Les Combattants suisses en Espagne républicaine, 1936-1939

Huber, Peter, Ulmi, Nic,

2001, 344 pages + cahier photo de 8 pages, 26 €, ISBN:2-940146-20-9

Bien présente dans la mémoire collective suisse, la figure du volontaire de la guerre d’Espagne demeure peu explorée dans l’historiographie helvétique. Spontanément, puis de manière organisée, huit cents personnes ont quitté notre pays pour s’engager dans la défense de l’Espagne du Front populaire. Si l’on rapporte ce chiffre à la population nationale, on obtient ce résultat surprenan: en dépit d’un cadre politique et légal particulièrement défavorable, la Suisse se place parmi les pays qui ont le plus fortement participé à la guerre!

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Description

Bien présente dans la mémoire collective suisse, la figure du volontaire de la guerre d’Espagne demeure peu explorée dans l’historiographie helvétique. Spontanément, puis de manière organisée, huit cents personnes ont quitté notre pays pour s’engager dans la défense de l’Espagne du Front populaire. Si l’on rapporte ce chiffre à la population nationale, on obtient ce résultat surprenant: en dépit d’un cadre politique et légal particulièrement défavorable, la Suisse se place parmi les pays qui ont le plus fortement participé à la guerre!

Grâce à la richesse des sources moscovites et bernoises, cet ouvrage rassemble des renseignements sur une grande partie de ces hommes et femmes. Il brosse leur portrait collectif, restitue leur trajectoire et leur situation dans la Suisse du milieu des années 30, politiquement polarisée et économiquement en crise.
Ce livre présente l’expérience des volontaires en Espagne républicaine, entre une guerre conduite avec des bouts de ficelle et les forces contradictoires de la révolution sociale et de l’encadrement stalinien. Ce livre décrit également leur retour dans une Suisse qui les condamne et qui refuse de leur accorder la reconnaissance qu’ils réclament.

Table des matières

Introduction

Les débuts du volontariat: d’une effervescence spontanée à l’appel du Komintern (juillet-octobre 1936)     

  • Les débuts du volontariat      
  • Juillet 1936; des Suisses d’Espagne, des athlètes ouvriers et deux pionniers     
  • Août 1936: internationalisation du conflit, mobilisation de la gauche, raidissement du Conseil fédéral, départs spontanés     Septembre 1936: tâtonnements communistes     
  • Octobre 1936: des filières enfin opérationnelles     
  • Les moyens de partir     
  • Le départ     
  • Le périple français et l’enrôlement     
  • La frontière franco-espagnole   

Profil et motivations des volontaires du « contingent suisse »

  • Profil     
  • Combien de volontaires?     
  • Un contingent d’ouvriers et d’artisans     
  • Un contingent de militants     
  • Un contingent urbain, mobile et cosmopolite     
  • Un contingent de jeunes adultes     
  • Un contingent de « repris de justice « ?     
  • Motivations     
  • Le combat antifasciste     
  • Le poids du chômage, l’espoir d’un travail      
  • Une motivation fantôme: la révolution      
  • L’attrait de l’Espagne      
  • Autres motivations      

L’expérience des volontaires     

  • La découverte de l’Espagne      
  • Les volontaires dans les milices: une armée autogérée (juillet 1936-juillet 1937)      
  • « Militarisation » et premières désillusions (septembre 1936-mars 1937)     
  • Guerre civile dans la guerre civile à Barcelone (mai 1937)   
  • Les Brigades internationales: une armée bricolée (octobre 1936-octobre 1938)     
  • La guerre des Brigades internationales: du sauvetage de Madrid à la bataille de l’Èbre     
  • Le « contingent suisse » dans les Brigades internationales     
  • Des rôles traditionnels pour les femmes     
  • Les cadres militaires     
  • Le mélange des nationalités et les contacts avec la population civile     
  • Les pertes     
  • Les familles des volontaires face à la répression policière     
  • Discipline, surveillance et répression dans les Brigades internationales     
  • La discipline     
  • Les « désertions »     
  • La surveillance politique     
  • La surveillance politique et le contingent suisse: le personnel     
  • La surveillance politique et le contingent suisse: les victimes   
  • La démobilisation (octobre 1938-janvier 1939)   
  • Une terre d’asile tropicale?     
  • Des camps d’internement français à la Résistance     

Le retour des volontaires     

  • L’accueil en Suisse     
  • L’aide aux volontaires     
  • Les procès     
  • La campagne pour l’amnistie     
  • Que deviennent les anciens volontaire?

Annexes     

  • Chronologie     
  • Tableaux statistiques     
  • Note historiographique     
  • Bibliographie et sources     
  • Liste des sigles et des abréviations     
  • Liste des volontaires     

Presse

Héros suisses de la guerre d’Espagne

Il y a 80 ans, 800 combattants de Suisse s’engageaient dans les Brigades internationales contre Franco

Volontaires → Mais qu’allaient-ils faire dans cette galère? En 1936, alors que s’engage une lutte fratricide entre les putschistes nationalistes de Franco et les républicains du Front populaire espagnol, plus de 800 volontaires quittent la Suisse pour s’enrôler dans les Brigades internationales, aux côtés de 40 000 brigadistes issus d’une cinquantaine de pays.
Courageux, alors qu’ils risquent l’emprisonnement à leur retour, ces Suisses s’engagent avec héroïsme, malgré leur manque de formation au combat et un équipement souvent déficient. Un quart d’entre eux y laisseront la vie.

Profil type

Mais qui sont ces combattants prêts à mourir pour des idées? Les historiens Nic Ulmi et Peter Huber1 ont brossé leur profil type. Ce sont surtout des ouvriers (85%), souvent communistes (60%), âgés en moyenne de 28 ans, la plupart célibataires et citadins. Les Latins sont surreprésentés, les femmes peu nombreuses (4%).
Antifascistes, ils militent pour la liberté, la démocratie et la paix en Europe. Ils se disent solidaires avec le peuple espagnol et ressentent un devoir moral d’agir. Souffrant de la crise des années 1930, qui touche aussi la Suisse, ils espèrent trouver, après le conflit, un emploi stable dans cette « terre de soleil » où se construirait une société nouvelle.
Leurs destins sont souvent extraordinaires, comme l’observe Peter Huber, chargé de cours à l’Université de Bâle, dans un dictionnaire biographique2 passionnant. […]

Pascal Fleury, Le Courrier et La Liberté 21 octobre 2016

1. Nic Ulmi et Peter Huber, Les combattants suisses en Espagne républicaine, Éd. Antipodes, 2001.
2. Peter Huber et Ralph Hug, Die Schweizer Spanienfreiwilligen,
 Editions Rotpunkt, 2009.

 

Die Schweiz und der spanische Bürgerkrieg. Ein Forschungsprojekt in Lausanne und Genf

Eine Gruppe von HistorikerInnen an den Universitäten Lausanne und Genf führte zwischen 1996 und 2000 ein umfangreiches Forschungsprojekt über das Verhältnis der Schweiz zum Spanischen Bürgerkrieg vor. Jetzt liegt ein Grossteil der Ergebnisse vor. Das von der offiziellen Schweiz über lange Jahrzehnte gepflegte Bild einer kleinen, aber nicht zu erschütternden Demokratie ist bekanntlich schon durch die jüngsten Erkenntnisse zum Zweiten Weltkrieg arg beschädigt worden. Im Negativsaldo ist, auch wenn es nun nicht die Dimension der Ereignisse ab 1939 einnahm, das Verhalten gegenüber Spanien aufzunehmen. Zum einen war die Schweiz durchaus ein Land, in dem eine breite Unterstützung für die republikanische Seite zustande kam. Rechnet man die etwa 800 Freiwilligen, die zumeist in den Internationalen Brigaden kämpften, auf die Bevölkerungszahl um, so gehört die Schweiz tatsächlich zu den Ländern Europas, aus denen mit das grösste Kontingent kam. Dagegen stand das offizielle Verhalten, formal der Neutralität, faktisch der Unterstützung für die Putschisten. Den Freiwilligen auf seiten der Republik wurde bei ihrer Rückkehr der Prozess gemacht. Auch noch jüngste Versuche, diese Urteile aufzuheben, sind gescheitert.

Bisher lagen schon einige Memoiren sowie journalistische Arbeiten über die Schweizer Spanienkämpfer vor. Doch nun sind die Archive der Internationalen Brigaden in Moskau zugänglich, und dies wurde im Rahmen des Forschungsprojekts von Nic Ulmi und Peter Huber zur Erarbeitung einer umfassenden Studie genutzt: Nic Ulmi/Peter Huber, Les combattants suisses en Espagne républicaine (1936-1939) (Lausanne, Antipodes 2001, 339 Seiten).

Das reiche Archivrnaterial ermöglichte mehr als blosse Erlebnisbeschreibungen, als Schilderungen von Episoden aus den Kämpfen oder dem Alltagsleben, woraus die bisherigen Veröffentlichungen im wesentlichen bestanden. Auf eine Schilderung des Wegs zur Etablierung der Internationalen Brigaden durch die Komintern folgt somit als erster grösserer Teil eine umfassende Analyse, die einen genauen quantitativen Überblick mit einem Sozial und politischen Profil der Kämpfer verbindet. Mit diesem soziologischen Kollektivporträt werden ihre Motive und Beweggründe deutlich, die ja nicht nur aus einem aligemeinen politischen Bekenntnis bestanden, sondern zumeist auch mit der persönlichen Situation (vor allem Arbeitslosigkeit) verknüpft waren.

Im Hauptteil werden aufgrund der Akten die genaue Beteiligung an den Kämpfen, die Rolle der organisatorischen Strukturen, in die die Kämpfer eingebunden waren (was auch das Problem der politischen Kontrolle unter dem Zeichen des Stalinismus umfasste), und die schliessliche Demobilisierung nachgezeichnet. Ein abschliebender Teil beleuchtet die Rückkehr, d. h. das Schicksal der Spanienkämpfer in den Mühlen der Justiz und, ganz allgemein, ihr weiteres Schicksal. Dem Band ist noch ein statistisch-tabellarischer Anhang sowie eine bibliographische Übersicht über die bisherige Literatur zu den Schweizer Spanienkämpfern beigegeben.

Das ganze ist eine vorbildliche Studie, die an eine Reihe anderer Länderdarstellungen seit Offnung des Moskauer Archivs anschliesst. Zu denken ist hier vor allem an Rémi Skoutelskys beeindruckende Untersuchung L’espoir guidait leurs pas. Les Volontaires français dans les Brigades internationales, 1936-1939 (Paris 1998). Vielleicht wird es auch nicht allzu lange dauern, bis eine vergleichbare Studie auf der Basis dieser neu zugânglichen Archivmaterialien über die deutschen Freiwilligen erstellt wird (wobei hierzu neben dem Moskauer Archivbestand auch sehr vieles im alten SED-Archiv, das heute im Bundesarchiv in Berlin liegt, zu finden wäre).

Im Rahmen dieses Projekts fand im Dezember 1998 auch eine Tagung an der Universität Lausanne statt, die in einem Sammelband dokumentiert wird: Mauro Cerutti / Sébastien Guex / Peter Huber (Hg.), La Suisse et l’Espagne de la République à Franco (1936-1946) (Lausanne, Antipodes 2001, 603 Seiten). Dabei ging es darum, ein Gesamtbild der Beziehungen der Schweiz mit Spanien vom Bürgerkriegsbeginn bis zum Ende des Zweiten Weltkriegs zu zeichnen. Von den insgesamt neunzehn Beiträgen beschreibt ein erster Block die offiziellen Beziehungen, wie sie sich aus der Diplomatie entwickelten. Die Feststellung ist wohl nicht überraschend, dass bei aller beschworen Neutralität die staatliche Haltung sehr schnell in Richtung auf den neu entstehenden Franco-Staat » ging. Ein zweiter Komplex beschäftigt sich mit der Haltung der Linken im Land, die-fast kännte man sagen: natürlich-genau entgegengesetzt war. Hierbei geht es um die konkreten Formen der Solidarität, wie sie sich in der Schweiz entwickelten. Weitere Beiträge beschäftigen sich mit der Haltung der Kirchen und der in Genf angesiedelten internationalen antikommunistischen Entente. Im abschliessenden Teil werden die verschiedensten Aspekte der Wirtschaftsbezîehungen behandelt, wobei die Jahre nach 1939, also die erste Zeit des Franco-Regimes, einen besonderen Stellenwert einnehmen. Den Beiträgen ist noch eine ausführliche Bibliographie beigegeben, die ebenfalls auf Archivbestände sowie zeitgenössische Artikel in der Presse verweist. Diesem instruktiven Tagungsband wird hoffentlich bald noch ein weiterer zur Dokumentation der zweiten Tagung im Rahmen dieses Forschungsprojekts folgen, auf der über die Internationalen Brigaden diskutiert wurde.

Reiner Tosstorff, Tranvia, Revue der Iberischen Halbinsel, Juin 2003

Dans Genèses

Ces dernières années, la Suisse des « années sombres » a défrayé la chronique. Les projecteurs ont été braqués sur ses relations économiques et commerciales avec l’Allemagne qui ont notamment facilité le recyclage de l’or nazi, sur sa politique d’accueil extrêmement restrictive à l’égard des juifs persécutés et sur l’affaire des fonds juifs en déshérence. L’image de la Suisse et de sa neutralité bienveillante en est sortie considérablement ternie. C’est une facette toute différente de leur pays que l’ouvrage de Nic Ulmi et Peter Huber met en relief: celle de l’engagement aux côtés des républicains espagnols en guerre contre les troupes de Francisco Franco, soutenues par l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie.

Ce livre illustre le regain d’intérêt pour un champ historiographique exploré jusque-là de manière lacunaire et imprécise : il vient après le colloque de Lausanne (1997) sur les Brigades internationales et l’ouvrage de Rémi Skoutelsky sur Les Volontaires français en Espagne républicaine (1998). Il est également le fruit d’une volonté des pouvoirs publics helvétiques, puisqu’il prend place dans un programme de recherche sur « la guerre d’Espagne et la Suisse », financé par le Fonds national de la recherche scientifique.

Les auteurs ont répertorié huit cent quinze volontaires de nationalité suisse, ou étrangers partis de Suisse vers l’Espagne (17 % du corpus). À partir de sources variées (archives suisses, espagnoles et russes, fonds privés, entretiens…), leur trajectoire est retracée par le menu. Mais d’abord, qui sont-ils? Leur profil-type paraît somme toute classique: « Vingt-huit ans, célibataire, ouvrier, communiste, citadin de l’une des trois villes principales, régulièrement incorporé dans l’armée ». Ce portrait ressemble beaucoup à celui du volontaire français. Les motivations du départ n’offrent guère de surprises non plus. L’antifascisme, la lutte pour la paix, la défense de la démocratie sont les raisons politiques essentielles de l’engagement. S’y ajoutent des considérations plus personnelles: on part ainsi plus facilement en cas de chômage; la marginalité sociale, parfois mêlée au goût de l’aventure, facilite une manière de rupture avec sa vie antérieure.

L’enthousiasme initial se transforme assez vite en désillusion face aux conflits internes au camp républicain, à la discipline et à la surveillance imposées par l’appareil communiste à la tête des Brigades internationales, ou aux difficultés rencontrées sur le front. La mortalité est forte: le quart environ des volontaires suisses trouve la mort en Espagne. Ils sont en outre parmi les derniers à quitter le pays: beaucoup ne passent la frontière qu’en janvier 1939, souvent pour se retrouver dans les camps d’internement du Sud de la France. Cette situation tient à la position du gouvernement suisse. Seuls ceux dont la citoyenneté helvétique est prouvée sont autorisés à regagner le pays. Or, en raison des particularités du régime fédéral, les vérifications prennent du temps, l’identité de chacun devant d’abord être contrôlée au niveau du canton d’origine.

Au fond, plus que les caractéristiques de ses volontaires, c’est l’attitude de ses autorités qui distingue le plus la Suisse des autres pays. Dès 1936, les pouvoirs publics helvétiques qui ne veulent pas fâcher les dictatures, prennent des mesures qui, sous couvert de neutralité, reviennent à entraver l’aide à la République espagnole. Ainsi, le Conseil fédéral interdit de « quitter la Suisse pour participer aux hostilités en Espagne ». Il faut donc partir clandestinement, déjouer la surveillance policière. De surcroît, « cas unique parmi les pays démocratiques, la Suisse entreprend de traduire systématiquement les volontaires devant la justice militaire » (p. 231). Cette singularité crée des situations ubuesques : un tiers des procès ont eu lieu par contumace, ce qui conduit parfois à condamner des morts.

Que deviennent les volontaires une fois revenus? Si les premiers mois sont difficiles puisqu’il faut affronter la justice et retrouver une place dans la société, la réinsertion se réalise somme toute relativement vite. Au bout de quelques mois, la plupart ont retrouvé un travail et certains font partie de l’armée helvétique pendant la Seconde Guerre mondiale. Après le conflit, beaucoup demeurent politiquement actifs dans les rangs du mouvement ouvrier de leur pays.

Au terme l’ouvrage, le parcours de ces volontaires suisses ne recèle plus guère de secrets. On aurait cependant aimé que les auteurs ne s’arrêtent pas là. Le devenir de ces hommes est expédié en trois pages. Certes, les sources manquent pour les années d’après-guerre, mais une enquête orale plus systématique auprès des survivants aurait probablement permis d’aller plus loin. Les enjeux de mémoire ne sont pas du tout abordés. En outre, les éclairages comparatifs, cependant bien trop épars, donnés par les auteurs laissent penser que les itinéraires des combattants suisses, leurs manières de vivre leur engagement les singularisent peu des autres Européens venus sauver la République espagnole. On touche sans doute là aux limites de la multiplication des monographies. Les travaux entrepris ces dernières années privilégient une analyse par pays des volontaires. Cette démarche, légitime tant que le sujet était encore mal connu, paraît aujourd’hui atteindre l’épuisement. Au lieu d’une énième étude factuelle, le lecteur se prend désormais à espérer que soit ouverte la voie plus problématique de la comparaison et de la synthèse.

Stéphane Sirot, Genèses, no 48, septembre 2002

Histoire des combattants suisses en Espagne républicaine

L’historiographie officielle passe sous silence l’épopée des volontaires suisses engagés dans la guerre d’Espagne. C’est pour réparer cette injustice que deux chercheurs, Nic Ulmi et Peter Huber ont fait paraître un excellent ouvrage, Les Combattants suisses en Espagne républicaine. Le livre mêle des informations inédites avec des témoignages des anciens combattants; enthousiastes au moment du départ, lucides dans l’observation des conflits, désenchantés quand les milices se font la guerre, fidèles enfin lorsque la justice suisse les cueille à leur arrivée au pays.

En juillet 1936, au moment où le conflit éclate entre la République populaire et les phalangistes, une trentaine de futurs volontaires suisses sont déjà en Espagne: certains parce qu’ils travaillent dans des filiales d’entreprises suisses, d’autres parce qu’ils s’arrêtent en Espagne sur le chemin du Brésil; ou alors, c’est parce que l’Olympiade populaire organisée contre les jeux olympiques de Berlin se déroule à Barcelone. Le train restera en gare, mais certains militants font le voyage par leurs propres moyens. Partis pour un séjour politico-sportif, la plupart resteront en Espagne jusqu’aux dernières phases de la guerre. Puis, quelques jours après le soulèvement militaire, des volontaires commencent à rejoindre les républicains espagnols. Des premiers départs entièrement spontanés, désordonnés, joyeux.

En août 1936, le conflit s’internationalise. L’Allemagne et l’Italie prennent position. La France du Front populaire et l’Angleterre défendent une politique d’apaisement et de non intervention. La Suisse affiche sa neutralité et par la même occasion interdit toute manifestation de solidarité envers la République populaire espagnole: interdiction de livrer des armes, de collecter de l’argent pour l’Espagne républicaine, puis interdiction de quitter la Suisse pour participer aux hostilités.

Les organisations ouvrières lancent des appels à la désobéissance. L’Espagne devient dès lors le symbole de la Liberté et non plus seulement des libertés du peuple espagnol. Des centaines d’hommes et des femmes partent pour l’Espagne, avec escale en France, accueillis par un vaste réseau de militants socialistes et communistes. Marseille est le centre du rassemblement. Pour être enrôlé les procédures sont simples : on passe un entretien, on fait une visite médicale et on montre un papier de légitimation politique.

Origine des volontaires

Sur l’ensemble des combattants étrangers (35’000 à 40’000 personnes), 800 sont donc Suisses, ce qui en fait le pays à plus fort contingent de volontaires. Parmi eux, des artisans, des ouvriers, des chômeurs. Les trois-quarts du contingent viennent des villes, Zurich, Bâle, Genève et d’un canton, le Tessin. Les données fiables à disposition concernent 530 volontaires. On apprend ainsi que parmi eux, 60% sont communistes, 14% socialistes, 4% sont des anarchistes, 1% des trotskistes.

Les motivations

Les motivations sont nombreuses, à la fois personnelles et politiques. Des volontaires partent pour participer à la mobilisation ouvrière, sauver la République populaire, combattre le fascisme. D’autres s’en vont aussi parce que chez eux, en Suisse, ils sont déracinés ou qu’ils ont peu à perdre. Mais, relèvent les deux auteurs, le soleil, la danse, les terres de l’Espagne fascinent alors que la Suisse s’enfonce dans la crise. Le cirque Knie, par exemple, propose, en 1931, un ballet de la République espagnole; les films s’enchaînent qui exaltent les passions ibériques. L’Espagne, « c’est une nouvelle Amérique ou une nouvelle URSS, mais plus chaleureuse, plus abordable ». Par contre, de révolution, de progrès social, il n’est nullement question.

Conflits dans le conflit

L’ouvrage consacre plusieurs chapitres au déroulement des conflits, donnant la parole aux volontaires, attachés les uns au POUM, trotskiste, les autres aux troupes du PSUC, communiste, les autres encore choisissant le camp des syndicalistes anarchistes, la CNT-FAI. Ces récits témoignent des dissenssions entre milices, de la main-mise progressive du parti communiste sur l’organisation de la lutte, de la militarisation des combats et des combattants, dont certains refusent d’utiliser les mêmes armes que leurs adversaires phalangistes. Certains volontaires suisses rentrent chez eux blessés, ayant perdu une jambe, un bras ou un oeil, souvent désenchantés par les guerres entre fractions.

Le retour au pays est dur, comme la justice. Le tribunal militaire suisse sera un des plus sévères d’Europe, infligeant des peines allant jusqu’à huit mois de prison ; 80% des personnes engagées dans le conflit seront jugées et condamnés (un à six mois de détention).

Géraldine Savary, Domaine Public 1488, 5 octobre 2001

Les Suisses de la guerre d’Espagne

Histoire: L’image des 800 citoyens helvétiques qui ont combattu le franquisme est resté longtemps floue, un ouvrage les recense et tente de dire qui ils étaient.

« Ce conflit marque une étape cruciale dans l’histoire du XXe siècle. D’une part, pour l’histoire du mouvement ouvrier en suisse et en Europe. Et d’autre part, il a été l’objet d’un ballet diplomatique sans précédent: c’est vraiment un prélude à la Seconde Guerre mondiale. Avec l’intervention des troupes fascistes (Italie et Allemagne) et la non-intervention des démocraties (France, Angleterre) qui se sont montrées passives tandis que l’URSS de Staline jouait un rôle trouble. »

Nic Ulmi, historien et journaliste à la Tribune de Genève, explique la fascination engendrée par la guerre d’Espagne. Il est coauteur, avec Peter Huber, d’un ouvrage (commandé par le Fonds National de la recherche scientifique) très complet sur les combattants suisses et les brigadistes de cet épisode sanglant de l’histoire européenne.

Petit rappel. Après la dictature molle de Primo de Rivera (1920-1939), l’Espagne redevient une république en 1931. Étape décisive, el Frente Popular (Front Populaire) gagne les élections en 1936, éveille de grands espoirs pour la population ibérique paupérisée par la mainmise de l’oligarchie. La phalange qui regroupe les ultra nationalistes, proches des mouvements fascistes européens, organise le soulèvement des garnisons militaires sous le commandement du général Franco. Peu à peu, les nationalistes espagnols s’empareront de toute l’Espagne républicaine. Cette guerre civile dure jusqu’en 1939 et place au sommet de l’état la plus longue dictature européenne. Franco meurt en 1975.

À l’annonce du coup d’État nationaliste, de toute l’Europe, ils sont des milliers d’hommes et de femmes à affluer vers l’Espagne pour défendre la démocratie et combattre le fascisme. Militants communistes de diverses chapelles, anarchistes, socialistes ou tout simplement défenseurs de la liberté et de la démocratie, ils forment un ensemble hétérogène que l’étiquette « suppôts de bolchevisme » a trop facilement réduit à la caricature.

En suisse, ils furent 800 hommes et femmes à s’engager. Cette étude les recense-une première-et tente de décrire leurs trajectoires, leurs motivations. Leurs parcours sur sol espagnol en guerre et leur dur retour en Suisse, qui les condamne et ne les reconnaît pas. La plus-value de ce livre consiste en l’apport de sources originales encore jamais exploitées : les dossiers consacrées aux suisses dans les archives des Brigades Internationales à Moscou, et les archives de la justice militaire suisse, à Berne.

Xavier Alonso, 24 Heures, 6-7 octobre 2001

Espagne, 1936-1939 : une tragédie au coeur du XXe siècle

Premier pays a reconnaître le régime de Franco, la Suisse ne fut pas tendre avec ses ressortissants partis se battre pour la République espagnole. L’historien Charles Heimberg revient sur cette période et présente deux ouvrages sortis récemment aux éditions Antipodes

La guerre d’Espagne, assurément, occupe une place centrale dans les drames du XXe siècle. Elle est en effet survenue à un moment de contrastes où les espérances populaires des uns devaient soudain se concrétiser, comme les congés payés français par exemple, alors qu’une répression féroce frappait déjà les autres, en Allemagne comme en Italie. Par sa brutalité, elle s’inscrivit parfaitement entre les deux guerres mondiales. Elle eut pour théâtre une terre où s’enchevêtraient des temps pluriels, issus à la fois du contemporain et du non-contemporain, des éléments surgis tout avec, droit du XIXe siècle.

Pourtant, elle n’en a pas moins anticipé l’avenir immédiat de l’Europe, annonçant par exemple la dimension de guerre civile qui allait marquer toute la Seconde Guerre mondiale. Ainsi a-t-elle vu s’affronter la démocratie et les fascismes, mais aussi, au sein même du camp républicain, la révolution et le stalinisme. Le lâchage de la République espagnole par toutes les démocraties occidentales, alors même que les fascistes intervenaient de manière décisive, allait en effet être suivi par les Accords de Munich et leurs funestes conséquences.

Réalités contradictoires

Mais un autre drame devait se jouer en même temps dans la gauche espagnole, face à l’émergence d’une dynamique révolutionnaire, en Catalogne notamment, la répression stalinienne de mai 1937 annonçant elle aussi d’autres désastres que les faiblesses du camp progressiste ne parviendraient à empêcher ni en Espagne, ni plus tard, ni ailleurs.

Ces réalités contradictoires se retrouvent toutes à travers les témoignages des volontaires. C’est dire que ceux qui sont partis dans la péninsule ibérique n’ont pas toujours vécu des expériences à la hauteur de leurs espoirs. Pour eux, les drames ont souvent succédé aux drames, les désillusions aux désillusions. Certes, la militarisation des milices était un renoncement à la révolution, mais il est non moins vrai que la désorganisation spontanée provoquait beaucoup de pertes, et qu’une certaine logique de la guerre devait finalement l’emporter face à la réalité de l’agression fasciste.

Les femmes, de leur côté, furent assez vite confinées à des tâches traditionnelles, à tel point qu’une militante constaterait, dépitée, qu’il lui aura donc fallu « aller en Espagne pour devenir ménagère ». D’ailleurs, en Suisse même, une certaine presse ouvrière n’appelait-elle pas elle aussi les femmes à tricoter des pulls pour les Républicains? Cela dit, la guerre pouvait-elle permettre qu’il en soit autrement? Et les sources qui nous le disent sont-elles neutres et ont-elles cherché à voir autre chose?

Contre la barbarie

D’une manière générale, certains crurent « rouler la bourgeoisie » en faisant quand même la révolution. Mais c’est plutôt Staline, en fin de compte, qui les roula. En effet, il n’y eut pas de révolution, il n’y eut plus de démocratie. Mais ces deux aspects-la révolution trahie et la défense de la démocratie-ne sauraient être isolés l’un de l’autre sans céder à des visions mythiques. Quant au camp des fascismes, il en sortit revigoré. Il y eut beaucoup de violences et c’est bien un terrible processus vers la barbarie qui devait désormais s’emballer.

Un grand nombre de Suisses s’engagèrent en Espagne. Parmi ces ouvriers, au sein desquels les latins étaient fortement représentés, beaucoup étaient chômeurs, sans doute un peu déracinés, mais sans que cela ne change rien à la réalité de leur engagement politique. Ils firent des choix courageux et ne se laissèrent pas intimider par les menaces dans leur propre pays. Certains devaient déjà partir pour l’Olympiade de Barcelone-qui devait protester contre les Jeux de la Berlin nazie. Ces sportifs-là, Leni Riefenstahl ne devait pas les filmer. Mais la guerre d’Espagne allait quand même être abondamment photographiée.

La majorité de ces volontaires étaient communistes, mais ils ne l’étaient pas tous. Par ailleurs, cet engagement fit son lot de victimes: un cinquième à un quart du contingent suisse disparut en Espagne. Sans parler de tous ceux qui furent blessés. Tout cela pour défendre leurs idéaux et la démocratie. Tout cela pour que les survivants soient traités comme des criminels à leur retour en Suisse. Et pour que leur pays soit le premier à reconnaître le régime de Franco.

Charles Heimberg, Le Courrier, 10.11.2001

Pour une mémoire partagée de l’antifascime

La solidarité avec l’Espagne républicaine et, démocratique ne s’est pas limitée, loin s’en faut, à l’engagement sur place de courageux volontaires dans les milices populaires, les Brigades internationales ou l’assistance sanitaire. Elle a aussi eu toute son importance en dehors de l’Espagne, pour des récoltes et l’envoi de médicaments, de denrées alimentaires, parfois d’armes…À l’époque, en Suisse et ailleurs, c’est tout un peuple qui s’est mobilisé très concrètement afin de venir en, aide à la République meurtrie et pour faire face à l’agression fasciste. Les archives montrent d’ailleurs que des leaders comme Tronchet ou Bertoni avaient tenté de dissuader certains camarades de partir pour l’Espagne parce qu’ils auraient été plus utiles en Suisse. Aussi le travail et la solidarité active de ceux qui sont restés sur place, à l’instar d’un André Oltramare ou d’un Roger Fischer, ne devraient-ils pas être négligés.

Mais cette solidarité, aussi large fût-elle, ne concernait guère que des milieux progressistes. Ce qui nous rappelle en même temps que les démocraties occidentales, aveuglées par leur peur du communisme ne firent rien pour sauver la jeune République espagnole, pourtant démocratiquement constituée. D’ailleurs, c’est peut-être justement pour ne pas avoir à le rappeler que les clivages d’antan semblent se prolonger dans la durée. Ainsi, parmi beaucoup de pages blanches, la récente commémoration du centenaire de la remise du Prix Nobel de la Paix à Henry Dunant, « Genève, un lieu pour la paix », n’a-t-elle rien dit de cette lutte contre les fascismes, ignorant bien sûr le monument récemment dédié aux brigadistes à la Rue Dancet. Tout comme elle a soigneusement, oublié la terrible fusillade du 9 novembre 1932 contre une manifestation antifasciste. Pourtant, la lutte contre les fascismes – et notamment contre leur passion pour la force et les faits de la guerre – était aussi à l’époque une manière de lutter pour préserver la paix. Or, rétrospectivement, alors même que les volontaires suisses de la guerre d’Espagne n’ont toujours pas été pleinement réhabilités, et bien que les témoignages de la plupart d’entre eux évoquent davantage la question de la démocratie que celle de la paix, on peut légitimement se demander comment la société contemporaine pourrait construire sérieusement la paix de demain en effaçant tous les symboles de l’antifascisme de sa mémoire. Et s’il ne serait pas nécessaire que cette mémoire puisse vraiment concerner-enfin-tous les acteurs de la démocratie afin de la préserver des nombreuses menaces, aujourd’hui ravivées, qui pourraient la miner.

Charles Heimberg, Le Courrier, 10.11.2001

Deux ouvrages à lire sur la Suisse et la guerre d’Espagne

Les Éditions Antipodes, à Lausanne, viennent de publier simultanément deux livres sur la Suisse et la guerre d’Espagne, et il faut s’en féliciter. Les Combattants suisses en Espagne républicaine (1936-1939), de Nic Ulmi et Peter Huber, rend compte avec beaucoup de précision et de nombreux exemples, tirés pour la plupart d’archives fédérales et moscovites qui fourmillent de témoignages, du périple espagnol des quelques 815 volontaires suisses ou provenant de Suisse-dont la liste est établie. Les conditions de leur départ, la nature de leur engagement, leurs expériences au front et sur le plan politique, puis l’accueil vengeur qui leur a été réservé à leur retour en Suisse, sont tour à tour évoqués dans cet ouvrage qui constitue une fort belle synthèse, mais auquel manque un index.

Pour sa part, le recueil collectif édité par Mauro Cerutti, Sébastien Guex et Peter Huber, La Suisse et l’Espagne de la République à Franco (1936-1946), qui regroupe notamment des contributions issues d’un colloque de l’Université de Lausanne, aborde toutes sortes de thématiques qui donnet à voir une Suisse officielle particulièrement soucieuse de ses intérêts économiques, mais aussi, bien entendu, les manifestations populaires de la solidarité avec la République agressée. On y trouve en particulier des informations sur l’attitude des autorités suisses, systématiquement défavorable aux Républicains, notamment lorsqu’il s’est agi d’accueillir ou de refouler des réfugiés. D’intéressantes réflexions de Catherine Fussinger sur la division sexuelle et la visibilité des femmes dans les actions de solidarité. Ainsi que des données révélatrices sur l’engagement des intellectuels et l’indifférence de la classe dirigeante à l’égard de ceux qui défendaient la République. Ou encore sur les liens qui se sont noués entre les autorités du camp nationaliste et la Ligue anticommuniste de Théodore Aubert, Michel Caillat ayant pu en établir la preuve.

Ces deux publications, qui seront encore complétées par les actes d’un colloque international sur les brigadistes, se situent en aval d’un programme de recherche qui a permis de mettre à jour de nouveaux documents, de procéder à un bilan d’ensemble et de faire substantiellement progresser la connaissance d’un épisode essentiel pour l’analyse et la compréhension du XXe siècle. Leur qualité devrait aider les historiens à mieux prendre en considération le drame espagnol, et ses échos en Suisse, dans leurs récits et leurs reconstructions.

Charles Heimberg, Le Courrier, 10.11.2001

Guerre d’Espagne : la Suisse a-t-elle fait le bon choix?

Deux publications analysent les liens entre la guerre d’Espagne et notre pays. Entre neutralité malmenée et engagement durement réprimé, un rappel souvent douloureux

Du Guernica de Picasso à la Mort d’un milicien fixée sur la pellicule par Robert Capa, du roman (Pour qui sonne le Glas de Hemingway) au cinéma (Land and Freedom de Ken Loach), la guerre d’Espagne n’a cessé de nourrir la mémoire collective de notre temps. Chapitre capital de l’histoire du XXe siècle, l’épisode avait pourtant largement échappé à l’analyse des historiens suisses. Un vide que comblent aujourd’hui deux ouvrages universitaires: La Suisse et l’Espagne de la République à Franco (1936 -1946) et Les Combattants suisses en Espagne républicain (1936-1939).

Reposant pour l’essentiel sur les contributions apportées lors d’un colloque organisé à l’Université de Lausanne en décembre 1998, le premier vise à donner une image globale des rapports entre les deux pays durant cette période troublée. Du soulèvement nationaliste de juillet 1936 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une quinzaine d’auteurs décryptent les choix et les actes des autorités, comme de la gauche helvétique. Avec, d’un côté, un parti pris aussi évident que précoce pour le camp nationaliste-la Suisse a été le premier pays à reconnaître officiellement le régime de Franco. Et de l’autre, un soutien souvent spontané du mouvement ouvrier, passant par la lutte armée, l’aide indirecte ou un simple, mais puissant, sentiment de solidarité. Complément idéal à cette présentation parfois un peu décousue, Les Combattants suisses en Espagne républicaine dresse le portait des 815 combattant(e)s, suivis de leur départ pour l’Espagne à leur retour au pays, où ils sont accueillis par une justice intransigeante. Fluide, extrêmement bien documenté – notamment grâce aux archives des Brigades internationales, conservées à Moscou – porté par un style limpide, cet essai captivant regorge d’informations souvent inédites.

Plus fréquemment issus du milieu ouvrier que du monde intellectuel, urbains plutôt que ruraux, les partisans suisses ne formaient pas pour autant une population homogène. Outre la langue qui les sépare, ils ne sont pas tous venus en Espagne pour les mêmes raisons. « Jusqu’à maintenant, explique Peter Huber, les historiens avaient tendance à sous estimer certains des facteurs qui ont poussé ces gens à s’engager. Hormis la motivation politique, qui est souvent bien réelle, l’attrait de l’Espagne comme terre mythique du soleil et des plages, par exemple, est très présent. Si le conflit s’était déroulé en Pologne ou en Tchécoslovaquie, on n’aurait sans doute pas vu le même taux de participation de la part des Suisses. Mais il y a aussi ceux qui partent pour des raisons familiales, parce qu’ils ne peuvent plus payer la pension des enfants. Et ceux qui ont des petits ennuis avec la justice… »

Une justice que tous retrouveront dès leur retour en Suisse. Peut-être effrayés par l’ampleur du mouvement de sympathie pour l’Espagne « rouge », les tribunaux nationaux ont la main particulièrement lourde. Alors que dans la plupart des autres pays européens, comme la France, la Belgique ou l’Angleterre, les volontaires de la guerre d’Espagne sont arrêtés temporairement ou simplement interrogés, les ressortissants suisses n’échappent que très rarement à la prison.

« Suite au débat public de ces cinq dernières années, les autorités suisses ont reconnu que le gouvernement avait eu des attitudes intolérables durant la Seconde Guerre mondiale. A mon sens, le même processus devrait être mené pour, ce qui est de la guerre d’Espagne, qui est aussi une période d’années sombres, déclare Peter Huber. Il serait notamment souhaitable de revenir officiellement sur la politique d’accueil des réfugiés ou la condamnation des volontaires. Dire une fois pour toutes que ces gens sont partis pour défendre une cause noble, qu’ils se sont battus pour le meilleur et contre le pire et qu’ils ne méritaient pas d’être punis pour avoir fait un tel choix ».

Vincent Monnet, Le Temps, 24.11.2001 

Dans Solidarités

Bien présente dans la memoire collective suisse, la figure du volontaire de la guerre d’Espagne fait l’objet de peu d’études. Spontanément, puis de manière organisée, 800 personnes ont quitté ce pays pour s’engager dans la lutte contre Franco.

Si l’on rapporte ce chiffre à la population totale, en dépit d’un cadre politique et légal particulièrement défavorable, la Suisse se place parmi les pays qui ont fourni le plus grand nombre de combattants à la lutte contre les militaires factieux!

Cet ouvrage rassemble des renseignements sur une grande partie de ces hommes et femmes. Il brosse leur portrait collectif, restitue leur trajectoire. Il présente l’expérience des volontaires dans cette guerre des pauvres, prise en étau entre les forces de la révolution sociale et celles de l’encadrement stalinien. Il décrit enfin leur retour et leur condamnation.

Solidarités, N° 134 (ancienne série), 29 septembre 2001, p. 25