Le Siècle de Jeanne
Burnand Éric, Vaucher Fanny,
2022, 248 pages, 29 €, ISBN: 978-2-88901-223-7
J’ai grandi dans une famille paysanne qui a cru aux promesses de la révolution vaudoise. J’ai fondé une famille en terre catholique, connu les troubles de la guerre civile et la famine, jusqu’à l’émigration forcée à l’autre bout du monde… Je suis Jeanne, née à l’orée du 19e siècle dans le Pays de Vaud.
Description
Après Le Siècle d’Emma qui retraçait le 20e siècle, Fanny Vaucher et Éric Burnand nous emmènent dans les tourbillons du 19e, le siècle des libertés naissantes en Suisse.
Pour en savoir plus…
• Éric Burnand (longtemps journaliste à l’Hebdo et à la Radio télévision suisse (RTS) et auteur de nombreux reportages de vulgarisation historique) et Fanny Vaucher (illustratrice BD sortie avec mention de l’École des Arts Appliqués de Genève), donnent vie à Jeanne et sa famille dont les aventures se déroulent et se confondent avec le 19e siècle. C’est leur deuxième collaboration, après Le siècle d’Emma, bande dessinée parue en novembre 2019 sur l’histoire du 20e siècle et qui rencontra un vif succès (plus de 10’000 ex. vendus). Le siècle d’Emma a reçu le PRIX DELÉMONT’BD DU MEILLEUR ALBUM SUISSE DE BD 2020.
• Déclinée en quatre parties (plus un prologue et un épilogue) qui marquent quatre temps fort du 19e siècle helvétique : les révoltes paysannes de 1802, la famine de 1816, la guerre civile de 1847 et enfin la révolution industrielle suisse des années 1870. Petit pays au coeur de l’Europe, la Suisse a une Histoire bien moins tranquille qu’il n’y paraît en surface.
Cette bande dessinée de près de 250 pages en couleur (planches originales à l’aquarelle) retrace l’histoire fictive d’une famille aux prises avec les remous du 19ème. Jeanne, fille de paysans révoltés, participe à la jacquerie qui a embrasé les campagnes vaudoises en 1802. Elle est confrontée aux affres de la famine et de l’émigration forcée, provoquées par le changement climatique de 1816. Son fils et son neveu se retrouvent face à face dans la guerre civile de 1847. Et dans les années 1870, sa petite-fille dénonce le travail des enfants, exploités dans les fabriques.
• Inspiré de faits réels, Le Siècle de Jeanne restitue par la bande dessinée des crises et des événements, souvent méconnus, qui ont profondément marqué le 19e en Suisse. Mais la BD nous plonge aussi dans la vie quotidienne, lumineuse et sombre, d’une femme ordinaire et de sa famille.
• Les rebondissements du scénario et le parcours transposable de l’héroïne n’intéresseront pas seulement les amateurs d’histoire suisse, mais d’histoire en général et de BD tout simplement.
• Vers la conférence de Fanny Vaucher et Eric Burnand sur la fabrication d’une BD historique: ICI
Presse
Compte-rendu dans le numéro 39 des CAHIERS AÉHMO
En Suisse, les questions sociales peinent à trouver la place qui leur revient dans les livres d’histoire destinés à un public non spécialisé. Et quand elles sont trop brièvement évoquées, c’est généralement au service d’un récit dominant et convenu qui met en évidence la concordance et la prospérité sans jamais les interroger, ni pointer les dynamiques inégalitaires qui les caractérisent. Ces silences portent aussi bien sur des questions ou des faits sociaux qui ont été déjà largement étudiés par des travaux de recherche critiques que sur d’autres dont l’étude est plus récente, comme par exemple la question sensible des placements d’enfants ou l’histoire de l’immigration, du travail saisonnier et des enfants cachés.
Heureusement pour cette histoire sociale, ses modes d’expression trouvent aujourd’hui de nouveaux supports qui ouvrent de belles perspectives, au premier rang desquelles la bande dessinée et les récits graphiques. Trois ouvrages récents parus en Suisse romande, aux éditions Antipodes, en constituent de réjouissants exemples dont la lecture est très agréable.
Les deux premiers se présentent chacun sous la forme d’un récit familial par épisodes, couvrant pour l’un et l’autre des événements de l’histoire suisse à l’échelle d’un siècle. Ces récits d’Éric Burnand, avec le beau travail d’illustration de Fanny Vaucher, ont une grande pertinence par ce qu’ils mettent en évidence. Ils déroulent des faits sociaux qui ne sont pas au cœur des priorités narratives et des clichés habituels de l’histoire suisse traditionnelle. Ils peuvent se lire soit comme un tout, soit chapitre par chapitre. Plutôt qu’une bande dessinée proprement dite, ils correspondent davantage à un récit, ou un roman, graphique, notamment parce qu’ils sont accompagnés de portraits et de tableaux synthétiques de certaines situations du passé en Suisse.
La construction du fil global de ces récits séculaires, qui passe par l’histoire d’une famille suisse, présente une certaine complexité, mais permet de faire évoluer des personnages à travers le temps et le changement des époques. Ainsi, ces deux livres donnent l’occasion d’accéder à des faits d’histoire et à des différences du passé qui enrichissent notre appréhension du présent.
Le siècle d’Emma, publié en premier lieu, c’est le XXe siécle. Le siècle de Jeanne, le XIXe siècle. Le lecteur y découvre pêle-mêle la révolte des Bourla-Papey contre les papiers des droits féodaux, l’année sans été de 1816, des Suisses pauvres qui émigrent au Brésil, les horlogers frondeurs de la « Fabrique » genevoise, la guerre civile et la naissance de l’État fédéral, la pauvreté et la souffrance dans les filatures industrielles et les premières réponses à la question sociale. Les quelques portraits proposés sont emblématiques de cette histoire sociale et de ses figures pionnières, à l’instar d’une Émilie Kempin-Spiry, « première docteure en droit, exclue du prétoire ».
Pour le siècle suivant, il est question de la grève générale, mais aussi de l’itinéraire d’un Henri Guisan, briseur de grève avant de devenir le général de la Seconde Guerre mondiale, d’un nazi suisse très engagé, d’un soldat exécuté pour trahison, de la lutte pour les droits politiques des femmes, des mouvements de contestation des années 68, de la figure complexe d’un Willi Ritschard, ministre socialiste pris dans de multiples contradictions, mais aussi de féminisme, d’écologie et de modes de vie alternatifs. Et cette liste n’est pas exhaustive.
Dans ces récits, des personnages de fiction côtoient des personnages réels, mais les premiers sont toujours vraisemblables, contribuant ainsi à une vision d’ensemble d’un passé helvétique pas plus lisse que celui d’autres pays, et pas moins marqué non plus par des inégalités, des souffrances sociales et des luttes pour y remédier.
L’un des personnages du Siècle d’Emma est l’enfant d’une travailleuse saisonnière en Suisse. Il a connu la vie clandestine et le statut d’enfant caché. Cette thématique longtemps occultée est également celle de l’ouvrage Celeste, l’enfant du placard, un autre récit graphique désormais disponible dans sa version française.
Dans ce troisième ouvrage, auquel sont jointes quelques pages d’explication sur l’immigration italienne et le statut de saisonnier en Suisse, Le personnage principal est à la fois une enfant cachée et une témoin d’aujourd’hui. Son histoire est emblématique de cette seconde moitié du XXe siècle marquée en Suisse par le développement d’une prospérité dont une face cachée est restée largement occultée; et dont celle et ceux qui l’ont rendue possible par leur travail et leurs sacrifices, malgré de déplorables conditions d’accueil et d’existence, méritent reconnaissance et visibilité.
Ces trois livres à mettre entre toutes les mains sont sans doute autant de supports intéressants pour aiguiser la curiosité de lecteurs et de lectrices appelées à étudier l’histoire sociale, en particulier de la Suisse. Mais ils se lisent aussi et surtout pour eux-mêmes, pour le plaisir de la découverte, au service d’un regard bienveillant sur des réalités, et des protagonistes, du passé trop souvent négligés. À ce titre, ils ont assurément leur place dans toutes les bibliothèques.
Charles Heimberg, Cahier n°39 – Jeunesses en mouvements, AÉHMO, juin 2023
Article de la distinction
Le traitement de l’histoire suisse au moyen de la bande dessinée s’est jusqu’ici avéré décevant quand il n’était pas navrant. En dehors de simples pitreries, entamées dès 1970 par Mickey et Guillaume Tell, on ne trouve guère qu’une Histoire suisse en BD (4 tomes, 1981-1983), dans laquelle l’approximation du dessin le dispute au conservatisme des textes.
C’est dire l’intérêt et la nouveauté qu’apportent les ouvrages de Fanny Vaucher et Eric Burnand. Après un volume consacré au XXe siècle, les auteurs nous proposent la trajectoire sociale et sentimentale d’une femme née dans les campagnes vaudoises à la fin de l’Ancien Régime. Elle va vivre le grand basculement qui transforma un pays défavorisé par la nature en puissance industrielle ultramoderne. Comme dans les romans de cette époque, tout commence par la révélation de sa véritable origine pour Eugénie, le jour de ses dix-huit ans: une lettre de sa grand-mère raconte la suite de malheurs qui aboutit à l’adoption de cette fillette valdo-fribourgeoise par la famille d’un pasteur zurichois. On n’en dira pas plus du déroulement de ce roman graphique, sinon pour ajouter que diverses planches hors-texte présentent des personnages, des thèmes et des événements importants pour la compréhension du déroulement de l’histoire.
S’il semble à première vue emprunté aux mélodrames le plus classiques, le scénario abonde en subtiles explications économiques, sociales et culturelles, puisées dans les recherches historiques les plus récentes. Selon ses goûts, chacun s’attachera à la superposition du désaccord religieux et du conflit politique, à la domination brutale de la bourgeoisie urbaine, aux manifestations de la misère ambiante (famine, émeutes frumentaires, émigrations) ou à la transmission du flambeau de la révolte de la grand-mère à la petite-fille. Les traits des personnages et la mise en case illustrent avec autant de simplicité que d’efficacité la fine dialectique qui va opposer conservatisme borné et radicalisme autoritaire. Pour longtemps.
Article dans le journal La Distinction, février 2023
L’union de l’histoire suisse et de la bande dessinée
Le duo formé de l’autrice de bande dessinée et illustratrice Fanny Vaucher et du journaliste Eric Burnand récidive pour notre plus grand plaisir. Après avoir publié aux Éditions Antipodes «Le siècle d’Emma», BD retraçant des épisodes marquants de l’histoire suisse du XXe siècle, les voici qui nous emmènent dans un voyage tout aussi palpitant avec leur nouvelle publication intitulée «Le siècle de Jeanne».
Cette bande dessinée couvre la période 1798 à 1888 et prend pour fil rouge le destin d’un personnage fictif, Jeanne Charrière, issue d’une famille de paysans vaudois. Le récit débute au moment de l’Indépendance vaudoise et nous plonge en plein coeur de la jacquerie des Bourla-Papey, cette insurrection de milliers de paysans et de paysannes qui attaquent les châteaux et brûlent les documents légitimant les seigneurs à prélever des redevances féodales. Si le feu a consumé des papiers, on ne déplore aucune victime. Ces paysans ont respecté à la lettre leur devise: «Paix aux hommes, guerre aux papiers.» En mai 1802, ces insurgés, au nombre de 2000, se dirigeront sur Lausanne, qui doit même faire appel aux troupes françaises pour les maîtriser. Certains seront même condamnés et emprisonnés, avant qu’un changement de gouvernement les gracie tous et abolisse les redevances.
La formation de l’héroïne Jeanne, qui quitte La Sarraz pour Yverdon, est l’occasion de retracer les idées novatrices de Pestalozzi qui crée un des premiers instituts offrant un enseignement complet et laïc pour les jeunes filles, soutenu notamment par l’influente Germaine de Staël. Changeant de milieu social, Jeanne réussit à obtenir une place de gouvernante à Estavayer dans une famille réactionnaire où elle ne se sent pas à sa place. Dans notre époque contemporaine d’hyperconsommation où tous nos supermarchés sont encore particulièrement bien fournis, on a de la peine à imaginer que nos ancêtres ont vécu encore au XIXe siècle des périodes de crise alimentaire, voire de disette, fort pénibles. Les années 1816- 1818 furent ainsi très difficiles pour la Suisse et le reste du monde. La faute à quoi? A l’éruption d’un volcan en Indonésie en 1815 qui projette dans la stratosphère des poussières volcaniques entravant le rayonnement solaire. Les récoltes de l’été 1816 furent désastreuses. On eut même de la neige sur le plateau en juillet! Le prix du blé tripla générant des troubles sociaux. À Vevey des gens affamés attaquèrent des boulangeries. Situation si dramatique que les décès furent plus nombreux que les naissances en 1817. Pour faire face à cette situation et surtout se débarrasser des indigents, le gouvernement fribourgeois a l’idée d’établir une colonie au Brésil. Pour attirer des colons, le roi du Brésil leur fait miroiter des parcelles à cultiver et les autorités fribourgeoises prennent en charge les frais du voyage.
Le destin du personnage du fils de Jeanne, Léon, parti se former à Genève au début des années 1830, est l’occasion pour nos auteurs d’évoquer le milieu de l’horlogerie et de l’élite ouvrière établie dans le quartier frondeur de Saint-Gervais. En suivant le parcours d’Eugénie, la petite-fille de Jeanne, le lecteur découvrira dans les années 1870 les conditions de vie et de travail des ouvriers et des enfants employés dans la filature de Wilfred Zollinger, où elle déplore l’absence de mesures de sécurité et les horaires de travail éreintants. Épisode mettant en lumière le député Wilhelm Joos qui milita pour interdire le travail des enfants et qui obtint un succès majeur lorsque la loi sur les fabriques, qui améliora les conditions de vie des travailleurs, fut acceptée en 1877.
Le récit de cette BD se termine avec l’ascension sociale d’Eugénie, personnage s’inspirant de la pionnière Emilie Kempin-Spyri, qui parvient à étudier le droit à l’Université de Zurich, et y obtient son doctorat, mais sans pouvoir plaider en tant qu’avocate car n’étant pas considérée alors comme une citoyenne active sur un plan politique. Situation kafkaïenne qui la pousse à émigrer aux Etats-Unis. Cette BD non seulement fort instructive et intelligemment construite, mais aussi émouvante constitue une réussite à tous points de vue.
Article de Nicolas Quinche, dans La Côte, le 06 janvier 2022
«Tout ce qui a façonné la Suisse que l’on connaît»
L’illustratrice de BD Fanny Vaucher présente une nouvelle bande dessinée historique retraçant la Suisse du 19e siècle et plus particulièrement la région. Interview.
La Sarraz, 1798. C’est sur cette image du village vaudois d’il y a plus de 200 ans que la BD Le siècle de Jeanne s’ouvre. On y découvre une famille paysanne, qui traverse les âges et subit les remous du 19e siècle suisse, en passant par Yverdon, Estavayer, puis Genève ou Fribourg. Des paysages méconnaissables, tout comme des lieux familiers, puisqu’on reconnaîtra notamment facilement la place Pestalozzi d’Yverdon de 1806.
Ce nouvel ouvrage d’Eric Burnand au scénario et Fanny Vaucher à l’illustration, se dévore par l’envie de découvrir l’histoire hélvétique tout en contemplant l’art de la BD. Fanny Vaucher, illustratrice et auteure de Sainte-Croix détaille son oeuvre.
Fanny Vaucher, il y a 240 pages dans Le Siècle de Jeanne. Vous redessinez chaque vignette une à une?
Oui! On ne peut pas reprendre une autre image, même si elles se ressemblent. La BD prend tellement de temps à faire, c’est pour cela que je ne me lance que dans des projets qui valent vraiment la peine. Nous avons mis deux ans pour réaliser Le Siècle de Jeanne.
Parlez nous du concept de ce nouvel ouvrage
L’idée c’est de parcourir le 19e siècle en se concentrant sur Jeanne et sa famille. Les personnages sont fictifs, mais les événements historiques ont existés. La famille est un prétexte pour découvrir ce siècle.
L’ouvrage se trouve donc dans la continuité du Siècle d’Emma (2019)qui abordait lui le 20e siècle?
Le fil rouge du Siècle d’Emma était les conflits, les luttes sociales etc. Tandis que pour Jeanne, c’est tout ce qui a façonnné la création de la Suisse que l’on connait aujourd’hui.
Le 19e semble être une période moins connue et représentée auprès des suisses que le 20e…
Oui, moi je ne connaissais pas du tout!C’est ce qui m’a plu. Cela m’a permis de découvrir plein de choses que je ne connaissais pas dans des régions que je connais. Dans la BD, il y a la partie historique, mais également des fiches didactiques qui permettent d’en apprendre plus sur les différentes périodes et personnages.
Comment est accueillie cette bande dessinée à caractère historique?
La première, Le Siècle d’Emma a rencontré un immense succès. Peu de BD sont aussi bien accueillies en Suisse. Elle est beaucoup utilisée en école et continue à bien se vendre. Il faut croire qu’elle comblait un vide!
On remarque une évolution des couleurs au fil de la BD. Pourquoi?
Je souhaitais changer de l’apparence du premier opus qui pour moi était un peu mou. Je travaille à l’aquarelle, donc garder un ton identique sur plusieurs pages est une technique plus rapide. Il y a une couleur par chapitre qui y correspond et évolue… Par exemple, j’ai choisi le rouge pour le chapitre sur la révolution, la gris pour la guerre etc.
Vous construisez vos dessins d’après les textes de l’auteur et…?
Eric Burnand m’a aussi fourni les images d’époque. Il a fallu se renseigner sur la question visuelle pour savoir à quoi ressemblait un intérieur fribourgeois du 19e par exemple! Je devais savoir comment étaient les plaines, la campagne ou les paysans de l’époque. On s’est basé sur des peintures, des gravures et des archives pour connaître la vie des gens du peuple de ce siècle.
Interview de Léa Perrin, La Région – Journal du Nord vaudois, le 22 décembre 2022
La Suisse du XIXe racontée comme une histoire de famille
Que vous rappelez-vous de la guerre du Sonderbund? Que savez-vous de 1848, qui vit la naissance de l’État fédéral? De vagues souvenirs scolaires, peut-être, d’un siècle qui pourtant compta tant pour ce qu’est devenue la Suisse d’aujourd’hui. Heureusement, Eric Burnand, ancien journaliste de la RTS et Fanny Vaucher, dessinatrice, nous dressent le portrait de ce XIXe siècle dans notre pays, avec la même astuce narrative que dans «Le siècle d’Emma», qui traitait du XXe siècle.
L’idée est d’utiliser la saga familiale. Rien de tel que de suivre les méandres de l’histoire en descendant les branches d’un arbre généalogique. Cela a fait notamment tout le succès de la série télé «Colorado», qui a raconté l’évolution de cet état américain durant plusieurs siècles. Les auteurs ont également tenu à privilégier dans leurs albums les femmes. Parce que pour elles, l’histoire n’avance pas au même rythme que les hommes. Si le XIXe siècle est celui de l’industrialisation et d’une certaine mise en place du droit du travail, dans de nombreux domaines, les femmes restent à la traîne. C’est ainsi qu’une petite-fille de l’héroïne de départ, qui s’appelle cette fois Jeanne, peut devenir avocate, mais n’a pas le droit de plaider puisqu’elle ne peut pas voter.
L’année sans été
Mais rembobinons, ce «Siècle de Jeanne» débute à La Sarraz (VD), en 1798, qui va bientôt voir la révolte paysanne des Bourla-Papey. C’est la confrontation des idées révolutionnaires, de Rousseau et en face des conservateurs et des jésuites. À cela va s’ajouter l’année sans été, en 1816, avec de la neige en juillet, qui va provoquer famine et pauvreté et de premières vagues d’immigration des Suisses en Amérique du Sud. On apprendra plus tard que c’est l’éruption géante du volcan Tambora en Indonésie en 1815 qui a obscurci le ciel de la Terre et provoqué ce froid inhabituel.
La guerre du Sonderbund suivra, une guerre civile en Suisse qui n’épargne pas les familles. Dans celle de Jeanne aussi, on trouve des partisans des deux bords. Nous n’allons pas tout vous raconter, à vous de découvrir comment ont évolué les idées et les mœurs dans notre pays, comment la situation de la femme, véritable baromètre des libertés, a bougé, ou pas. C’est aussi passionnant, voire peut-être même plus, que le premier tome, peut-être parce qu’on connaît moins le XIXe siècle que le XXe.
Quant au dessin de Fanny Vaucher, il est simple, mais pas simpliste. Il est expressif, léger, faisant courir la narration comme un ruisseau, en toute limpidité. L’histoire avec ce duo d’auteurs, c’est un plaisir.
Article de Michel Pralong dans lematin.ch, le 15 décembre 2022
‘Le Siècle de Jeanne’ aux Editions Antipodes
Éric Burnand après avoir été journaliste à l’Hebdo et à la Radio Télévision Suisse est aujourd’hui auteur de bandes dessinées racontant des pages méconnues de l’histoire. Fanny Vaucher quant à elle est illustratrice et autrice de bandes dessinées engagées. « Le Siècle de Jeanne » suit la parution du « Siècle d’Emma » retraçant l’histoire du 20ème siècle suisse ayant reçu le Prix suisse du meilleur album de BD 2020.
Bande dessinée historique, « Le Siècle de Jeanne » retrace l’histoire mouvementée du 19ème siècle suisse à travers l’histoire fictive d’une famille. Cet ouvrage, décliné en quatre parties, nous permet de saisir les tourbillons méconnus de l’histoire des libertés suisses. Ces chapitres – aux identités visuelles propres et distinctives – nous embarquent à tour de rôle dans les révoltes paysannes de 1802, la famine de 1816, dans la guerre civile de 1847 et dans la révolution industrielle des années 1870. Cet ouvrage richement illustré et agrémenté de portraits complets nous permet de réellement comprendre les problématiques et enjeux qui ont construit ce pays frontalier si proche mais dont l’histoire reste aujourd’hui grandement ignorée.
Jeanne, personnage principal de ce livre illustré, nous embarque dans sa vie quotidienne de fille de paysans révoltés, de femme et de mère dont les enfants sont confrontés à la guerre et à l’immigration forcée. Finalement, ce livre – inspiré de faits réels – saura à la fois séduire les passionnés d’histoire suisse mais aussi et plus globalement les amateurs d’histoire et de bandes dessinées. Entre de magnifiques illustrations aux couleurs tendres et riches et une narration dense en rebondissements, « Le Siècle de Jeanne » est un ouvrage qui allie parfaitement récit, histoire et iconographie.
Article de Floriane dans Presse Agence
Sur les pas de Jeanne
BD Après le siècle d’Emma, voici le siècle de Jeanne, raconté par la dessinatrice Fanny Vaucher et le journaliste Eric Burnand. Une magnifique épopée.
Fanny Vaucher et Eric Burnand nous avaient plongés dans l’histoire de XXe siècle en Suisse en suivant les pas d’Emma, personnage fictif qui traverse la grève générale, l’industrialisation de la Suisse, l’arrivée des travailleurs italiens. Le livre avait rencontré un vif succès et avait été honoré du prix de la meilleure bande dessinée 2020, décerné à Delémont. On retrouve les mêmes créateurs pour accompagner une nouvelle héroïne fictive, Jeanne. L’histoire commence à La Sarraz, dans le canton de Vaud, en 1798. Jeanne naît dans une famille paysanne, elle galope dans les blés qui entourent le château, quand les vaudois conquièrent leur indépendance. La pauvreté ne disparaît pas pour autant, les révoltes paysannes grondent, et Jeanne s’y précipite. Elle enjambera les années, symbole fictif de la transformation de la suisse, des Bourla-Papey aux usines de textiles. Le livre se dévore comme un roman, les faits historiques sont précis et racontés du point de vue des modestes. En suivant Jeanne, on se raccroche à nos racines et à l’héritage de celles et ceux qui les ont défendues.
Géraldine Savary, dans Le Matin Dimanche du 27 novembre 2022
L’histoire suisse au 19e siècle à travers un très vivant livre-BD
Permettre à tous et toutes de comprendre les grands enjeux politiques, économiques et sociaux
Après Le Siècle d’Emma, qui retraçait le 20e siècle, l’ancien journaliste et producteur à la TSR Eric Burnand et la dessinatrice Fanny Vaucher se sont lancés dans un nouvel opus, Le Siècle de Jeanne, consacré au 19e. Celui-ci est une grande réussite, encore meilleure que leur premier livre, car les présupposés idéologiques y sont moins apparents. C’est vraiment un ouvrage à lire absolument, par les adolescents et les adultes qui voudraient rafraîchir leurs connaissances historiques!
Le récit commence en 1872 à Uster, petite ville industrielle du canton de Zurich, quand Eugénie apprend, à l’âge de vingt ans, le secret qui entoure son enfance, par une lettre de sa défunte grandmère Jeanne. En même temps, elle qui raconte sa vie, de la fin du 18e au milieu du 19e siècle. Ce livre-BD (car il tient des deux genres) offre donc un passionnant parcours historique, notamment sur le plan social. Joliment illustré, il offre en particulier une bonne vision des villes romandes telles qu’elles se présentaient à l’époque. Cela débute avec la Révolution vaudoise de 1798, prologue à la chute de l’Ancien Régime grâce à l’intervention des troupes françaises. Mais on va vite constater que les changements de régimes successifs en Suisse romande ne changent pas fondamentalement les conditions sociales : d’où la révolte des Bourla-Papey vaudois en 1802 (les « brûle-papiers » en patois, qui s’attaquent aux droits féodaux). Quant aux famines de 1816 et 1846, dues à de terribles conditions climatiques, elles vont pousser des milliers d’hommes et de femmes à l’émigration, notamment dans le « paradis » qu’est soi-disant le Brésil. En fait, les communes helvétiques se débarrassent ainsi de leurs pauvres… Le conflit économique, et non uniquement religieux, qui conduit à la guerre du Sonderbund en 1847, est particulièrement bien montré, à travers deux visions de l’horlogerie, celle de l’artisanat traditionnel à Fribourg
et celle des fabriques genevoises, incarnées par l’opposition entre deux cousins. Si les auteurs du livre ont d’évidentes sympathies pour le mouvement radical de l’époque, et peu pour le cléricalisme catholique des cantons conservateurs, le récit n’est jamais manichéen ni caricatural. Ils ne cachent pas, par exemple, certains dérapages, comme le pillage de la ville de Fribourg par les troupes vaudoises… Ils rendent aussi hommage au rôle des pasteurs dans l’élaboration de la loi fédérale sur les fabriques de 1877, qui interdit notamment le travail des enfants endessous de quatorze ans et apporte quelques (timides) améliorations.
On appréciera particulièrement les encarts explicatifs, clairs, didactiques sans pédanterie, qui accompagnent le côté BD de l’ouvrage. Ceux-ci permettront à tous et toutes de comprendre les grands enjeux politiques, économiques et sociaux qui ont marqué le 19e siècle en Suisse. Tout cela est fort bien raconté et imagé, et provoque même de l’émotion, car vies privées et grande histoire se confondent.
Pierre Jeanneret, dans Le Courrier n°43 du 17 novembre 2022
« Le siècle de Jeanne », la Suisse du XIXe siècle vue par une jeune paysanne
Raconter l’histoire suisse dans une BD à travers les yeux d’une femme, c’est le créneau de Fanny Vaucher et Eric Burnand. Après « Le siècle d’Emma » qui retraçait le XXe siècle, le duo se plonge dans les tourbillons du XIXe, siècle des libertés naissantes en Suisse.
Connaissez-vous les Bourla-Papey? Ces paysans et paysannes vaudois, au début du XIXe siècle, qui saccagèrent plus de quarante châteaux d’aristocrates pour brûler les documents des redevances féodales. Et puis, cet été de famine en 1816, où plus rien ne poussait en Suisse à cause des nuages d’une éruption volcanique à l’autre bout du monde, à Bali. Il y a aussi eu la guerre civile de 1847 et, enfin, la révolution industrielle suisse des années 1870. C’est l’histoire du XIXe siècle en Suisse, raconté dans « Le siècle de Jeanne ».
« Regarder l’histoire à travers les yeux d’une femme, c’est la voir un peu différemment qu’avec ceux des hommes, surtout à cette époque. Cela permet de parler de l’histoire de la vie quotidienne, des espoirs des gens, de l’évolution sociale », explique à la RTS Eric Burnand, scénariste de la bande dessinée.
L’histoire suisse par siècle et par personnage
Le premier ouvrage de Fanny Vaucher et Eric Burnand, « Le siècle d’Emma » explorait le XXe siècle. Avec plus de 10’000 exemplaires vendus depuis sa sortie en 2019 et l’obtention du prix du meilleur album suisse de la bande dessinée au festival Delémont BD en 2020, le succès ne s’est pas fait attendre. Fort de cette réussite, le duo décide alors de s’attaquer au XIXe siècle avec le personnage de Jeanne.
En suivant ce personnage et sa famille dans les remous de ce siècle, le lecteur découvre que la Suisse n’a pas toujours été un pays riche et paisible. Tous les événements dépeints dans ce récit sont avérés, mais les personnages sont imaginaires. Dans cet ouvrage, Jeanne écrit à sa petite-fille une lettre dans laquelle elle raconte sa vie et les événements qui l’ont traversée. De quoi se plonger dans une partie de l’histoire que l’on connaît trop peu.
Les dessins vifs et sensibles de Fanny Vaucher associés aux textes de vulgarisation historique efficaces d’Eric Burnand font du « Siècle de Jeanne », à l’instar du « Siècle d’Emma », un ouvrage passionnant et ludique.
Sujet TV: Gilles de Diesbach, RTS culture/livre, le 22 novembre 2022.