La Suisse et l’esclavage des Noirs
David, Thomas, Etemad, Bouda, Schaufelbuehl, Jannick,
2005, 184 pages, 20 €, ISBN:978-2-88901-201-5
En septembre 2001, la Suisse a signé, avec 162 autres pays, la Déclaration de Durban élaborée au terme de la troisième Conférence mondiale contre le racisme, reconnaissant que « l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité ». Tout en s’associant à cette occasion à la communauté internationale, la Suisse a voulu marquer sa différence en soulignant, par la voix de son représentant, qu’elle n’avait « rien à voir avec l’esclavage (ou) la traite négrière ». Au vu de ce que révèle ce livre, ce point de vue n’est guère défendable. Des Helvètes n’étaient pas seulement des négriers, mais également des esclavagistes, et qu’ils ont de surcroît contribué à maintenir le système américain de plantation esclavagiste.
Description
En septembre 2001, la Suisse a signé, avec 162 autres pays, la Déclaration de Durban élaborée au terme de la troisième Conférence mondiale contre le racisme, reconnaissant que « l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité ». Tout en s’associant à cette occasion à la communauté internationale, la Suisse a voulu marquer sa différence en soulignant, par la voix de son représentant, qu’elle n’avait « rien à voir avec l’esclavage (ou) la traite négrière ».Au vu de ce que révèle ce livre, ce point de vue n’est guère défendable. Il y est établi qu’aux XVIIIe et XIXe siècles des marchands, des maisons de commerce et des financiers suisses ont été impliqués dans la traite des Noirs soit en fournissant des produits contre lesquels étaient échangés des captifs noirs sur les côtes africaines, soit en participant à au moins une centaine d’expéditions négrières lancées avec des navires baptisés La Ville de Basle, Les 13 Cantons, La Ville de Lausanne, Le Pays de Vaud ou L’Helvétie. Au total, les Suisses auraient directement ou indirectement contribué à la déportation de quelque 175’000 Noirs vers les Amériques.
Ce livre révèle par ailleurs que des Helvètes n’étaient pas seulement des négriers, mais également des esclavagistes, et qu’ils ont de surcroît contribué à maintenir le système américain de plantation esclavagiste. D’un côté, ils ont exploité des Noirs sur des plantations dont ils étaient les propriétaires dans les Caraïbes et sur le continent américain. De l’autre, des soldats confédérés ont participé à la répression de révoltes d’esclaves.
En Suisse, comme dans le reste de l’Europe, de telles pratiques n’ont pas manqué d’être dénoncées par des associations antiesclavagistes, apparues dans plusieurs cantons au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Ce livre caractérise pour la première fois le mouvement abolitionniste suisse en scrutant les motivations, les valeurs et les arrières pensées de ses membres.
Presse
Le commerce n’a pas d’odeur
On sait que les Caraïbes, le Brésil, les Etats-Unis ont activement bénéficié du commerce triangulaire et de la traite négrière à l’époque moderne. Mais ce dont on n’a pris con-naissance que très récemment, c’est du rôle exact que des firmes privées et des marchands suisses ont joué dans ce commerce de chair humaine. Il a fallu en effet attendre 2005 pour que la première étude documentée et solide sur le sujet soit publiée aux Editions Antipodes sous la plume de Thomas David, Bouda Etemad et Janick Marina Schaufelbuehl, chercheurs et professeurs à l’Université de Lausanne.
Si cette monographie révèle la part prise par des marchands et des investisseurs suisses à la traite négrière, elle met aussi en lumière les voix qui se sont élevées en Suisse contre ce commerce d’esclaves, notamment le rôle joué par des maisons d’édition neuchâteloises et genevoises qui publiaient des ouvrages opposés à cette traite. La Société typographique de Neuchâtel, très active jusqu’en 1784, édite et diffuse effectivement nombre de textes et de contrefaçons du mouvement abolitionniste. Des Suisses militent aussi activement pour une interdiction immédiate de la traite ou une abolition progressive de l’esclavage. Au sein de la Société des amis des Noirs, première association abolitionniste française fondée en 1788 ,et dont le président est un banquier genevois, Etienne Clavière, on trouve effectivement d’autres compatriotes, plusieurs banquiers, un littérateur et un pasteur. La propagande abolitionniste sera vite étouffée en France par Napoléon qui rétablit en 1802 l’esclavage et la traite. Mais le Groupe de Coppet, constitué d’écrivains réunis autour de Germaine de Staël, continuera à propager en France ces idées abolitionnistes et traduira une brochure du fer de lance du mouvement abolitionniste anglais, William Wilberforce. Auguste de Staël se caractérise aussi par son activisme en faveur de la cause abolitionniste en fondant en 1822 un Comité pour l’abolition de la traite, actif en France jusqu’à sa mort en 1827. Ses membres envoient des pétitions et dénoncent l’esclavage dans des études.
Lausanne a joué un rôle dans le mouvement contre l’esclavage aux Etats-Unis. C’est effectivement à Lausanne qu’est fondée en 1858 l’Association du sou par semaine en faveur des esclaves. Cette association, active surtout dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel, lance des souscriptions pour aider les esclaves et les affranchis en Amérique, faciliter leur retour en Afrique et racheter leur liberté par l’intermédiaire d’agents suisses sur place. Elle est active jusqu’en 1865, année de l’abolition de l’esclavage aux Etats-Unis.
Cette monographie facile d’accès et richement documentée est sans conteste la meilleure des rares études consacrées au rôle des Suisses dans la traite négrière. Notons enfin la parution toujours aux Editions Antipodes d’une nouvelle étude d’Olivier Pavillon retraçant l’implication de Suisses dans ce commerce, «Des Suisses au cœur de la traite négrière».
Nicolas Quinche, historien, pour le journal La Côte, vendredi 27 septembre 2019
Les Suisses et l’esclavage
Dans le sillage des négriers suisse
Entre le XVIIIe et le XIXe siècle, des négociants suisses installés dans les ports français ont participé, de manière directe ou indirecte, au financement d’expéditions d’achats et de ventes d’esclaves. Un fait historique neuf qui devrait à court terme nourrir le débat politique.
En 1790, le « Ville de Lausanne », les cales alourdies de marchandises, quitte le port de Marseille. Destination: le Golfe de Guinée, et ses nombreux comptoirs. Il y embarquera 550 esclaves noirs, direction le Nouveau Monde et ses plantations. L’histoire ne dit pas combien de captifs mourront pendant la traversée de l’Atlantique. Pour mener cette opération de traite, le « Ville de Lausanne » était armé par une société de négoce vaudoise.
De nombreux autres négriers sillonnaient les mers grâce à des fonds suisses
C’est ce que révélera l’article à paraître de Bouda Etemad, professeur d’histoire aux Universités de Genève et de Lausanne: « Au XVIIIe et au XIXe siècle, des maisons de commerce, principalement de Bâle et de Neuchâtel, approvisionnent en produits manufacturés, notamment des textiles, des navires négriers au départ de ports français. Elles ne se contentent pas d’investir dans des cargaisons de traite. Elles participent financièrement à des expéditions négrières le long des côtes d’Afrique. Il arrive qu’elles arment elles-mêmes des bateaux négriers. »
Ces révélations ne manqueront pas de faire sensation. Car, depuis le printemps 2003, des historiens suisses tentent d’établir dans quelle mesure certains de leurs compatriotes ont, en leur temps, participé au système esclavagiste. Le Conseil fédéral lui-même s’est décidé à y voir plus clair. L’implication, directe ou indirecte, de négociants suisses étant désormais avérée, il s’agit dès lors de s’avoir qui ils étaient, et quel fut leur rôle.
La pointe de l’iceberg
Jusqu’ici, ce questionnement n’avait guère retenu l’attention des historiens du pays. Tout au plus des chercheurs du siècle passé ont établi que plusieurs familles suisses possédaient, au XIIIe siècle, des plantations dans le Nouveau Monde et y employaient des esclaves: les noms de Du Peyrou pour Neuchâtel, de Butini, Dunant ou Fatio pour Genève ont été cités. De même, des troupes suisses furent envoyées en 1802 sur ordre de Napoléon en Haïti pour y mater la rébellion des esclaves.
Pour condamnables qu’ils soient, ces aspects ne constitueraient qu’une parcelle des implications suisses liées à l’esclavagisme: le chantier historique qui a été ouvert l’an dernier laisse apparaître que l’essentiel tient à la participation de Suisses à l’organisation de la traite négrière elle-même. C’est-à-dire, au sens strict, à l’achat et au commerce de Noirs.
On trouve trace de l’activité de ces maisons de négoce suisses dans les différents répertoires des expéditions négrières lancées à partir des ports de Nantes, La Rochelle, Le Havre, Marseille, et Rochefort. Actives, selon ces archives, de 1783 à 1827-ce qui indique quelles ont illégalement poursuivi leurs affaires après l’interdiction de la traite par le Congrès de Vienne de 1815-elles ont pour nom Petitpierre (de Couvet-NE), Favre (de Couvet également), Charles Rossel (de Neuchâtel), ou encore Simon & Roques (de Bâle).
L’indienne, monnaie négrière
Pour partie, ces maisons suisses se signalent par la confection et la fourniture aux négriers de cargaison de traite, soit les marchandises qui étaient échangées dans les comptoirs africains contre des esclaves noirs. Ces cargaisons sont constituées de métaux, d’armes à feu, de poudre, d’alcool, et surtout de textiles et plus particulièrement d’indienne, une étoffe, de coton peinte ou imprimée. A la fin du XVIIIe siècle, ce produit est devenu une spécialité helvétique. L’indienne est principalement manufacturée dans les régions de Genève, Neuchâtel et Bâle.
Ces cités ont profité ainsi de la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685 et de l’interdiction de fabriquer de l’indienne que le Royaume de France impose à ses sujets dès 1686. Victimes de ces deux décisions, les huguenots ont été contraints à l’exil, et ont fait profiter dé leur savoir-faire les territoires qui les ont accueillis. D’où la dynamisation de l’indiennerie dans les villes suisses: les producteurs suisses ne tardent pas à s’engouffrer dans la brèche française, et ouvrent dès 1760 des filiales à Nantes.
Un canton sur les bords de la Loire
« Nantes était le premier port négrier de France, observe le professeur Etemad. Les Suisses se sont retrouvés dès lors associés aux échanges liés à la traite des Noirs. L’implantation suisse prit si bien dans le port breton que, dès les années 1780, les manufacturiers suisses assurent 80 à 90% des indiennes produites dans la région, avec l’Afrique comme principal débouché. Les Suisses de Nantes sont assez nombreux aux yeux d’un chroniqueur local pour former un canton sur la rive droite de la Loire », souligne le professeur Etemad. Certains bâtirent même de véritables empires commerciaux, tel le Neuchâtelois Jacques-Louis Pourtalès (1722-1814), qui possédait un réseau de fabriques et de comptoirs disséminés dans toute l’Europe.
Très logiquement, certains fabricants suisses d’indienne prirent une part plus directe à la traite, en contribuant au capital de diverses expéditions. Un exemple: entre 1786 et 1793, la maison bâloise Simon&Roques investit dans douze campagnes négrières, qui se soldèrent par la déportation de plus de 3000 êtres humains. Une autre maison bâloise, la firme Burckhardt, qui produisait de l’indienne tant sur les bords du Rhin que dans sa filiale nantaise, établit un record en la matière, en participant à pas moins de 21 expéditions.
Une petite armada aux consonances helvètes
Ces affaires. étaient trop florissantes pour ne pas inspirer d’autres sociétés de négoce suisses installées sur des ports français. A leurs, activités de commerce traditionnelles, elles ajoutèrent l’armement, partiel ou complet, de navires. A partir de 1783, une petite armada négrière aux consonances très helvètes sillonne les océans: les Bâlois Weis et fils affrètent le « Treize Cantons » en 1783 puis en 1786, ainsi que le « Ville de Basle », en 1786 toujours, déportant 1000 esclaves. Société en commandite vaudoise mise sur pied à Marseille, D’Illens-Van Berchem équipe quatre navires entre 1790 et 1791 (« le Ville de Lausanne », « le Pays de Vaud », « L’Helvétie « et « L’Anaz »), responsables de la déportation de 1000 personnes au bas mot. Ces opérations commerciales n’étaient pas sans risques. Certains bateaux n’arrivèrent jamais à destination: le « Passe-partout », mis à flots par les Bâlois Riedy&Thurninger et parti de Nantes en 1790, devait couler corps et biens.
En presque quarante-cinq ans de participation directe ou indirecte à la traite négrière, les entreprises suisses impliquées auront participé à quelque 80 expéditions au départ de ports français. Sur cette base de calcul, le professeur Etemad estime de 15 000 à 20 000 le nombre d’esclaves déportés dans ces conditions, « soit 3% à 4% des Noirs déplacés par la France ou environ 0,5% par l’Europe». Il faudra attendre 1831 pour que la traite française disparaisse définitivement.
Phillippe Simon, Le Temps, 31 janvier 2004-02-04
Des Suisses ont directement ou indirectement contribué à la déportation de plus de 172’000 Noirs vers les Amériques
Des Helvètes négriers et esclavagistes
Trois chercheurs de l’Université de Lausanne, Thomas David, Bouda Etemad, et Janick Marina Schaufelbuehl publient aujourd’hui le premier ouvrage consacré à la Suisse et l’esclavage. Des commerçants helvétiques se sont fortement enrichis en participant à la traite des Noirs. D’autres, installés dans des colonies, ont employé des esclaves. Par ailleurs, des soldats helvétiques ont réprimé des révoltes de captifs.
« La Suisse n’a rien à voir avec l’esclavage, la traite négrière ou le colonialisme ». Ces propos ont été tenus en 2001 par Jean-Daniel Vigny représentant de la Suisse à la Conférence mondiale contre le racisme qui s’est tenue à Durban (Afrique du Sud). Aujourd’hui, plus de doute, cette prise de position était totalement erronée. D’ailleurs en 2003, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey avait déclaré que le gouvernement regrettait que « différents Suisses aient été impliqués de près ou de loin dans le commerce transatlantique des esclaves » La ministre des Affaires étrangères avait aussi affirmé que le Conseil fédéral était prêt à soutenir le réexamen de ce passé. L’ouvrage publié aujourd’hui est donc une réponse directe à cette déclaration.
Traite négrière
Tout d’abord, les auteurs, démontrent que des Suisses ont participé à la traite des Noirs à différents niveaux. Ainsi en 1790, l’entreprise vaudoise Illens et Van Berchem a armé à Marseille deux bateaux, Le Pays de Vaud et La Ville de Lausanne, pour une expédition négrière au Mozambique. Mais selon Bouda Etemad, professeur d’histoire contemporaine aux Universités de Genève et de Lausanne, I’implication des Helvètes est surtout en amont. Ils ont approvisionné les navires en marchandises qui ont servi à acheter les esclaves. Ainsi dans les années 1780, des manufacturiers suisses assuraient 80 à 90% des indiennes (étoffes de coton peintes ou imprimées), produites à Nantes, capitale de la traite.
A la même époque, un Neuchâtelois, David de Purry, s’installe à Lisbonne et se lance dans le commerce triangulaire: des navires quittent l’Europe à destination de l’Afrique avec des marchandises, comme les indiennes, à
échanger contre des captifs. Ils sont ensuite vendus dans les colonies américaines contre des denrées tropicales (bois précieux, sucre, café etc.) commercialisées en Europe. David de Purry sera notamment actionnaire d’une compagnie ayant acheté plus de 42 000 personnes en Angola.
« Des Suisses ont participé à une centaine d’expéditions négrières », souligne Bouda Etemad. De manière directe ou indirecte, des Helvètes, auraient ainsi été impliqués dans la traite de plus de 172’000 Noirs déportés, soit 1,5% des 11 à 12 millions de captifs arrachés à l’Afrique.
Aussi des esclavagistes
Les Suisses n’étaient pas seulement des négriers, mais également des esclavagistes. Au XVIIIe siècle, des Genevois, Bâlois, Saint-Gallois, Vaudois ou Zurichois dirigeaient des plantations dans les colonies anglaises, françaises ou hollandaises. Parmi eux, le Vaudois Jean Samuel Guisan. Arrivé en 1769 au Surinam, il s’établit sur des plantations de sucre et de café appartenant à son oncle et à M. Sugnens de Moudon. L’homme disposera de nombreux captifs. Jamais, il ne militera pour leur libération, mais il fera des propositions pour améliorer leurs « conditions de reproduction ». La raison? « Ils risquent de devenir rares et chers », raconte-t-il dans son Traité sur les terres noyées de la Guiane.
Des soldats suisses ont également été appelés pour mater des rébellions de marrons (esclaves en fuite). C’est ainsi que le colonel Louis-Henri Fourgeoud, bourgeois de Bussigny, débarque en 1773 au Surinam à la tête de 1200 hommes.
Plus tard, des immigrés helvétiques choisissent le Brésil. Entre 1819 et 1919, ils sont 911 à s’installer à Bahia. Propriétaires fonciers ou commerçants, ils achètent des esclaves. On apprend par exemple que Samuel Tattet, originaire de Rolle, possédait « 16 kilomètres de caféiers et 95 esclaves ».
Une réalité qui ne laisse pas indifférent Wilhelm Joos, conseiller national schaffhousois. En 1863, il demande que des dispositions pénales soient prises contre ses compatriotes qui achètent ou vendent des esclaves. Mais il ne sera soutenu ni par ses collègues ni par le Conseil fédéral. Au Brésil, des Suisses exploiteront ainsi le travail servile jusqu’en 1888, date de l’abolition de l’esclavage dans ce pays.
Cet ouvrage relancera-t-il le débat sur d’éventuelles réparations financières pour les victimes de l’esclavage? Bouda Etemad n’y croit pas: « On ne peut pas réparer l’irréparable. La réparation doit se faire au niveau de la reconnaissance. Et en étudiant ainsi le passé, nous voulons rendre hommage aux millions de victimes de l’esclavage », affirme Bouda Etemad. Le professeur d’histoire contemporaine aux Université de Genève et de Lausanne ne veut d’ailleurs pas en rester là. Prochaine étude annoncée: l’implication des banquiers suisses dans la traite de Noirs.
Encadré:
La Municipalité Yverdonnoise a eu son premier sans-papiers en 1791. Après avoir été au service de la Compagnie hollandaise des Indes occidentales, David-Philippe de Treytorrens s’installe, en 1776, à Yverdon. Devenu très riche, il ne rentre pas seul de Saint-Domingue. Il est accompagné de deux de ses esclaves, Pauline Buisson et François Mida. En 1791, Pauline Buisson accouche d’un enfant illégitime: Samuel-Hippolyte. C’est le premier sans-papiers de la cité thermale. Et l’affaire occupera la Municipalité yverdonnoise de 1826 à 1834. Durant cette période, un procès l’opposera en effet à l’un des héritiers de l’officier, Henri deTreytorrens. L’objet du litige: connaître le statut légal de Samuel-Hippolyte. La question s’était déjà posée pour sa mère. Et pour l’Exécutif, elle était clairement une esclave. Extrait du procès de 1826: « Ces individus (ndIr : Pauline Buisson et François Mida) n’étaient pas seulement ses domestiques, ils étaient sa propriété à titre d’esclaves, comme auraient été ses chevaux. L’autorité locale n’avait aucune mesure à prendre à leur égard, il (ndlr: David-Philippe de Treytorrens) en répondait. » Réplique de l’avocat d’Henri de Treytorrens: « Sur le sol de l’Helvétie, la négresse Pauline était une domestique ordinaire et sur le territoire de la commune, il ne pouvait pas y avoir d’esclaves. » Selon lui, Yverdon aurait donc dû immédiatement régulariser la situation de la Dominicaine et de sa descendance. Finalement, un accord sera trouvé entre les deux parties mais Samuel-Hippolyte n’en profitera pas. Devenu cordonnier, il meurt en 1832, à 42 ans. Avant que sa situation n’ait été régularisée.
Vincent Bourquin, 24Heures, Tribune de Genève,12 Mars 2005
Des historiens suisses relancent le débat sur l’esclavagisme
Prospérité : Une recherche scientifique apporte un démenti au discours officiel tendant à montrer que la Suisse n’avait aucune responsabilité dans la traite des Noirs.
Péché originel du capitalisme, l’esclavage, racontait l’historien Jean Batou dans ces mêmes colonnes, le 19 novembre 2004, n’a pas seulement été le moteur du développement industriel. Il a aussi eu un impact profond sur la société africaine en affaiblissant son potentiel productif. Notre journal annonçait alors la parution prochaine d’un livre consacré au sujet, une première. C’est aujourd’hui chose faite: fruit des recherches menées par trois universitaires lausannois, La Suisse et l’esclavage des Noirs apporte un cinglant démenti aux propos tenus à Durban en 2001, lors de la troisième conférence mondiale contre le racisme.
Discours officiel
En affirmant, en effet, qu’elle n’avait « rien à voir avec la traite négrière ou la colonisation », la Suisse ne faisait que perpétuer le discours officiel tenu pendant plus de deux siècles. En réponse à une question du député Jean Guignard, le Gouvernement vaudois n’écrivait-il pas encore en 2003: « Le Conseil d’Etat doit pour l’heure constater la maigreur des informations sur la traite des esclaves, en ce qui concerne la participation active des Vaudois. A la différence d’autres objets (fonds juifs, stérilisation des handicapés mentaux) où il a commandé des études, la responsabilité directe des autorités qui ont gouverné le Pays de Vaud, puis le canton de Vaud ne paraît pas être engagée. » Le même Conseil d’Etat admettait par contre qu’elle (la responsabilité directe) impliquait « par contre des familles et des individus d’extraction vaudoise ou ayant habité le canton de Vaud, dont les richesses proviendraient du commerce négrier ou de ses produits dérivés »
Commerce triangulaire
Coauteur de l’ouvrage, Janick Marina Schaufelbuehl reconnaît que l’affaire des fonds en déshérence a désinhibé le débat en Suisse. Elle a contribué à démystifier la société, huguenote, dont certains membres ont participé au commerce dit triangulaire, à savoir « la séquence océanique du circuit négrier, durant laquelle des marchandises de traite, parties d’Europe, sont échangées contre des captifs noirs, vendus en Amérique, le retour en Europe s’effectuant les cales pleines de denrées tropicales ».
La période où les Suisses se montrent les plus actifs dans ce trafic peu reluisant dure peu. Elle couvre essentiellement la seconde moitié du XVIIIe siècle et met en scène les ressortissants de quelques cantons dont les moins actifs ne sont pas les Genevois, les Neuchâtelois et les Vaudois. Pour ces Suisses-là, nuancent les auteurs, le commerce des esclaves « ne représente qu’une fraction réduite ou marginale de leurs activités de négoce. Somme toute, la traite négrière, immorale pour nous, est, pour eux comme pour les autres marchands et investisseurs en Europe, un trafic et un placement parmi d’autres. Sa particularité étant qu’elle peut rapporter gros ou causer des pertes retentissantes ».
Littérature dispersée
A voir la position qu’occupent aujourd’hui encore les descendants des familles citées dans le livre-des noms parfois illustres-on se dit que le métier d’indienneur-le négoce des toiles imprimées s’avèrera longtemps l’une des principales spécialités du capitalisme protestant-a permis surtout l’édification de fortunes durables. De là à conclure que l’esclavage a contribué a la prospérité helvétique…
« Son rôle pourrait ne pas être négligeable, en effet », estime Thomas David, l’un des auteurs. « Mais pour le prouver, il faudrait d’autres recherches. Or, il s’agit d’un exercice ardu car la littérature sur le sujet est pour le moins dispersée et pas toujours accessible ».
Christain Campiche, Le Courrier, La Liberté, 12 mars 2005.
Esclavage Une étude met au jour pour la première fois les activités négrières de citoyens suisses
« Un sujet tabou pour les familles concernées »
Commerce triangulaire: La Suisse et l’esclavage des Noirs lève le voile sur la participation de familles suisses à la traite négrière à la fin du XVIIIe siècle. Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lausanne, Bouda Etemad est l’un des auteurs de cette étude. Selon lui, la Suisse ne peut être assimilée aux grands Etats négriers de l’époque.
– Bouda Etemad, vous êtes-vous heurté à des résistances en enquêtant sur un sujet aussi délicat que les négriers suisses?
-Les archives cantonales ou fédérales nous étaient ouvertes, mais elles sont très pauvres en matériel historiographique sur ce thème. En revanche, des documents existent dans les archives privées, mais nous n’y avons pas eu accès facilement, sauf en ce qui concerne la famille Burkhardt de Bâle. Il est significatif de noter que ces documents ont été trouvés entre deux murs lors de la réfection du Segerhof, la maison de maître de leur firme, en 1935…A Neuchâtel, par exemple, les Pourtalès se sont opposés à ce que, nous accédions leur fonds, déposé aux archives cantonales.
-En levant le voile sur ce passé, avez-vous eu le sentiment de briser un tabou?
-Sur le plan privé, incontestablement. Mais il n’y a pas de phénomène analogue sur le plan national, car la Suisse en tant que telle n’a jamais été un Etat négrier. Et ce pour une raison simple: le commerce triangulaire qui s’est déployé du XVIe au XIXe siècle, avec un pic au XVIIIe, a été interdit lors du Congrès de Vienne en 1815. Hors la Confédération n’existe que depuis 1848…
-Une excuse historique bien commode…
-Certes, Genève ou Neuchâtel, pour citer deux des cantons dont certains ressortissants ont été durablement impliqués dans le commerce des esclaves, n’ont été helvétiques qu’en 1815. Mais la Suisse ne peut être mise sur le même plan que les grands Etats négriers tels que la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou le Portugal.
– Combien de sociétés suisses ont-elles exercé des activités dans la traite négrière et à quel degré?
-On peut estimer leur nombre à une vingtaine. Il y avait trois types de commerçants impliqués: les fabricants d’indiennes, ces toiles peintes fournies comme marchandises de traite pour les navires qui allaient les échanger; les commerçants qui se sont expatriés sur les ports atlantiques, Nantes ou la Rochelle; et les banquiers, qui investissaient pour armer des navires ou achetaient des actions dans la Compagnie française des Indes ou la Compagnie portugaise des mers du Sud, comme ce fut le cas pour le Neuchâtelois David de Pury. Sans oublier certains Suisses propriétaires de plantations outre-Atlantique, qui exploitaient les esclaves, par opposition aux négriers, qui en faisaient commerce.
-Quelle a été l’ampleur de l’activité helvétique dans le commerce triangulaire?
-Il faut savoir que la participation helvétique a été tardive et relativement brève, environ de 1760 à 1815. Avec une centaine de navires, et, donc d’expéditions, elle a été responsable de la déportation de quelque 175 000 esclaves, soit 1,5% des 12 millions de captifs arrachés à l’Afrique en trois siècles.
-Des demandes de réparations sont-elles en cours envers la Suisse?
-Non. Nous ne sommes pas dans le cas de figure des fonds juifs en déshérence ou de l’or sud-africain. Il y a eu des tentatives dans ce sens dans les années 1980, mais envers les Etats autrefois négriers. Elles se sont enlisées, car il est difficile de déterminer qui sanctionner et qui indemniser. D’autant que les Etats noirs courtiers étaient impliqués dans la traque et la vente d’esclaves. Mais il y a eu demande de reconnaissance de la traite des Noirs comme étant un crime contre l’humanité lors de la Conférence de Durban, en 2001. Comme les 162 autres pays présents, la Suisse a signé ce document.
Ivan Radja, Le Matin Dimanche, 13 mars 2005.
Der Schweizer Anteil an der Sklaverei
Die Schweiz war stärker in den Sklavenhandel verstrickt, als bisher zugegeben wurde. 172 000 Menschen wurden gemäss einer neuen Studie mit Schweizer Beteiligung deportiert.
Als die Uno-Konferenz gegen Rassismus im Herbst 2001 im südafrikanischen Durban den Sklavenhandel zu einem Verbrechen gegen die Menschlichkeit erklärte, stimmte die Schweiz gleichsam ohne schlechtes Gewissen mit. « Wir hatten nichts zu tun mit der Sklaverei, dem Sklavenhandel und dem Kolonialismus », sagte damals ein Schweizer Diplomat.
Die offizielle Schweiz sah denn auch keinen Grund, sich letztes Jahr am Uno-Jahr zum Gedenken an den Kampf gegen die Sklaverei und ihre Abschaffung zu beteiligen. Dabei hatten Historiker, aber auch parlamentarische Vorstösse in Bund, Kantonen und Städten damals längst darauf aufmerksam gemacht, dass berühmte Schweizer Familien, Handelshäuser und Bankiers am Sklavenhandel beteiligt waren. Nun kommen die Lausanner Professoren Thomas David und Bouda Etemad und ihre Assistentin Janick Marina Schaufelbuehl in einem neuen Buch zum Schluss, dass Schweizer direkt und indirekt an der Versklavung von mindestens 172 000 Afrikanern beteiligt waren.
Allein in Frankreich haben Schweizer direkt in nahezu hundert Schiffsexpeditionen investiert, die von 1773 bis 1830 an einem lukrativen Dreieckshandel teilnahmen: Sie lieferten bunt bedruckte, hauptsächlich von (Ausland-)Schweizern hergestellte Indienne-Tücher nach Afrika, nahmen von dort gewaltsam schwarze Sklaven nach Amerika mit und brachten schliesslich Kaffee, Baumwolle und Tabak nach Europa zurück.
Indirekt beteiligten sich nicht nur Private am Sklavenhandel, indem sie in einschlägig tätige Handelsgesellschaften investierten. So besass auch der Stand Bern im frühen 18. Jahrhundert Aktien an der britischen South Sea Company, die zu jener Zeit das Monopol für den Sklavenimport in die spanischen Kolonien in Amerika besass und innert 15 Jahren 64 000 Afrikaner dorthin bringen liess.
Gemäss der Studie liessen sich mit dem Sklavenhandel damals überdurchschnittliche Renditen von 5 bis 10 Prozent erzielen, obwohl beim Transport über den Atlantik 10 bis 20 Prozent der Sklaven zu Grunde gingen und es auf jedem zehnten Sklavenschiff zu Aufständen kam. 1,5 Millionen schwarze Männer, Frauen und Kinder seien von der Mitte des 14. bis Ende des 20. Jahrhunderts « ins Massengrab des Atlantischen Ozeans geworfen » worden, schreiben die drei Lausanner Autoren. Sie beziffern die Schweizer Beteiligung am Sklavenhandel auf 1,5 Prozent. Das tönt nach wenig, weist aber immerhin auf eine Mitschuld an 20 000 bis 25 000 Toten hin.
Der Bundesrat blieb tatenlos
Schweizer Bürger und Firmen profitierten auch von der Sklavenarbeit auf den Plantagen, und das staatlich organisierte Söldnertum half Aufstände niederzuschlagen. Wie die neue Studie eindrücklich aufzeigt, gab es in der Schweiz aber auch Privatpersonen und Vereine, die sich für die Abschaffung der Sklaverei und für die Hilfe an freigekauften Sklaven einsetzten. Im 19. Jahrhundert wurde diese Bewegung vor allem von protestantischen Kreisen getragen und von liberal-konservativen Politikern unterstützt.
Dennoch fand der Schaffhauser Nationalrat Wilhelm Joos kein Gehör, als er in den 1860er-Jahren strafrechtliche Massnahmen gegen die letzten Schweizer Sklavenhalter in Brasilien forderte. Selbst der Schweizer Generalkonsul in Rio de Janeiro beschäftigte damals ein paar Sklaven. Der Bundesrat musste zwar einräumen, dass die Sklavenhaltung auf den Wert der Handarbeit drücke und dadurch an der schlechten Entlöhnung vieler Schweizer Auswanderer schuld sei. Dennoch lehnte er es 1864 aus Rücksicht auf den « legitim erworbenen Gewinn » ab, die Schweizer in Brasilien vor die Wahl zu stellen: entweder aufs helvetische Bürgerrecht zu verzichten oder ihre Sklaven freizulassen.
Bruno Vanoni, Tages-Anzeiger, 14 mars 2005
Quand nos protestants trafiquaient les esclaves
Révélations : Quand la traite négrière était à la mode, nous fûmes négriers comme tout le monde, révèle un essai édifiant.
Question provocante: sous l’Ancien Régime, que faisaient donc les membres des oligarchies protestantes de Genève, Neuchâtel ou Bâle alors que les aristocrates fribourgeois et valaisans vendaient de la chair à canon aux rois européens? Réponse: ils trafiquaient des esclaves. Comme toute généralisation, celle-ci est abusive. Seules quelques nobles familles catholiques se sont enrichies sur le dos des mercenaires. Et tous les « de » quelque chose du pays de Neuchâtel dont pas vécu de la traite des Nègres. Mais ceux qui l’ont fait, l’ont bien fait, le bel hôtel DuPeyrou en témoigne encore.
C’est ce que tendrait à prouver un livre dérangeant, La Suisse et l’esclavage des Noirs. Ecrit par trois historiens suisses, Thomas David, Bouda Etemad, Janick Marina Schaufelbuehl, il met en cause des milieux protestants et conservateurs liés à la finance européenne. Mettons, en schématisant, qu’au XVIle siècle, ils ont perçu l’intérêt financier de la traite négrière. Au XVIII, siècle et au début du XIXe, ils ont fait fructifier ce commerce et, de surcroît, investi dans de grandes plantations. Puis, dans la lancée du Réveil protestant, saisis par le remords, ils animent, à partir de 1850, des campagnes antiesclavagistes pour se déculpabiliser.
On retrouve dans cette affaire le dynamisme économique protestant mis en évidence il y a plus d’un siècle par Max Weber. La nécessité de trouver des débouchés pour leurs textiles (les indiennes, une spécialité de tissus colorés) met les industriels suisses en contact avec des armateurs français dans les ports atlantiques, Nantes, La Rochelle, Bordeaux. En Afrique, les indiennes servent de monnaie d’échange contre des esclaves. D’après nos auteurs, les premiers à s’y risquer sont des Bâlois, Isaac Miville, puis des Burckhardt. Arriveront ensuite des Neuchâtelois (Gorgerat, Petitpierre, Favre, de Pury, Pourtalès … ), des Vaudois (d’Illens, Rivier), des Trembley, de Genève … Pour ces gens, la traite négrière est une activité comme une autre: ils commencent par vendre des indiennes aux armateurs, puis prennent des participations minoritaires aux expéditions et finissent par avoir leurs propres navires. Ainsi les Weiss, de Bâle, dont plusieurs générations vécurent à La Rochelle tout en conservant de solides attaches helvétiques. Ils ont leur propre flotte négrière. En 1783, un de leurs navires, La Belle Pauline, transporte une grosse cargaison de 575 captifs de la côte angolaise à Haïti.
Une centaine d’expéditions
La contribution suisse à la traite n’en reste pas moins très minoritaire. Entre 1730 et 1830, des Suisses participent à une centaine d’expéditions négrières dont sont victimes 18 000 à 25 000 Africains vers les Amériques, soit 1 à 2% des Noirs traités parla France. Un bilan plus large tenant compte des participations financières indirectes aux expéditions donne lui aussi une moyenne de 1,5% d’implication suisse (172 000 personnes sur un total de 11 à 12 millions). Mais une réserve s’impose: l’étude publiée aujourd’hui est une première approche; des recherches à venir, notamment dans les archives anglaises, affineront les données.
Après 1848, la nouvelle Confédération eut une occasion de se pencher officiellement sur la question de l’esclavage. Ce fut vers 1860 à propos des plantations suisses dans le nord-est brésilien. L’affaire est trop complexe pour être racontée ici, mais le Conseil fédéral dut se prononcer. Il est tout à fait intéressant de voir qu’il agit comme il agira un siècle plus tard sur la question de l’apartheid en Afrique du Sud. Il commence par jouer les vierges effarouchées, condamnant l’esclavage, proclamant l’impossibilité pour un citoyen suisse de participer (pis encore: de tirer profit) d’une telle activité, puis, placé devant la réalité des faits, avec les noms et prénoms des propriétaires d’esclaves, il se fait compréhensif, distribue des conseils paternels et renvoie à plus tard les mesures concrètes. De sorte que les colons suisses sont pratiquement les derniers à posséder des esclaves tout en ayant la caution de leur gouvernement!
Gérard Delaloye, l’Hebdo, 17 mars 2005
La Suisse et l’esclavage: le livre qui dérange
« Nous n’avons rien à voir avec l’esclavage, la traite négrière ou le colonialisme », disait le représentant suisse à Durban. Un ouvrage passionnant, paru récemment, lui donne tort.
Voici encore un livre qui va faire grincer les bonnes consciences helvétiques: trois historiens ont uni leurs forces pour dresser le panorama le plus complet possible des rapports de la Suisse avec l’esclavage. En trois courts chapitres sont ainsi passés en revue 1) la participation directe de Suisses ou d’entreprises suisses à la traite en achetant et vendant des esclaves, 2) la mise en pratique de l’esclavage et la répression de révoltes d’esclaves et 3) le développement de l’abolitionnisme, soit la lutte contre l’esclavage en animant différents mouvements abolitionnistes. Le résultat de leurs investigations est, sinon vraiment surprenant si l’on prend la peine de réfléchir à la chose, du moins étonnant en raison de l’importance de ces accointances esclavagistes, une importance inversement proportionnelle à l’intérêt de historiographie où l’on ne trouvait rien de systématique jusqu’à ce jour.( )
Lire la suite http://www.largeur.com/expArt.asp?artID=1798
Gérard Delaloye, Largeur.com, mars 2005.
Les négriers suisses
Des négociants suisses ont participé directement à la traite d’esclaves. Nombre d’entre eux étaient protestants. Explications
Des bateaux négriers au nom de « Ville-de-Lausanne » ou « Pays-de-Vaud », cela tient du cauchemar. Pourtant, ces navires, armés par une société vaudoise, existaient bel et bien. A la fin du XVIIIe siècle, ils transportaient des centaines d’esclaves des côtes africaines vers le Nouveau-Monde. « L’esclavage n’était pas l’affaire des puissances coloniales seulement, explique l’historienne Janick Marina Schaufelbuehl, coauteure d’un livre sur le sujet. Durant deux siècles, des Suisses ont participé au financement de la traite d’esclaves. Ils fournissaient aussi les indiennes, ces toiles de coton imprimées qui servaient de monnaie d’échange pour rachat des esclaves sur la côte africaine. »
Ces Suisses n’étaient pas des aventuriers. Il s’agissait plutôt de familles aisées de négociants. Certains ont installé des filières dans des ports esclavagistes, en particulier à Nantes. « Il s’agissait de gens fortunés, explique l’historienne. Car ces opérations demandaient un investissement important, et le capital était immobilisé durant de longs mois. » Les bateaux armés par nos Suisses partent donc de Nantes vers les côtes africaines. Là, de longues tractations permettent d’échanger les indiennes contre des esclaves. Le bateau négrier met alors le cap vers les Antilles où le Brésil. Les esclaves sont vendus pour travailler dans des cultures de café ou de canne à sucre, parfois dans des domaines aux mains de familles suisses. Le périple de ce commerce triangulaire est boudé lorsque le bateau, chargé de bois précieux et de produits coloniaux, fait voile vers l’Europe.
Petit Etat sans colonie
Mercenaires engagés pour réprimer des révoltes d’esclaves, armateurs de bateaux négriers, propriétaires de plantations engageant des dizaines d’esclaves, des Suisses ont joué un rôle significatif dans ce trafic. « On compte parmi eux une majorité de protestants, note l’historienne lausannoise. Cela s’explique par le fait que des familles huguenotes, qui ont fui la France vers la Suisse après la révocation de l’Edit de Nantes, ont apporté avec elles la technique des indiennes, qui va servir de monnaie d’échange. L’internationale huguenote, c’est tout un réseau de familles protestantes, à Bâle, Genève, Neuchâtel et dans le Pays de Vaud, qui jouent un large rôle dans le commerce international. Ce négoce est surtout basé à l’époque sur les produits coloniaux. Les esclaves sont alors considérés être un produit comme un autre. »
Certes, l’esclavage des Noirs n’a pas été inventé par des Suisses. Portugais et Espagnols n’ont pas attendu les Helvètes pour développer cette activité. « La participation des Suisses, en nombre important, était un fait occulté. La Suisse étant un petit Etat sans colonie, ses esclavagistes passaient parfois pour des Allemands ou des Français. Notre livre remet les points sur les i. La traite transatlantique a touché 11 millions de personnes. Des Suisses auraient financé directement ou été actionnaires des bateaux dans 1,5% des cas. Ce n’est pas négligeable. »
Et les Eglises? « On les entend peu dans un premier temps, relève Janick Schaufelbuehl. Au XVIIIe siècle, l’esclave n’est pas considéré comme un être humain, et peu de questions morales se posent à ce sujet. Le mouvement abolitionniste naît en Angleterre et en France. La Suisse y est peu présente, même si des individus s’expriment en faveur de l’abolition, notamment sous l’influence des Eglises du Réveil. La seule action d’envergure est menée par une association vaudoise qui prône le rachat d’esclaves aux Etats-Unis. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que de véritables mouvements abolitionnistes naissent en Suisse. »
A ce moment-là, l’esclavage est déjà interdit aux Amériques, l’esclavagisme transatlantique n’a plus cours. Les opposants se focalisent contre la traite des esclaves par des Arabes, où l’Europe n’a pas de responsabilité. Ces mouvements coïncident avec le partage colonial de l’Afrique entre les grandes puissances. « Les deux vont de pair, conclut l’historienne. Ce sont parfois les mêmes personnes qui participent à la colonisation et qui luttent contre l’esclavage arabe. Les projets arabes en Afrique pouvaient apparaître comme concurrentiels. »
V.Vt, Bonne Nouvelle, avril 2005.
La Suisse parmi les négriers
La Suisse, en tant qu’Etat, n’a pas été impliquée dans l’esclavagisme. Mais des commerçants et des financiers helvètes ont participé à la Traite des Noirs, contribuant à la déportation de quelque 175’000 Noirs vers les Amériques.
La Suisse interroge son passé. Après l’affaire des fonds en déshérence et le rapport Bergier, on attend un rapport sur les relations économiques entre la Suisse et l’Afrique du Sud au temps de l’apartheid. En 2001, la Suisse a signé la Déclaration de Durban, reconnaissant par là que « l’esclavage et la traite desesclaves constituent un crime contre l’humanité ». Depuis, plusieurs personnalités politiques demandent que des recherches soient faites sur le rôle de la Suisse dans le commerce d’esclaves. Dans ce contexte, trois historiens, Janick Marina Schaufelbuehl, Thomas David et Bouda Etemad, publient une étude qui lève le voile sur la Suisse et la Traite des Noirs. L’innocence helvétique y apparaît toute relative.
Du début du XVI, siècle à la fin du XIXe, quelque 12 millions d’Africains, jeunes hommes pour la plupart, ont été déportés vers les Amériques. Le gros de ce trafic (55%) s’est déroulé pendant le XVIII, siècle, 14% avant et le reste au cours du XIXe, dominé par la traite clandestine et le militantisme abolitionnisme. Son explosion s’explique par l’ouverture de plantations esclavagistes dans les Caraïbes et au Brésil qui reçoivent à elles seules près de 85% de l’ensemble des esclaves déportés outre-Atlantique.
Firmes privées et particuliers
« La Suisse n’a pas été une nation négrière, affirme Bouda Etemad. En 1848, quand se constitue la Confédération helvétique, les colonies américaines ont toutes acquis leur émancipation, d’autre part l’esclavage et la traite sont en voie d’abolition dans tout le bassin atlantique. Si bien qu’en tant qu’Etat, la Suisse n’a pratiquement jamais dû entrer en matière sur de tels dossiers ».
En revanche, des firmes privées et des particuliers suisses ont participé à cet immense marché, aux Etats-Unis, au Brésil et dans les Caraïbes. Alimentés par l’immigration européenne, ces pays se construisaient, les plantations se développaient, on allait chercher la main d’uvre sur la côte ouest africaine. Le réseau était triangulaire. D’Europe en Afrique on transportait des marchandises, textile surtout, mais aussi métaux ou armes à feu. D’Afrique en Amérique, on déportait les Noirs troqués contre ces marchandises. D’Amérique en Europe, on apportait sucre, cacao, café produits dans les colonies, grâce aux esclaves africains.
Traite ou commerce
Les historiens éclairent deux aspects bien distincts de l’esclavage. D’une part, la traite négrière, le commerce de personnes proprement dit. D’autre part, l’utilisation de ces personnes dans les Amériques. Il y a des Suisses des deux côtés. Parmi ceux qui s’impliquent dans la traite, on trouve « des négociants et des fabricants qui, depuis la Suisse, fournissent des marchandises de traite. D’autres s’expatrient pour faire le même travail près des débouchés. Enfin, un troisième groupe est formé de commerçants qui ajoutent la traite négrière à leurs multiples activités ».
La Suisse n’a pas de flotte à cette époque. « Mais il y a de grands armateurs, indique Bouda Etemad. Ils achètent des bateaux. Si ce ne sont pas déjà des navires négriers, on les transforme pour les expéditions. Ils peuvent ensuite être revendus et utilisés pour le commerce ordinaire. Il faut se souvenir que tous ces négociants suisses sont des généralistes, et non des spécialistes de la Traite des Noirs ». Il y a aussi les Suisses migrants, devenus propriétaires et qui ont besoin de main-d’uvre pour leurs plantations de café ou de coton. Certains font partie de l’administration politique des colonies. Par ailleurs des soldats suisses, participent à la répression militaire des révoltes d’esclaves, assurant ainsi la pérennité de l’économie des plantations.
Oppositions tardives
Ces Suisses ont-il tiré grand profit de leur position dans l’esclavagisme? « C’est difficile à dire. Ce commerce nécessite beaucoup de capitaux et il est aléatoire. Quand ces négociants arrivent sur le marché, à partir de 1750, c’est l’apogée de l’esclavage, le prix des esclaves monte et la concurrence est importante. Ils encourent beaucoup de risques. Si l’expédition réussit, le profit est faramineux, si elle échoue, c’est la faillite. Probablement que ces familles investissent dans différents produits de potentialités différentes, les plus sûrs compensant les plus risqués ».
L’opposition à l’esclavagisme arrive tardivement en Suisse. Le décalage s’explique par le fait que le pays ne possède pas de colonies et que ses concitoyens n’y sont pas fortement impliqués. Les abolitionnistes constituent de petits mouvements qui montrent du doigt les armateurs notamment. Ces courants, nourris par des motifs humanitaires, s’étoffent dans la seconde moitié du XIXe siècle et deviennent des sociétés anti-esclavagistes, actives dans le rachat d’esclaves et l’organisation d’un asile pour les personnes libérées.
Comment assumer le passé?
« Nous avons essayé de restituer la vérité historique, d’y voir clair, de jeter, s’il y en a, les petites pierres dans la mare. Mais en aucun cas des pavés qui n’existent pas, explique Bouda Etemad. Cela sans juger, sans donner une valeur morale ». Les historiens ont rencontré deux attitudes tranchées. La première est celle de ceux qui affirment avoir les mains propres et la conscience tranquille. Pour eux, dire que quelque chose s’est passé est une conjuration. La deuxième est celle des personnes qui soupçonnent que tout n’est pas blanc et pour qui, du coup, tout est noir. Ces deux groupes s’affrontent avec la même ferveur, sans base historique.
« J’ai été frappé par Le contexte dans lequel nous avons mené cette étude, puis révélé Les résultats. Tout de suite, ces deux attitudes se sont opposées. Sur ce sujet, Le terrain est tellement miné que même avec les meilleures intentions, on arrive à faire du spectaculaire ». Pour ses collègues et lui, il s’agissait d’ouvrir un chantier avec ce premier livre. Il faut maintenant continuer à chercher. « La Suisse officielle n’a pas prit part à la traite esclavagiste. Mais le paradoxe veut qu’aujourd’hui, elle doive prendre position ».
En 2003, le Conseil fédéral s’est prononcé sur ce sujet, regrettant que différents citoyens suisses aient été impliqués directement ou indirectement dans le commerce d’esclaves avec les Amériques. Il a affirmé vouloir soutenir l’effort de recherche. En revanche, il a répondu fermement aux demandes de réparation venues des parties concernées: « Les générations actuelles ne sauraient être tenues pour responsables des erreurs commises par leurs aïeux ».
Geneviève Praplan, Echo magazine, mai 2005
L’ouvrage La Suisse et l’esclavage des Noirs, dirigé par Thomas David, apporte un éclairage important dans un domaine longtemps occulté par les études historiques helvétiques. À l’aide de documents inédits, les trois auteurs de ce livre examinent, tout d’abord, l’engagement des Suisses dans le trafic triangulaire, qui consiste avant tout à armer et approvisionner des navires négriers. Leur participation est aussi active que tardive-elle débute un siècle et demi après la première expédition vers les Amériques-et brève-elle dure un demi-siècle: le bilan serait de 172 000 Noirs déportés, soit 1,5% des 11 à 12 millions de captifs arrachés à l’Afrique dans le cadre de la traite atlantique. D’autres Suisses sont engagés aux Amériques, où ils s’occupent soit de la culture de produits coloniaux et de l’importation de produits européens manufacturés, soit de la répression militaire des révoltes d’esclaves, afin d’assurer la survie de cette branche économique. Les familles liées à ce trafic appartiennent tant aux cantons romands que suisses alémaniques; il s’agit, notamment, de familles genevoises, vaudoises, bâloises ou appenzelloises, soit des De Meuron, De Pury, Hoffmann, Faesch, Thurneysen, Flach ou Tobler. Toutefois, pour s’opposer à un tel commerce, l’antiesclavagisme se développe progressivement. Tout d’abord, entre 1770 et 1840: ce sont plutôt des personnalités qui, à titre personnel, dénoncent l’esclavage-par exemple des personnes appartenant au Groupe de Coppet (cercle d’écrivains réunissant Benjamin Constant, Auguste de Staël, Victor de Broglie et Jean-Charles Léonard de Sismondi) ou à la Société des Amis des Noirs, qui comprend quelques Suisses. L’engagement suisse s’intensifie et s’organise avec la deuxième vague du mouvement abolitionniste (1850-1905). Une première société antiesclavagiste est en effet créée en Suisse en automne 1858, dont le but sera de venir en aide aux esclaves libérés et de récolter des fonds soit pour leur retour en Afrique, soit pour le rachat d’autres esclaves. Lorsque cette Société antiesclavagiste met fin à ces activités, les résistants à toute forme d’esclavage s’engagent dans un cadre international, dans un mouvement en lien avec leurs convictions religieuses (comme celui du Réveil) et s’intéressent à la traite exercée par des esclavagistes arabes en terre africaine. Globalement, cette remarquable étude rappelle-si besoin était-qu’une part non négligeable du développement économique helvétique fut lié à la traite des Noirs. Aujourd’hui encore, d’aucuns en Suisse préféreraient que tout cela ne soit pas évoqué-comme en atteste l’un des documents annexés-mais, heureusement, les historiens ont ici joué leur rôle.
Bulletin critique du livre en français, No 671, juin 2005
Menschenrechte
Schoggi, Nüsse, Mandelstrn essen alle Kinder gern. Wie viele Glasperlen die Afrikaner an den Rohstoffen verdienen und wie viele Dollar die Industrienationen an den Fertigprodukten, das ist zwar eindeutig eine Frage, nur stellt sie niemand mehr. Seitdem uns die Farbigen, die wir bis dato herzlich bemitleiden konnten, die Arbeitsplätze klauen, sind wir froh um jede unhinterfragte Billig-Banane.
Die Zustände sind zweifellos etwas unübersichtlich geworden. Als die Globallisierung noch Kolonialismus war das Leben einfacher, am Allerallereinfachsten war es für die Sklaven. Sie hatten zu arbeiten und waren erst noch unkündbar. Das wusste der Basler Kaufmann Johann Jakob Hoffmann zu schätzen im 18. Jahrhundert. Er kaufte englischen Händlern Afrikanerinnen und Afrikaner ab, liess sie nach Venezuela bringen und tauschte sie gegen Kakao. Um Steuern beim Sklavenhandel zu sparen, liess er die Schwarzen als Seeleute verkleiden. In welchem Kostüm die Frauen auftraten, ist nicht überliefert, wohl aber Hoffmanns Brief an einen Handelspartner: « Bitte kaufen Sie auf meine Rechnung etwa 30-35 Köpfe SkIaven im Alter von 15-16 Jahren. Bezahlen Sie aber nicht mehr als 70-75 Peseten pro Stück. »
Historiker der Uni Lausanne haben jetzt über die « Schwarzen Geschäfte » der Schweiz im Sklavenhandel ein Buch geschrieben, und die Basler, wie fies, kommen darin häufig vor. Das 2005 veräffentlichte « Jahrbuch Menschenrechte » (Achtung, Literaturtipp!) hat andere Sorgen, etwa die Sicherheitspolitik der USA. Schweizer Sklaven tauchen hier gar nicht mehr auf Ob das der Wirklichkeit entspricht, muss jeder für uns an sich selbst überprüfen.
Christine Richard, Basler Zeitung, 30 Décembre 2005
Pendant trois siècles, quelque 12 millions d’Africains ont subi les horreurs de la traite négrière atlantique et 17 autres millions ont été victimes de la traite arabe vers l’est, avec des complicités locales. Mais qu’ont fait les Suisses? Ni mieux ni pire. Encore un mythe lézardé au pays de quelques certitudes immaculées, par la « faute » d’universitaires romands un peu iconoclastes. Ainsi, des familles genevoises, vaudoises et neuchâteloises et des missionnaires de Bâle ont « trempé dans la traite des esclaves noirs, comme dans de nombreux pays d’Europe. Cela se savait mais on en parlait peu. En septembre 2001, la Conférence contre le racisme tenue à Durban, en Afrique du Sud, reconnaissait que l’esclavage et la traite des esclaves constituent un crime contre l’humanité ». Fort bien. Le représentant helvétique, J.-D. Vigny, soulignait que la Suisse n’avait « rien à voir avec la traite négrière ou la colonisation ».
Basées sur des sources originales, de nouvelles études battent en brèche les affirmations officielles fédérales et cantonales. Les preuves: des listes, des contrats de marchands, les comptabilités des maisons de commerce qui ont participé depuis la France ou la Suisse au trafic de 175000 Noirs entre les XVIIIe et XIXe siècles, surtout vers les Amériques. Les navires des Van Berchem portaient les doux noms de « Pays de Vaud », « Ville de Lausanne » ou « Helvétie ».
Plus tard et contrairement à leurs prédécesseurs, des Confédérés se sont illustrés en luttant contre ces pratiques. S’engageant dans des mouvements abolitionnistes et antiesclavagistes, comme le Genevois Sismondi avec le Groupe de Coppet, ils se sont opposés, avec Mme de Staël, au Napoléon empereur qui bafouait les libertés individuelles et avait rétabli l’esclavage. D’autres groupes agirent contre la traite, dont les mouvements du Réveil protestant et le philanthrope conservateur genevois Gustave Moynier (1826-1910) qui, avec Henri Dunant, fonda la Croix-Rouge. Un ouvrage objectif et indispensable, qui fraie le chemin à d’autres travaux.
Raymond Zoller, Choisir no 553-janvier 2006
Dieses Buch untersucht die Beteiligung von schweizer Händlern, Handelshäusern und Finanzkreisen während des 17. bis 19 Jahrhundert im Business der Sklaverei. Der Profit, den viele Handelsherren mit der Ware Mensch und der Kolonisation machten, wurde unter den Teppich gekehrt. Heute stehen die Diskussionen um Entschädigungen an. Da ist es wichtig zu wissen, welche Beziehungen zwischen der Schweiz und den Sklavenplantagen in Amerika herrschten. Da sich Bewegungen und Vereine in der Schweiz für das Verbot der Sklaverei einsetzten, musste es allgemein bekannt gewesen sein, dass sich einige mit dem Elend anderer eine goldene Nase verdienten. Bisher sind es zwei Bücher (TAXI 31: H. Fässler-Reise in schwarzweiss, Rotpunktveriag) die sich mit dern Thema Sklaverei und die Schweiz befassen und bereits jetzt wird klar, dass die offizielle Schweiz, wie auch private Geschäftsleute fleissig mitverdienten.
TAXI, Magazin für Soziales und Kultur, no 34 Janvier 2006
Die Schweiz und die Sklaverei
Die Verwicklung von Schweizern in den Sklavenhandel gehört zu den weniger bekannten Kapiteln unserer Geschichte. Manches weiss man zwar seit langerem, anderes gilt es vertieft zu untersuchen. Dabei kann aus Basler Sicht etwa auf die unlängst im Christoph Merian Verlag erschienene Untersuchung « Baumwolle, Sklaven und Kredite » von Niklaus Stettler, Peter Haenger und Robert Labhardt hingewiesen werden, in der die Welthandelsfirma Christoph Burckhardt unter die Lupe genommen wird. Die hier vorzustellende publikation « Schwarze Geschafte » der Historiker Thomas David, Bouda Etemad, Janick Marina Schaufelbuehl bezieht zusätzliche Aspekte in die Untersuchung der Sklavereiproblematik ein.
Das Buch ist in drei Abschnitte gegliedert. In einem ersten Schritt wird die Beteiligung von Schweizer Händlern, Handelshäusern und Finanzkreisen untersucht. Danach befassen sich die Autoren mit den Beziehungen der Schweiz und dem System der Sklavenplantagen in Amerika. Und schliesslich werden die Bewegungen und Vereine untersucht, die sich in der Schweiz für ein Verbot der Sklaverei eingesetzt haben.
Die Schweiz war keine Sklavenhändlernation wie etwa Frankreich, Portugal oder Grossbritannien. Im 18. und 19. Jahrhundert belieferten aber Handelshäuser, namentlich aus Basel und Neuenburg, Sklavenschiffe, die von den Häfen der Atlantikküste ausliefen, mit gewerblichen Erzeugnissen. Zum Teil begnügten sie sich nicht damit, in die Tauschfracht zu investieren, sondern beteiligten sich auch finanziell an Sklavenexpeditionen entlang der afrikanischen Küste. Zeitweise rüsteten sie auch selbst Sklavenschiffe aus.
Schweizer wirkten auch als Verwalter von Plantagen, die auf der Ausbeutung von Sklavenarbeit beruhten, oder besassen selbst Sklaven in Übersee. Schweizer finden wir aber auch auf Seiten der Gegner der Sklaverei. Hier sind vor allem liberal-konservative protestantische Kreise zu nennen. Sie wandten sich aus philanthropischen, aber-wie die Autoren deutlich machen-auch aus innenpolitischen Gründen gegen die Sklaverei. Dies wird etwa ersichtlich am Bild, das sich diese Kreise von der Arbeitshaltung und der Sexualität der Schwarzen machen, sowie an den Mitteln, mit welchen sie die Schwarzen « zivilisieren » möchten: « Sittsamkeit », christlicher Glaube und ein arbeitsames Leben. Nach demselben Rezept sollte auch die damals « freisinnige » Schweiz erneuert werden.
Martin Stohler, Sektor Erziehung 2/2006.
Switzerland is a landlocked country without a colonial past. So the heated debates on slavery that broke out in the national and cantonal parliaments in 2003 at first seemed out of place. Two years earlier, Swiss representatives at the World Conference on Racism in Durban had condemned the slave trade as a crime against humanity. But they had stopped short of writing this dedaration into the laws of the land and had stated that the reparations issue was not their concern as Switzerland had never been involved in the slave trade. Left unsaid was the Swiss belief in the country’s dean history and the way this helps hold together the constellation of cantons that make up the Confederation. According to this view, the Swiss population is bound by an experience and history of neutrality and compassion that provides it with a unique role in the world.
The Swiss image of self has taken an expensive knock from recent revelations about the country’s collaboration with Nazi Germany and the confiscation of Jewish investments by its banks du ring the war. So when historians challenged the view of their country’s representatives at the Durban conference, Switzerland’s complicity in the slave trade became a moral issue with potential economic consequences. For if the country was guilty of this crime against humanity, it seemed fully possible that it would face further daims for reparations from more injured parties. But who was the guilty party 200 years after the event? The state, the cantons, the patrician families who had built part of their wealth on this trade and who remain at the centre of much of political life in the cantons?
This book reads like a detective novel as its authors peer beneath the calm exterior of this quiet country. Their indefatigable investigations take us from the drawing rooms of the great families that provided a refuge for persecuted Protestants to the stinking slave ships on which a good part of their wealth was built. This is not a particularly original theme for English, French or American historians who are weIl aware that the architectural magnificence of many of their coastal ports, or the wealth of their libraries and universities, may be traced to the profits drawn from the slave trade. But in Switzerland it is a new and challenging view that at once underlines the global influences on the country’s history and challenges established self-perceptions. The book also provides a wonderful example of the historians’ craft at work.
The book starts with a long and important introduction by Bouda Etemad. Two equally long chapters by Thomas David and Janick Marina Schaufelbuehl follow, on Switzerland and the trade in slaves with the Americas and on the anti-slavery movement in the country. The authors uncover a spectrum of ways in which the Swiss contributed to the development of the slave trade. The high returns of the commerce in human beings attracted Swiss individuals and banks to invest in this commerce. Expeditions from French ports to the coast of Africa and the Americas were extremely expensive due to the cost of the cargoes and the dangers faced by crews and ships. This meant that Swiss suppliers had to group together to share the costs of the voyage. It also meant that insu rance was an integral part of the trade and that the Swiss invested heavily in this field. But their major contribution to the slave trade came through the production and ex change of printed doths called indiennes that were brought to Switzerland by Huguenot refugees in the late seventeenth and early eighteenth centuries. These doths were initially exchanged for colonial products such as indigo, rice, sugar and coffee. But their Protestant manufacturers and traders soon found a more profitable outlet for their goods when indiennes became a prized element in the cargoes exchanged in Africa for slaves. Over time Swiss companies established branches in the ports of France and eventually bought their own ships that, bearing names such as « La ville de Basle », or « L’Helvetie », bought slaves in Africa and transported them across the Atlantic. A firm such as Christoph Burckhardt & Cie, that produced indiennes in its factories in Basel and in Nantes, was involved in 21 slaving expeditions. The Neuchâtelois patrician David de Pury held shares in a company that shipped more than 42,000 slaves from Angola. From his offices in Lisbon, de Pury organized an international commerce in which slavery formed only a part. When he returned home, he gave to Neuchâtel its city hall and hospital and, on his death, his statue was erected in the place Pury. The authors estimate that twenty Swiss firms organized about 100 slaving expeditions between roughly 1760 and 1815 and that they contributed directly or indirectly to the transportation of sorne 175,000 slaves to the Americas.
They also show that citizens of Switzerland, the home of democracy and freedom, owned and exploited plantations worked by slaves in severa] parts of the Americas, most notably in Brazil where slavery was only abolished in the 1880s. Swiss soldiers also served in military campaigns in slave colonies in 1773 (Surinam) and 1802 (Haiti). They show that the Swiss effectively dodged a confrontation between notions of slavery and freedom in their own country. This happened in the late 1820’s-30’s when the town of Yverdon had to decide on the rights of the illegitimate son of a slave brought into the canton of Vaud by her owner, an officer in the Dutch East lndia Company. Procrastination solved the problem as the man died before any decision could be taken. Thirty years later the Federal parliament criticized the involvement of its citizens in slave plantations in Brazil but took no action against them. Whether Switzerland took action against slavery through the imposition of high tariffs on goods produced by slaves is not examined in the book; nor do we hear of the extent to which the country later outlawed the participation of its citizens in the trade (an offence that the British punished by hanging or transportation).
The book provides a dear guide to the extensive research on which it is based. Cantonal and federal archives provided scant information but family archives were vital-especially those of the branch of Burckhardts in Nantes (Bourcard Fils et Cie). These papers were discovered in the walls of the firm’s building in Basel when it was renovated in 1935 and are today in the city archives. Other families have been more circumspect about giving access to papers that might link them to the slave trade. This book makes an original and important contribution to the literature on the trans-Atlantic slave trade. Just as importantly, it underlines the importance of transnational history to a country su ch as Switzerland.
Patrick Harries, University of Basel, Journal of African history, volume 47 – 2006. Cambridge University Press
1. See Niklaus Stettler, Peter Haenger and Robert Labhardt, Baumwolle, Sklaven und Kredite. Die Basler TVelthandelsfirma Christoph Burckhardt & Cie in revolutioniirer Zeit (I789-I8I5) (Base], 2004).
2. Hans Fassler provides a guide to nineteen sites in Switzerland that were built on the profits of the slave trade in his Schweizer Ortstermine in Sachen Sklaverei (Zurich, 2005).
Longtemps on a pensé que la Suisse n’avait « rien à voir avec l’esclavagisme, la traite négrière ou la colonisation ». C’était d’ailleurs la position officielle que le Conseil fédéral a prise à l’occasion de la troisième Conférence mondiale contre le racisme qui s’est tenue à Durban en septembre 2001. Cette affirmation a depuis été corrigée par la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey (lire en pages 14 à 19) à la suite de nombreuses recherches. Les résultats de certaines d’entre elles ont été publiées dans un livre paru en 2005, La Suisse et l’esclavage des Noirs. Bouda Etemad, professeur au Département d’histoire économique (Faculté des sciences économiques et sociales) et ses collègues y rapportent que des ressortissants helvétiques ont participé à la traite négrière à presque toutes les étapes du processus. Le nom de certains navires actifs dans le commerce triangulaire est à cet égard explicite: La Ville de Lausanne, Le Pays de Vaud, l’Helvétie, la Ville de Basle, Les 13 cantons …
Des Suisses ont d’abord été impliqués comme armateurs ou comme intéressés, c’est-à-dire qu’ils ont avancé une partie (plus ou moins grande) du capital nécessaire à l’organisation d’une expédition négrière (exclusivement depuis la France). De 1773 à 1830, on peut ainsi estimer que des Suisses ont participé directement à près d’une centaine d’expéditions, entraînant la déportation de 18 000 à 25 000 Africains vers les Amériques, c’est-à-dire entre 1 et 2% des Noirs déportés par la France. Si l’on ajoute à cela les expéditions lancées par des compagnies européennes dont des actions sont détenues par des Suisses, ces derniers se rendent alors responsables, directement ou indirectement, d’avoir participé à la traite de 172 000 Africains, soit le 1,5% des 11 à 12 millions de captifs arrachés à l’Afrique dans le cadre du commerce honteux.
Plusieurs entreprises helvétiques ont également fourni une importante partie de la principale monnaie d’échange utilisée en Afrique pour acheter les esclaves: les indiennes, c’est-à-dire les étoffes de coton imprimées. « Point de bonne traite sans indiennes », est une vérité qui s’énonce à Nantes, premier port négrier de France. Et parmi les grands fabricants de ces toiles, on trouve des familles comme Favre, Petitpierre, Bourcard (francisation de Burckhardt) ou Pelloutier, autant de sociétés suisses qui s’installent à Nantes dès 1760. Elles contribuent à faire de la ville de l’embouchure de la Loire le troisième centre d’indienneries de France.
Selon les auteurs de l’ouvrage, la participation active des Suisses à la traite atlantique peut toutefois être qualifiée de tardive et brève: Elle commence deux siècles et demi après la première expédition vers les Amériques et elle ne dure qu’un demi-siècle.
Campus, n°91, juin-août 200