire et les grandes pestes ont provoqué un immense brassage.
Cet ouvrage fourmille d’articles intéressants et très divers; il y manque sans doute une vue d’ensemble et quelques comparaisons avec d’autres régions viticoles. Les vignobles valaisans ont-ils connu le même afflux d’immigrés après les grandes pestes? Un chapitre traite des écrivains et de la vigne, mais les auteurs choisis sont quasiment tous Vaudois…à part Virgile!
Donc un livre très précieux, intelligent et bien fait mais qui peinera à dépasser les frontières du canton de Vaud. La grande synthèse de l’histoire de la vigne sur le territoire suisse reste à écrire.
Jacques Guyaz, Domaine public 2226, 17 novembre 2018
Quand une revue investit la fête des vignerons de 2019
La démarche exemplaire de la Société Vaudoise d’Histoire et d’Archéologie
Gilbert Coutaz, directeur des Archives cantonales vaudoises; archiviste de la Ville de Lausanne, 1981–1995, président de l’Association suisse des archivistes, 1997–2001, collaborateur scientifique du Dictionnaire historique de la Suisse, 1991–2014, fondateur et président de RéseauPatrimoineS. Association pour le patrimoine naturel et culturel du canton de Vaud, 1998–2014, et du Groupe Mnemo-Pôle, depuis 2012, sur le campus lausannois; fondateur du Consortium de sauvetage du patrimoine documentaire en cas de catastrophe, en 2004, responsable de modules du MAS ALIS, Universités Berne et de Lausanne, 2006–2014, membre de la Commission fédérale de la protection des biens culturels, depuis 2012.
On peut parler d’un «assemblage» exceptionnel entre la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie (ci-après SVHA) et la Confrérie des Vignerons. Jusqu’à une date récente, la première n’avait guère consacré d’articles au thème du vin, à peine deux contributions à la Fête des Vignerons; la seconde n’avait pas recouru à une revue d’histoire pour porter le thème des acteurs du vin dont la défense et la promotion du travail de la vigne sont relatées depuis 1647. A l’invitation de la SVHA, une première rencontre a eu lieu le 23 juin 2015, aux Archives cantonales vaudoises, entre François Margot, abbé-président de la Confrérie des Vignerons, et Gilbert Coutaz, membre du comité, pour esquisser un projet commun de collaboration. Le 30 mars 2015, les autorités fédérales avaient déposé le dossier de candidature de la Fête des Vignerons auprès de l’Unesco pour une inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Dans ce contexte, il a paru opportun au comité de la SVHA de proposer à la Confrérie des Vignerons une publication en coédition sur le thème «Les ouvriers de la vigne: entre histoire et actualité», en y apportant son autorité scientifique et son réseau d’auteurs. La SVHA occupe une position prééminente parmi les sociétés d’histoire. Elle est la seule à avoir un niveau cantonal.
Publication des dossiers thématiques
Fondée le 3 décembre 1902, elle a pour vocation de rassembler les personnes intéressées par l’histoire du canton, à des titres différents et aux profils divers. Elle se veut apolitique, mais participe au débat sur l’identité vaudoise et soutient la recherche. Elle compte aujourd’hui un peu plus de 750 membres. Elle publie depuis 1893 la Revue historique vaudoise (désormais RHV), consultable en ligne hormis les dernières années, dont l’essentiel de la ligne éditoriale est assuré depuis 2003 par des dossiers thématiques: ainsi, le tourisme, le cinéma, le sport, l’éducation, la justice et la criminalité, les histoires locales, la culture des musées, l’histoire de la mode, l’énergie et le dernier en date, l’immigration.
Vin – Un sujet plutôt négligé par la RHV
Le thème du vin et de la vigne n’a curieusement pour un canton viticole aucune tradition dans la RHV qui atteste une douzaine de contributions au propos très circonscrit et une soixantaine d’occurrences pour 125 numéros publiés. Le comité éditorial, chapeauté par un comité scientifique, mis en place pour la circons- tance, avait à relever les défis suivants: répondre aux attentes de la Confrérie des Vignerons, à savoir promouvoir la bonne culture de la vigne et honorer le travail du vigneron, dans le contexte actuel de remise en cause sérieuse du statut de vigneron-tâcheron; dépasser les acquis; construire un sommaire autour de l’histoire, de l’économie, des représentations du travail viticole (littérature, fêtes, musique…) et des arts visuels, ainsi que sur ses médiatisations (presse, film, expositions…); trouver des auteurs spécialisés, parmi lesquels plusieurs seraient en contact avec le monde vitivinicole; enfin renouveler l’iconographie, en commandant un travail photographique à l’École cantonale d’art de Lausanne.
Une publication dédiée à la grande fête
Une convention de collaboration a été signée entre les deux parties en mai 2016, sur la base du devis des Editions Antipodes, en charge de l’impression de la RHV, et d’un sommaire animé par 39 auteurs différents, placés sous l’enseigne: «Acteurs de la vigne. Lavaux et Chablais vaudois». Le numéro occupe 479 pages. L’accord s’est fait sur un tirage commercial de 3000 exemplaires dont 2600 exemplaires commercialisés par les Editions Antipodes, 250 exemplaires d’usage pour la Confrérie des Vignerons et 150 exemplaires pour le service de presse. Une édition de 900 exemplaires paraissant sous la même couverture, mais avec les annexes administratives est réservée spécifiquement aux membres de la SVHA. Le vernissage de la publication a eu lieu le samedi 29 septembre 2018, au Musée de la Confrérie des Vignerons. Elle a l’insigne honneur de paraître avant le début de la Fête des Vignerons, avant tous les autres projets éditoriaux. Sa diffusion bénéficiera du déroulement de la fête et du fait que depuis le 1er décembre 2016, la Fête des Vignerons est la première tradition vivante de Suisse à être inscrite sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Et que penser d’un tel partenariat qui ne peut se produire qu’une fois chaque 25 ans?
Gilbert Coutaz, BABS, KGS 2018: Forum PBC 31/2018 (Weinbau und Kulturgüterschutz), pp. 43–47. Berne.