Le spectacle cinématographique en Suisse (1895-1945)
Haver, Gianni, Jaques, Pierre-Emmanuel,
2003, 135 pages, 16 €, ISBN:2-940146-37-3
En Suisse, durant les cinquante premières années du cinéma, un important parc de salles se développe, tout comme un riche réseau de distribution et une production locale régulière quoique relativement modeste. Cet ouvrage évoque des aspects aussi bien architecturaux, économiques, sociaux, législatifs que culturels. Trois axes principaux ont été définis: le premier tourne autour de la salle et de sa programmation; le second aborde des aspects législatifs et économiques; le dernier porte sur les représentations véhiculées par les films et sur la réception.
Description
En Suisse, durant les cinquante premières années du cinéma, un important parc de salles se développe, tout comme un riche réseau de distribution et une production locale régulière quoique relativement modeste.
En analysant ces trois différents niveaux, Le spectacle cinématographique en Suisse ne se penche donc pas uniquement sur les films. Une importance centrale est donnée à la séance, qui constitue le moment où un public découvre un programme constitué à son intention.
Son analyse permet d’évoquer des aspects aussi bien architecturaux, économiques, sociaux, législatifs que culturels. Trois axes principaux ont été définis: le premier tourne autour de la salle et de sa programmation; le second aborde des aspects législatifs et économiques; le dernier porte sur les représentations véhiculées par les films et sur la réception.
La perspective adoptée permet d’organiser l’ensemble des territoires occupés par le cinéma. En se concentrant sur le « cinéma en Suisse » et non pas seulement sur le « cinéma suisse », elle propose d’explorer le vaste domaine de la consommation des films, sans se concentrer exclusivement sur la production nationale.
Presse
Y a-t-il un pianiste dans la salle?
Dans «Le spectacle cinématographique en Suisse (1895-1945)» paru aux Editions Antipodes, Gianni Haver et Pierre-Emmanuel Jaques brossent une synthèse captivante de l’histoire des salles obscures dans notre pays. Le lecteur y découvrira les mutations concernant les salles de cinéma et le type de projections qu’ont prisé les premiers spectateurs. Alors qu’aujourd’hui, les étudiants et les rentiers AVS et Al bénéficient d’un prix spécial, au début du XXe siècle le prix des places dans un cinéma n’était pas le même et les bourgeois qui ne voulaient pas se mêler aux classes populaires pouvaient acheter un ticket plus cher! Dans la seconde moitié des années 1930, une spécialisation des salles de cinéma s’opère: on voit apparaître des cinémas spécialisés dans la projection d’actualités, notamment des ciné-journaux, et de courts documentaires qui sont re-diffusés chaque heure. Genève aura ainsi son Cinébref et Lausanne son Cinéac.
Si nous avons tous en tête des musiques de film, les spectateurs du temps des films muets avaient un privilège par rap-port à nous: ils entendaient la musique en live. En effet, il y avait souvent un pianiste dans la salle. Les cinémas disposant de moyens importants pouvaient même s’offrir un ensemble de musiciens. Dans certaines salles, on avait installé des orgues pour ménager des effets sonores. En certaines occasions, à Noël 1920 par exemple, un cinéma de Lausanne n’avait pas ménagé ses moyens: «La direction du Lumen a réuni tout ce qu’il faut pour donner au film l’atmosphère qu’il demande. Orchestre renforcé, musique de scène spéciale, soliste Mlle Georgette Couchoud, mezzo soprano, et Marcel Lecoultre, baryton, prêteront leur talent à cette magnifique manifestation.» Avec l’apparition du parlant, les exploitants de salles n’emploieront plus ces musiciens, qui leur avaient permis jusqu’alors de se distinguer. Un pas de plus vers l’uniformisation du spectacle était franchi.
Avant de s’implanter dans des salles fixes, les projections cinématographiques se sont d’abord déroulées de façon itinérante. C’est en mai 1896, dans le cadre d’un pavillon de !’Exposition nationale de Genève, que les premières projections ont lieu en Suisse. A Lausanne, les historiens ont pu dater d’octobre 1896 ces premières projections. Mais avant d’avoir des salles spécialement réservées à la projection dès 1907, les premiers spectateurs devaient se rendre dans des brasseries, des théâtres, des salles communales, des casinos ou des cirques. L’ouverture de salles fixes s’est aussi heurtée à des oppositions d’associations jugeant qu’il s’agissait de «lieux de perdition». Pour se débarrasser de sa réputation de spectacle forain, les exploitants des salles tentent aussi de légitimer ces lieux en leur donnant des noms aux références prestigieuses tel l’Odéon, la Scala, le Capitole, le Colisée ou le Forum. Sans compter ceux qui s’appellent «Palace» en référence au con-fort offert. Très tôt, le cinéma est utilisé à des fins propagandistes ou de prévention: ainsi les ligues antialcooliques et la Croix-Bleue de Genève diffusent dès 1898 des films de prévention.
Compte-rendu de Nicolas Quinche, paru dans La Côte, 28.02.2020
L’histoire suisse racontée dans une nouvelle collection tout public
Les Éditions Antipodes proposent les deux premiers volumes d’une collection consacrée à l’histoire suisse. « Histoire.ch » comptera trois à quatre titres par an, des petits livres de synthèse, illustrés et accessibles à un large public.
L’histoire suisse est un domaine très travaillé, mais les publications qui en résultent s’adressent à des spécialistes, constate Claude Pahud, fondateur des Editions Antipodes. Avec « Histoire.ch », l’éditeur lausannois veut mettre la recherche académique à la portée de toutes les personnes intéressées par le sujet. D’un format de 20,5 sur 13,5 centimètres, forts de 140 à 160 pages, les ouvrages présentés hier, sont enrichis d’une trentaine d’illustrations. Ils se terminent par un petit dossier de documents et une bibliographie sommaire.
Le premier, écrit par Laurence Marti, offre une approche originale de la manière dont la Suisse est progressivement passée d’une culture agricole à une culture industrielle. L’invention de l’horloger. De l’histoire au mythe de Daniel JeanRichard se base sur le récit, paru pour la première fois en 1766, de l’introduction de l’horlogerie dans les Montagnes neuchâteloises. Le spectacle cinématographique en Suisse (1895-1945), de Gianni Haver et Pierre-Emmanuel Jaques, est le deuxième titre de la collection. Cet ouvrage analyse le développement des salles, du réseau de distribution et de la production locale durant les cinquante premières années du cinéma.
Plusieurs volumes sont en préparation, dont un consacré aux étrangers en Suisse. Les ouvrages sont coédités avec la Société d’Histoire de la Suisse romande. Le choix des sujets et l’adaptation des manuscrits est supervisé par une équipe de trois historiens.
Claude Pahud a fondé les Éditions Antipodes en 1995 à Lausanne. La Jeune maison d’édition s’est spécialisée dans les sciences sociales.
ATS, La Côte, 3 décembre 2003.
Un regard neuf et original sur l’Histoire
La collection Histoire.ch voit le jour, portée par la publication, de deux uvres consacrées à l’introduction du cinéma et de l’horlogerie en Suisse.
« L’Histoire doit être ouverte à un public plus vaste qu’elle ne l’est aujourd’hui. » Le rêve de Claude Pahud, fondateur des éditions Antipodes, pourrait devenir réalité avec la nouvelle collection Histoire.ch. Née d’une triple collaboration, cette collection est supervisée par les historiens Bertrand Muller, Laurent Tissot et Alain Clavien et coéditée par Antipodes et la Société d’histoire de la Suisse romande (SHSR).
Deux livres introduisent cette nouvelle collection: L’Invention de l’horloger par Laurence Marti et Le Spectacle cinématographique par Gianni Haver et Pierre-Emmanuel Jaques. Qui donnent le ton de la collection. Les livres sont courts (de 130 à 160 pages), le style agréable. Vulgarisés, les thèmes n’en sont pas moins riches et les approches originales. « La production de livres d’histoire suisse oscille entre manuels scolaires et thèses universitaires. Avec Histoire.ch, nous souhaitons offrir une vision plus dynamique et plus particulière de l’Histoire au niveau national », explique Bertrand Muller. Les éditeurs souhaitent. également favoriser une meilleure compréhension des problèmes actuels du pays avec cette approche historique.
Deux naissances
Laurence Marti, sociologue, retrace dans L’Invention de l’horloger le passage d’une culture agricole à une culture industrielle dans les montagnes neuchâteloises. Pour ce faire, l’auteure se base sur le premier récit, daté de 1766, relatant l’introduction de l’horlogerie par Daniel JeanRichard à La Sagne. « Le contenu de ce récit évoluant au cours des siècles devient la mémoire d’une culture locale. Parallèlement, il permet de remonter à la source de l’industrialisation en Suisse. Enfin, cette histoire révèle le phénomène plus global des mythes fondateurs », raconte la sociologue.
La seconde publication d’Histoire.ch tourne autour de la bobine cinématographique., Gianni Haver et Pierre-Emmanuel Jaques se penchent sur les cinquante premières années du cinéma en Suisse, en tenant compte du développement des salles, du réseau de distribution et de la production, locale. « Nous avons abordé notre sujet en partant de la séance de cinéma, qui représente la rencontre entre la production et le public, dans un lieu qui participe à la mise en scène. Ce moment restant insaisissable par son évanescence, nous nous sommes donc plongés dans les différentes phases qui créent cet instant », précise Gianni Haver.
Deux autres publications sont déjà prévues pour le printemps 2004, sur l’immigration entre 1850 et 1930 ainsi que sur la question jurassienne.
Aline Andrey, Le Courrier, 4 décembre 2003
Les Editions Antipodes, à Lausanne, publient les premiers ouvrages d’une série populaire.
Histoire.ch, une collection au service de la vulgarisation
Sous le titre Histoire.ch une nouvelle collection souhaite redonner ses lettres de noblesse à l’histoire suisse contemporaine. Cette initiative éditoriale originale revient aux jeunes Editions Antipodes à Lausanne, en collaboration étroite avec la Société d’histoire de la Suisse romande. Le principe est de proposer au grand public des ouvrages de synthèse. Pour son baptême du feu, histoire.ch revient sur la manière dont la Suisse est progressivement passée d’une culture agricole à une culture industrielle, ainsi que sur les cinquante premières années du cinéma sur notre territoire.
Le souhait de Claude Pahud, responsable des Editions Antipodes fondées en 1995, participe ainsi d’une tentative de vulgarisation, d’éviter à tout prix les travaux encyclopédiques classiques qui rebutent généralement les non spécialistes. En un mot: mettre la recherche académique à la portée du plus grand nombre, dilettante comme simple curieux. Un désir ardemment partagé par Alain Clavien, l’un des trois directeurs de publication réunis sous la bannière de l’Association Histoire.ch: « Il y a peu d’ouvrages historiques que l’on peut faire lire à des étudiants, dans un volume de pages et à un prix raisonnable. » Collection à portée de bourse (26 francs), Histoire.ch a aussi déjà imaginé les deux prochaines publications qui auront pour cadre les mouvements ouvriers et la question des étrangers sur le sol suisse.
Les deux premiers volumes de cette série, qui compte publier trois à quatre références par an, totalisent quelque 150 pages chacun. Et sont agrémentés d’illustrations. Si les bibliographies et annexes de ce type de travaux ne se sont pas vues supprimées pour autant, elles n’encombrent pas le lecteur par d’incessants renvois. L’Invention de l’horloger, de la sociologue Laurence Marti, suit l’histoire d’un récit fondateur relatant l’introduction de l’horlogerie dans les montagnes neuchâteloises. Quant au Spectacle cinématographique, il se focalise sur les dimensions de la consommation des films à travers le pays. Du développement des salles au réseau de distribution, le cinéma se voit appréhendé ici par l’entremise d’aspects architecturaux, économiques ou législatifs.
Olivier Horner, Le Temps, 5 décembre 2003.
Le passé du présent
Depuis un quart de siècle, avec l’arrivée d’une nouvelle génération de chercheurs, l’histoire suisse a fait des progrès considérables. Le coup d’envoi en avait été donné par la publication, il y a vingt ans déjà, de la Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses (Ed. Payot Lausanne), qui demeure l’ouvrage de référence.
Les Editions Antipodes de Lausanne proposent aujourd’hui une nouvelle collection, Histoire. ch, dont le but est de faire le lien entre la recherche universitaire et la vulgarisation en offrant de bonnes synthèses sur des questions d’intérêt historique national. Trois historiens-Alain Clavien, Bertrand Müller et Laurent Tissot-patronnent l’opération et nous promettent la publication de trois ou quatre titres par année sous forme de petits volumes illustrés d’environ 160 pages. Pas de pavés indigestes donc, mais d’alertes mises au point!
A voir les deux premiers volumes, qui arrivent en librairie ces jours-ci, le pari est tenu. Dans Le spectacle cinématographique, Gianni Haver et Pierre-Emmanuel Jaques nous racontent les cinquante premières années du cinéma en Suisse. Attention! Il ne s’agit pas du cinéma suisse, mais bien du cinéma en Suisse, avec ce que cela a supposé au début de difficultés pour créer des salles adéquates, pour inventer une législation et aussi pour faire ou se procurer des films. On apprend ainsi que les premiers films ont été projetés dans les endroits les plus divers, notamment dans les grandes brasseries.
Pas de pavés indigestes, mais d’alertes mises au point!
Laurence Marti s’est mesurée avec la saga de l’horlogerie jurassienne et nous la raconte sous un angle socioculturel. Dans L’Invention de l’horloger, elle suit les traces-nombreuses-de Daniel JeanRichard, le fondateur présumé de l’horlogerie jurassienne qui découvrit sa vocation en réparant la montre d’un paysan. Par son savoir-faire, JeanRichard donna naissance à un mythe industriel qui se développa parallèlement aux mythes de Guillaume Tell ou de Winkelried. Une manière de mettre en évidence une Suisse bien réelle face aux fantasmes alpins réactionnaires.
Gérard Delaloye, Le Matin, 7 décembre 2003
La séance de cinéma a aussi son histoire
De la foire aux multiplexes, un livre retrace l’évolution des salles obscures en Suisse romande.
« Scala », comme le plus célèbre des théâtres lyriques. « Forum » et « Capitole », comme des toponymes de la Rome Antique. « Rialto » et « Alhambra », comme deux des monuments incontournables de la planète. « Plaza », comme un hôtel de standing. Pourquoi les salles obscures portent-elles des appellations pleines d’échos majestueux? « Marqué par son passé de spectacle de foire, le cinéma cherche, dès les années 1910, à s’anoblir afin d’augmenter le public dans les couches bourgeoises », écrivent les historiens romands Gianni Haver et Pierre-Emmanuel Jacques dans Le spectacle cinématographique en Suisse (1895-1945), bref volume qui inaugure avec panache la nouvelle collection, « Histoire.ch » des Editions Antipodes.
Lieux de perdition
En Suisse comme partout ailleurs, le cinéma émerge alors de son premier bouillon de culture-la fête foraine des femmes à barbe et des cartomanciennes-et s’en va s’embourgeoiser sur les boulevards. Pour ce faire, les salles, se parent de références prestigieuses. »Mais il existe à cette époque une véritable phobie de la promiscuité entre les classes sociales », commente Gianni Haver. Que faire? « La plupart des exploitants introduisent un système de prix différents qui permet de maintenir la frontière entre ouvriers et bourgeois ». Reste le fait, drôlement troublant, que « plusieurs centaines de personnes se retrouvent ensemble dans le noir ». Ce qui représente un phénomène historique plutôt inédit.
Au fil des pages sobrement captivantes de l’essai, on découvre que le cinéma inquiète passablement. C’est ainsi que des bonnes âmes organisées en association tentent de limiter les dégâts supposés de ce divertissement en lui appliquant les mêmes garde-fous qu’on a mis à l’alcool. « Dans les années 1920, on disait qu’il y avait trop de salles de projection comme on affirmait qu’il y avait trop de bistrots. Dans les deux cas, on dénonçait des lieux de perdition dont il fallait limiter le nombre. Mais le cinéma était en train de devenir une branche économique trop importante pour que les pouvoirs publics acceptent de la brider. » Les premières démarches judiciaires visant à expliquer un crime par l’influence d’un film sont lancées à cette même époque. « Les enquêtes finissaient toutefois par arriver à un point mort », relève l’historien. Des formes de censure sont néanmoins introduites, notamment pour des raisons politiques. « Lorsque les premiers films soviétiques sont arrivés, c’était l’alarme générale. On craignait que le bolchevisme ne se répande par films interposés. » Dans le canton de Vaud, Le cuirassé Potemkine est banni.
Au cours des années 30, on mesure enfin pleinement le potentiel idéologique du cinéma. La Suisse se découvre quelque peu coincée. Alors même que les autorités prônent la « défense spirituelle »-un repli stratégique sur les « valeurs traditionnelles » du pays-la population consomme goulûment le cinéma étranger. « On importe alors jusqu’à 700 films par année, ce qui est énorme. Dans les autres pays, on tourne autour des 300 », relève Gianni Haver.
Pour faire entendre sa voix pendant la guerre, la Confédération rendra obligatoire le Ciné journal officiel à chaque séance. Ces actualités filmées resteront au programme jusqu’en 1970. « Pour le public, ça deviendra le moment chiant de la séance. Alors qu’autrefois, les infos à l’écran avaient un réel attrait. » Pour preuve, l’historien cite les « cinémas d’actualité » des salles aujourd’hui totalement oubliées. « Elles diffusaient des programmes qui duraient une heure et tournaient en boucle. On y entrait pour s’informer vite et mettre une image sur ce qu’on avait lu dans les journaux. Ces séances disparaîtront après la guerre, remplacées par la télé. »
Nic Ulmi, Tribune de Genève, 19 décembre 2003
La mémoire des salles obscures
Un ouvrage récent explore les débuts et le succès du spectacle cinématographique en Suisse jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Les réflexions sur la présence du cinéma dans nos villes, son évolution, son impact sur le public ont souvent l’après-guerre, 1945, comme point de départ. C’est le temps de la création des cinémathèques et des ciné-clubs. Le mérite du Spectacle cinématographique, l’ouvrage écrit par Gianni Haver et Pierre-Emmanuel Jaques, est d’éclairer le début de la présence du cinéma en Suisse jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. On découvre avec surprise un paysage au fond pas tellement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui.
L’origine nationale des films en est un bon exemple. La domination des productions américaines nous semble un phénomène récent. Elle l’est en effet à l’échelle des cinquante dernières années avec une marginalisation progressive en Suisse romande de toutes les autres cinématographies, France exceptée. Mais cette situation existait déjà dans les années vingt du siècle dernier où les films venus de Hollywood représentent 60% des titres distribués dans le pays. Les grandes vedettes de l’époque: Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks ou Mary Pickford sont d’ailleurs toutes américaines.
Le discours critique apparaît très vite. La revue Kinema, bilingue, mais surtout de langue allemande, paraît en 1911. Elle publie en 1916, un texte de Carl Spitteler, prix Nobel de littérature, intitulé « Ma conversion au cinéma ».
L’éclosion de la critique cinématographique
Les journaux romands se dotent de rubriques cinéma dès le début des années vingt. Elles seront confiées à de jeunes intellectuels, Jean Choux, Maurice Porta, Alfred Gehri, qui, à l’instar de la nouvelle vague française trente-cinq ans plus tard essaieront souvent de se lancer à leur tour dans le cinéma ou le théâtre. Ils défendent l’avant-garde de l’époque: Sjötröm, L’Herbier ou Griffith.
Dans les années trente, des écrivains et des hommes politiques tiennent des rubriques cinéma qui interviennent dans le débat public, ainsi Jean Rubattel ou le futur syndic de Lausanne Jean Peitrequin à la Revue de Lausanne. Edmond-Henri Crisinel tient aussi rubrique au même journal. Les radicaux ne dédaignaient pas la culture. En fait la critique actuelle semble très affadie comparée à une époque où le cinéma était considéré par tous comme un enjeu politique. Merci au Spectacle cinématographique de nous l’apprendre.
CF, Domaine Public no 1586, 9 janvier 2004
Aux éditions Antipodes est paru un ouvrage historique sur le cinéma qui, pour une fois, ne met pas au centre le film, mais sa représentation dans un contexte de spectacle cinématographique. Sur une centaine de pages les historiens de cinéma Gianni Haver et Pierre-Emmanuel Jaques nous proposent une analyse précise du contexte « sine qua non » de tout spectacle cinématographique durant les cinquante premières années du cinéma suisse.
Memoriav Bulletin, no 11, 5/2004
La première séance
Lorsque l’on se décide à se rendre au cinéma, on commence par sortir de chez soi avant d’acheter un billet et de découvrir un film au milieu d’une multitude d’autres spectateurs. Mais la séance de cinéma, en tant que spectacle, diffère d’une époque à l’autre. En analysant un demi-siècle de spectacle cinématographique en Suisse, Gianni Haver et Pierre-Emmanuel Jacques proposent un ouvrage éclairant sur ce qui est avant tout une industrie.
Sgo, La Liberté, 20 novembre 2004
La synthèse publiée par Haver et Jaques constitue aussi un modèle: en la focalisant sur la séance de cinéma, constituée en « objet historique central », les auteurs se donnent pour but de « déplacer [leur] regard de l’uvre et de son créateur vers l’activité sociale impliquée par l’acte d’aller au cinéma ». En s’appuyant sur la bibliographie existante, ils reconstituent les divers aspects et l’évolution de la séance de cinéma en Suisse dans la première moitié du 20e siècle: structures et architecture de l’exploitation, systèmes de production et de distribution, publics et législation, tout est prétexte à une contextualisation féconde de ce lieu, dans lequel peuvent ainsi être décelés le sens des pratiques spectatorielles et les représentations qui les sous-tendent. La démarche de l’histoire culturelle du cinéma trouve donc ici encore une très bonne illustration.
Dimitri Vezyroglou, Vingtième siècle. Revue d’histoire. Octobre 2006