Revue historique vaudoise 120/2012
Livres et lecteurs en terre vaudoise : une histoire à écrire
2012, 527 pages, 28 €, ISBN:978-2-88901-080-6
Ce numéro consacre un dossier spécial à l’histoire du livre et de la lecture en Pays de Vaud sous le titre: « Livres et lecteurs en terre vaudoise : une histoire à écrire ». Entièrement en couleur et muni d’une riche iconographie, ce volume réunit les contributions de vingt chercheurs qui éclairent sous un jour nouveau le rapport des Vaudois avec le monde des livres du XVIe au XXe siècle. Placé sous la responsabilité scientifique de Silvio Corsini, directeur des collections précieuses de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, ce numéro renouvelle en profondeur nos connaissances sur l’histoire du livre et de la lecture en terre vaudoise. Ce volume s’adresse autant aux spécialistes de l’histoire de l’édition qu’aux amis des livres et du passé de notre canton.
Description
A l’occasion de la parution de son 120e numéro, la Revue historique vaudoise consacre un dossier spécial à l’histoire du livre et de la lecture en Pays de Vaud sous le titre: « Livres et lecteurs en terre vaudoise: une histoire à écrire ». Entièrement en couleur et muni d’une riche iconographie, ce volume réunit les contributions de vingt chercheurs qui éclairent sous un jour nouveau le rapport des Vaudois avec le monde des livres du XVIe au XXe siècle. Au fil des pages de ce dossier, sont abordés des thèmes aussi différents que les imprimeries lausannoises au siècle des Lumières, l’aventure de l’Encyclopédie d’Yverdon, les bibliothèques publiques des villes et des campagnes vaudoises, les livres d’art ainsi que les destins contrastés d’artisans du livre. Ce numéro est aussi l’occasion de découvrir plusieurs aventures éditoriales et littéraires, à l’exemple de la collaboration entre l’artiste d’origine russe Théodore Stravinsky et Charles Ferdinand Ramuz ou la façon dont les peintres européens représentaient le Léman dans les récits de voyages à la fin du XVIIIe siècle. L’édition 2012 de la Revue historique vaudoise propose par ailleurs une correspondance inédite entre le marquis de Mirabeau, chef de file l’école physiocratique française, et un membre de la noblesse vaudoise qui contribua grandement au rayonnement des travaux de Mirabeau en terre helvétique. Enfin, nous découvrirons quelles étaient les lectures du docteur Tissot, du futur tsar Alexandre Ier et de leur précepteur Frédéric-César de La Harpe, d’une adolescente à la Belle-Epoque ou encore les enjeux autour de l’apprentissage de la lecture chez les enfants des classes populaires à la fin de l’Ancien Régime. Placé sous la responsabilité scientifique de Silvio Corsini, directeur des collections précieuses de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, ce numéro renouvelle en profondeur nos connaissances sur l’histoire du livre et de la lecture en terre vaudoise. Ce volume s’adresse autant aux spécialistes de l’histoire de l’édition qu’aux amis des livres et du passé de notre canton.
Table des matières
Éditorial (David Auberson)
DOSSIER
- Livres et lecteurs en terre vaudoise: une histoire à écrire
- Introduction: Les artisans du livre (Silvio Corsini)
- Un imprimeur modeste : Jean Rivery (1549-1565) (Jean-François Gilmont)
- Vingt-cinq ans d’édition et d’imprimerie à Lausanne au siècle des Lumières: le libraire Marc-Michel Bousquet, 1736-1761 (Silvio Corsini)
- Les coulisses de l’Encyclopédie d’Yverdon: l’éditeur Fortunato Bartolomeo De Felice et son réseau épistolaire (Léonard Burnand)
- À propos des graveurs et des planches de l’Encyclopédie de Lausanne et de Berne (Madeleine Pinault Sørensen)
- Les correspondants vaudois de la Société typographique de Neuchâtel (Frédéric Inderwildi) Les publications suisses du marquis de Mirabeau (Béla Kapossy et Sarah Meylan)
- Les Elemens du droit naturel de Burlamaqui et le « célèbre docteur en droit Jean-Marc-Louis Favre à Rolle » (Rinantonio Viani)
- La fin d’un petit âge d’or?Le commerce du livre dans le Pays de Vaud entre 1775 et 1803 (Pascal Delvaux )
- Quand les voyageurs peignaient le Léman: un parcours virtuel dans la base Viatimages (Daniela Vaj)
- Le livre en spectacle: Théodore Strawinsky met en images Charles Ferdinand Ramuz et Igor Stravinski (Philippe Kaenel)
LIBRAIRES ET BIBLIOTHEQUES
- Le catalogue de la bibliothèque d’étude d’Alexandre Ier – Frédéric-César de La Harpe, précepteur d’un prince impérial (Irina Zaytseva, Christophe Paillard)
- Un aspect de la sociabilité lettrée dans le Pays de Vaud à la fin de l’Ancien Régime: la fondation des bibliothèques publiques d’Yverdon et de Morges (Thierry Dubois)
- Les bibliothèques des curés d’Assens, de Bottens et d’Échallens (Villars-le-Terroir): les oubliées de l’historiographie de la Réforme dans le Pays de Vaud (Gilbert Coutaz)
- Des lectures dirigées ? L’exemple de la bibliothèque paroissiale de Dommartin (Vanessa Bilvin)
LECTEURS ET LECTURES
- La bibliothèque du conseiller lausannois Benjamin Milot en 1757 (Norbert Furrer)
- Sociétés littéraires et Journal helvétique (1732-1782): un échange de bons procédés (Séverine Huguenin) Les souscripteurs vaudois de la « Collection complette des œuvres de Mr. de Voltaire » parue à Lausanne entre 1770 et 1781 (Norbert Furrer)
- Un praticien des livres: le Dr Tissot (1728-1797) (Miriam Nicoli)
- L’un joue, l’autre pas. Quelques enjeux de l’apprentissage de la lecture en marge de l’enquête Stapfer (fin XVIIIe siècle) (Danièle Tosato-Rigo)
- Quand les lecteurs d’Urbain Olivier prenaient la plume…(François Vallotton)
- Lucy et ses livres: les lectures d’une adolescente vaudoise à la fin du XIXe siècle (Robert Netz)
COMPTES RENDUS
HOMMAGES
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
Presse
Vaud a un amour atavique du livre et de l’imprimé
La Revue historique vaudoise publie un dossier sur ce canton, patrie de lecteurs invétérés
1893・Au cours de cette année-là paraît à Lausanne un cahier de 32 pages sous couverture vert tilleul, où l’on préconise une vulgarisation intelligente d’une discipline trop longtemps réservée aux élites universitaires: l’Histoire. C’est le premier numéro de la Revue historique vaudoise. Deux fortes personnalités, qui parmi d’autres l’éditent, explicitent leur nouvelle profession de foi: s’adresser à un plus grand nombre de lecteurs « ne sacrifiera rien à la vérité scientifique ». On n’entend aucunement recueillir des louanges: « Nous cherchons simplement à être utiles à nos concitoyens. Si nous y réussissons, ce sera pour nous une récompense suffisante. L’étude du passé n’est point une œuvre stérile. Le passé explique le présent, il prépare, il contient l’avenir. » Ces éditorialistes de 31 ans: Eugène Motta (1862-1951) et Paul Maillefer (1862-1951). Le premier est un modeste instituteur du Nord vaudois qui publie d’intéressantes monographies historiques en Suisse; en France aussi. Un jour, il dirigera un important Dictionnaire historique du canton de Vaud. Le second est surtout un foudre de guerre politique, conseiller communal de Lausanne d’obédiences radicale et franc-maçonne, et poulain du chef cantonal de l’Instruction publique Eugène Ruffy, qui lui a fait accorder un titre de privat docent à l’Université. Tiraillé entre les péripéties d’un destin d’homme d’Etat (syndic, conseiller national, député cantonal, etc.), et son métier d’historien, ce Maillefer de Ballaigues restera connu comme auteur de manuels scolaires.
Revenons à 1893: Mottaz et lui ne sont encore que des lettrés férus de démocratie absolue et de pédagogie divulgatrice. Des idéalistes, mais le succès de leur Revue ne se démentira pas: 120 ans plus tard, la RHV est toujours vivace et polymorphe, conforme aux principes universalistes de ses concepteurs. Elle n’en reste pas moins éditée, rédigée et commentée par des mandarins de haute volée de notre UNIL. Des techniciens de la « science historique » qui, pour leur propre bonheur aussi, y apprennent ou réapprennent à rédiger sans ce jargon embrouillé, car trop précis, que conditionne l’accès administratif aux mastères, et dont ils sont eux-mêmes parfois lassés.
Pour célébrer son 120e anniversaire, le périodique a opté pour un thème rassembleur et hétérogène: celui du livre dans le Pays de Vaud. Le célébrant en chef était Silvio Corsini, le conservateur des collections rares et précieuses de la Bibliothèque cantonale universitaire, qui a su conjuguer les travaux épars d’une vingtaine d’auteurs confirmés, mais aussi de jeunes chercheurs. D’entrée, on y rappelle que la relation des Vaudois à l’imprimé remonte au XVIe siècle, lorsque des apprentis clercs et des carabins lausannois s’arrachèrent de modestes feuilles typographiées par un atelier des frères Rivery, à la Cité. Suivent des chapitres sur l’aventure de l’Encyclopédie d’Yverdon (régentée au XVIIIe par le génial Fortunato De Felice, et qu’on peut consulter sur la Toile depuis le 21 mars). Et puis des pages sur nos bibliothèques publiques, sur des bizarreries épistolaires parafées par Mirabeau, par le peintre Théodore Stravinski, par Ramuz, etc.
De ce prisme multicolore, on retiendra que notre « bien joli canton », comme le chanta Gilles, est une patrie de papivores comme y en a point ailleurs. Cela doit aussi provenir du protestantisme strict et lumineux de ces écoles du dimanche d’antan, une méthode pédagogique anglicane importée d’Angleterre il y a 200 ans. Nos mioches y apprirent surtout la Bible, à laquelle ils associaient la flaveur puissante du pain au froment noir, distribuée charitablement après l’instruction. Depuis, celle-ci s’est heureusement ouverte à d’autres littératures, et à des nourritures universelles.
Le périodique devient éclectique
En douze décennies, la RHV a plusieurs fois changé d’aspect: de tilleul, sa couverture a viré au « gris indéfinissable », puis au beige clair, au blanc laminé. D’abord estampillée par un médaillon du sculpteur Charles Reymond, de Vevey, elle a été illustrée par l’artiste morgien Charles Vuillermet, ardent pionnier de la défense du patrimoine architectural lausannois. Pour preuve que l’éventail de ses matières n’a cessé de s’élargir: la « mémoire du bâti » y est tôt devenue une discipline prépondérante. Cela dans le sillage de l’histoire des Vaudois, de leurs géographies variées, de l’étude de leurs parlers, us et coutumes. Les sciences les plus exactes, telles les maths, la médecine, y ont été vulgarisées avec la rondeur langagière dévolue aux sciences naturelles – plus populaires. Or, au fil des ans et des vicissitudes de la vie éditoriale, la RHV a dû progressivement atténuer le rythme de ses parutions. De mensuelle qu’elle fut à sa naissance, elle devint annuelle dès 1970. Un ralentissement considéré in fine comme salutaire: délais plus confortables pour envisager des recueils présentant une unité de thème; articles plus longs, plus solidement documentés, et peaufinage du graphisme amélioré. Depuis 2008, ce sont les Editions Antipodes qui la diffusent.
Gilbert Salem, 24heures, 24 avril 2013
Un éditeur lausannois sous enquête historique
Historien du livre, Silvio Corsini a catalogué la production de l’éditeur Marc-Michel Bousquet au XVllle siècle
Publiée le mois dernier, la Revue historique vaudoise 2012 est dédiée à l’histoire des livres et des lecteurs. Elle recèle quelques perles, dont l’étude réalisée par le conservateur de la réserve précieuse de la Bibliothèque cantonale et universitaire, Silvio Corsini. Ce spécialiste de l’histoire du livre s’est livré à une véritable enquête policière pour retracer l’œuvre d’un homme peu connu: Marc-Michel Bousquet. Fils d’un réfugié huguenot nîmois établi à Grancy près de Morges, Bousquet s’installe comme libraire à Genève, puis à Lausanne dès 1736. Pendant vingt-cinq ans, il va se livrer à une intense activité d’éditeur et d’imprimeur.
Silvio Corsini s’est heurté à un problème de taille. Comme Bousquet a édité des ouvrages « inavouables » ou piratés, il a souvent mis de fausses indications en tête des livres qu’il produisait afin d’éviter des ennuis. Il s’agit surtout d’ouvrages polémiques ou de livres de théologie catholique qu’il fallait imprimer discrètement dans la très protestante Lausanne. Ou enfin de livres à succès imprimés par d’autres. A l’inverse, d’autres imprimeurs guère plus scrupuleux ont réalisé des contrefaçons des livres de Marc-Michel Bousquet en laissant la mention de ce libraire sur la page de garde. Il fallait l’érudition et la patience de Silvio Corsini pour reconstituer le travail effectif de l’imprimeur Bousquet.
« Je me suis basé d’abord sur les ornements typographiques pour identifier les ouvrages réellement édités par Bousquet », explique l’historien. Chaque imprimeur avait en effet ses propres motifs. Ensuite, Silvio Corsini a cherché des confirmations en comparant les caractères d’imprimerie et en étudiant les filigranes du papier, qui permettent de déterminer le lieu où a été produite cette matière première.
A l’époque où il prend ses quartiers dans la capitale vaudoise, à la demande de l’Académie, Bousquet est presque seul sur le marché lausannois. En matière de livre, Genève tient alors le haut du pavé. Bousquet va contribuer à changer les choses.
Silvio Corsini parvient à lui attribuer 146 titres pour 196 éditions. Cela correspond à 459 volumes imprimés. Les tirages étaient alors modestes, environ 1500 exemplaires par livre. « C’est que le papier, qui représente aujourd’hui 5% du prix d’un livre, correspondait alors à 50% du coût total, explique Silvio Corsini. On préférait donc recomposer un ouvrage plutôt que de risquer des invendus. » Ces tirages modestes n’empêchent nullement Bousquet de rayonner. Publiant en français, latin, italien ou espagnol des ouvrages de théologie, de médecine, d’histoire, de littérature ou de droit, le libraire vend surtout à l’étranger. Un quart de ses livres sont exportés en Espagne, au Portugal ou en Italie. Le tremblement de terre qui détruit Lisbonne en 1755 est ainsi une aubaine pour le libraire. Les Portugais lui achètent beaucoup d’ouvrages pour reconstituer leurs bibliothèques.
Editeur de taille moyenne au niveau européen, le libraire, éditeur et imprimeur préfigure l’importance que prendra Lausanne dans le marché du livre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Justin Favrod, 24heures, 14 janvier 2013