Nouvelles Questions Féministes Vol. 43, No 2
Politiques publiques face aux violences patriarcales
Bayer, Véronique, Couchot-Schiex, Sigolène, Giacinti, Margot, Hamel, Christelle, Roca i Escoda, Marta,
ISBN:978-2-88901-271-8, 2024, 240 pages, 25€
Fondée en 1981 entres autres par Simone de Beauvoir et Christine Delphy, NQF s’est dotée au début des années 2000 d’un comité de rédaction franco-suisse, sous la responsabilité de Christine Delphy et de Patricia Roux. Ce comité est actuellement composé de 25 femmes dont les formes d’engagement et les ancrages disciplinaires sont multiples (sociologie, anthropologie, science politique, histoire, droit, philosophie, économie, littérature). Publiée deux fois par année, NQF est éditée à Lausanne par les Éditions Antipodes.
Description
Que font nos institutions publiques pour véritablement lutter contre les violences patriarcales? Pourquoi des femmes meurent-elles de féminicides alors qu’elles avaient alerté la police de la violence de leur conjoint? Pourquoi les agressions sexuelles sont-elles si répandues, si banales et si peu sanctionnées par la Justice?
Il faut bien constater que les politiques publiques ne sont pas à la hauteur des enjeux et de nos légitimes attentes. L’indignation face à cette situation a déclenché une vaste mobilisation féministe, à l’échelle mondiale, qui a abouti en ce début des années 2020 à l’obtention de nouvelles mesures, que les articles réunis dans ce numéro ont décidé d’examiner avec minutie.
Au Chili, des Centres d’accueil pour victimes de violences sexuelles ont été mis en place. En France, Le Téléphone Grave Danger et les bracelets anti-rapprochement ont été adoptés pour protéger les victimes de violences conjugales, tandis que des cellules d’écoute ont été mises sur pied dans les universités pour accompagner les victimes de harcèlement sexuel. Ces dispositifs sont-ils efficaces et apportent-ils les réponses espérées? L’analyse critique menée par ces équipes de recherche témoigne de certaines avancées, mais aussi des obstacles qu’il reste à surmonter.
Table des matières
Édito
Margot Giacinti, Christelle Hamel, Marta Roca i Escoda, Véronique Bayer et Sigolène Couchot-Schiex
Politiques publiques face aux violences patriarcales : l’État de nos désillusions et de nos avancées
Grand angle
Estelle Czerny et Solenne Jouanneau
Les téléphones grave danger: un instrument de prévention des féminicides intimes
Ariane Amado, Joséphine Bastard, Lucie Bony, Franck Ollivon
Associations d’aide aux victimes: un rôle d’intermédiaire renforcé dans le déploiement du bracelet anti-rapprochement
Fabiola Miranda-Pérez et Javiera Delgadillo-Campos
«Y la culpa no era mía.»
L’État chilien et les centres de prise en charge des victimes de violences sexuelles: vers la mise en oeuvre d’une perspective féministe?
Marie Mesnil
«Il doit payer pour ce qu’il a fait».
La responsabilité civile face aux violences sexuelles
Farah Deruelle et Julie Jarty
Qui gère les violences sexuelles à l’université? Coûts et pénibilité d’un (autre) travail académique
Champ libre
Nolwenn Veillard
Des «petits hommes anémiés»? Stigmatisation et dynamiques de requalification d’une identité masculine végane
Marie-Stéphanie Abouna, Stefania Marcassa, Jacky Forsyth, Sylvie Brodziak et Alexander Blackett
La maternité controversée sur le terrain de football: une analyse croisée entre France et Angleterre
Parcours
Vania Figueroa Ipinza, féministe pour les femmes et la science
La loi 21.369 et la perspective de genre dans la recherche au Chili
Entretien mené par
Daniela Poblete-Godoy et Julien Guérin Muñoz
Actualité
Andrea Dworkin
Israël : franchement, à qui appartient ce pays?
Nora Avjin Goffre
Nous qui sommes sans pays, les femmes… Notre temps est arrivé! Réflexion sur les liens entre patriarcat, État-Nation et guerre
Morgane Rudaz et Cloé Vianin
Prévalence de la violence basée sur le genre : réflexions méthodologiques sur la mise en place d’une étude statistique d’envergure nationale
Comptes rendus
Alix Heiniger :
Annie Ernaux, Rose-Marie Lagrave,
Une conversation
Elsa Ronco :
Delphine Lacombe,
Violences politiques fondées sur le genre
Eva Rof Sanchez :
Gitte Marianne Hansen et Fabio Gygi (dir.),
The work of gender
Marlyse Debergh :
Marie Mathieu et Laurine Thizy,
Sociologie de l’avortement
Otávio Amaral : Alexandre Baril,
Undoing suicidism. A trans, queer, crip approach to rethinking (assisted) suicide
Nolwenn Veillard et Célia Berthet-Hilaire : Catherine Larrère,
L’écoféminisme
Notices biographiques
Résumés
Presse
Partenariats: bracelet ou menotte ?
Les associations féministes transforment les politiques publiques qui les sollicitent, et sont elles-mêmes bousculées. Nouvelles Questions Féministes s’y intéresse. Focus sur un bracelet.
Dans le domaine des violences conjugales, les associations d’aide aux victimes se chargent d’une partie du travail de l’État. Comment les partenariats noués entre institutions et associations rejaillissent-ils sur le travail de ces dernières? Le féminisme fait-il évoluer les politiques publiques? La nouvelle parution de Nouvelles Questions Féministes (NQF) s’intéresse à ces questions en plusieurs articles approfondis, sur le téléphone d’alerte, le recours à la justice civile, la pénibilité de la gestion des violences sexuelles à l’université – et l’impact sur la carrière de celles qui s’en préoccupent. Exploration avec une membre du comité éditorial de NQF et focus (ci-dessous) sur l’application du bracelet électronique.
Après que les premières enquêtes quantitatives ont livré des chiffres, note le collectif, le fer de lance des politiques de prévention des années 2000 a été d’appeler les victimes à «briser le silence», sans quoi l’État serait impuissant. Marta Roca i Escoda, professeure au Centre en études genre de l’université de Lausanne et membre du comité de rédaction de la revue n’est pas dupe: «La responsabilisation doit avoir lieu à tous les niveaux», soit également au niveau de l’État qui doit être pro-actif dans la détection des violences, les programmes d’éducation et ce malgré les attaques constantes qui leur sont adressées, etc. «Il faut donner du pouvoir aux victimes, bien sûr, mais tout ne doit pas être de leur responsabilité. Elles manquent souvent de moyens ou de confiance dans le système judiciaire. Parfois, elles ne peuvent dénoncer leur agresseur pour des questions de permis de séjour.»
Elle met aussi en garde contre la catégorisation des victimes, entre celles qui sont en mesure de dénoncer les faits et les autres. Lasses d’entendre cet appel à déposer plainte alors que les institutions ne suivent pas, les victimes se sont organisées en nouvelles structures associatives telles, en France, Face à l’inceste ou la Fédération nationale des victimes de féminicides (FNVF) – structures qui ont porté une forte critique des dysfonctionnements des institutions politiques et judiciaires, écrivent les autrices de Politiques publiques face aux violences patriarcales.
[…]
Par Dominique Hartmann, article complet dans Le Courrier, 16 décembre 2024