Le choix de la violence en politique
Témoignages
Villiger, Carole,
2019, 153 pages, 23 CHF, 18 €, ISBN:978-2-88901-157-5
En Suisse, la démocratie directe, l’aisance économique, la sécurité, la neutralité sont supposées écarter l’utilisation de la violence. Pourtant, entre 1950 et 2000, le pays a fait face à de nombreux éclats de violence…
Ce livre donne la parole à celles et ceux qui ont choisi la violence pour se faire entendre.
Description
La Suisse a été régulièrement confrontée à des mobilisations violentes organisées par des mouvements de différentes tendances politiques. La seconde moitié du XXe siècle a été marquée par celles des séparatistes et des antiséparatistes jurassiens, de l’extrême gauche et de l’extrême droite. Durant la même période, le pays a également connu les activités violentes de mouvements provenant d’Allemagne, d’Italie et du Moyen Orient.
On ne sait pas grand-chose de celles et de ceux qui ont pris pour cible les représentations bernoises, les symboles du capitalisme et de l’impérialisme, les immigrés ainsi que les centres de réfugiés.
Pour la première fois, les actrices et les acteurs de ces mobilisations parlent de leurs vécus, de leurs représentations du monde, de leurs utopies et de leurs luttes. Avec ces entretiens, on découvre leur vie concrète, le sens de leur engagement, la diversité de leurs parcours, ce qui les a poussés à agir, parfois au mépris de leur vie et de celle des autres. Ce livre permet de les découvrir au-delà des représentations diabolisées (« le terroriste ») ou héroïsées (« le révolutionnaire ») que la mémoire collective a retenu d’elles et d’eux. Cet ouvrage éclaire l’histoire de la violence politique en Suisse, qui se situe à la croisée de parcours individuels et d’un contexte social et politique plus global.
Soirée Archivolt&Balthazar !
11 octobre · 20h · Soirée du Cran Littéraire au cinéma Bellevaux à Lausanne
Lecture de Mathias Urban et projections autour du livre Le choix de la violence en politique de Carole Villiger
(entrée 5chf – prix de soutien 15chf)
Table des matières
Introduction
• La perception de la violence politique : continuités et ruptures
• La réalisation des interviews
Les séparatistes jurassiens
• Pierre-Alain Baehler, « Des actions musclées pour obliger le pouvoir à se bouger, pour montrer que le problème jurassien existait. »
• S., « Nous avions épuisé le catalogue des moyens raisonnables et nous devions passer à autre chose. »
Les militants d’extrême gauche
• A., « Les Brigades Rouges étaient la seule organisation capable de construire le “parti” dont on croyait avoir besoin pour diriger la révolution. »
• Giorgio Bellini, « Il fallait d’autres moyens pour faire bouger les choses que les actions légales. »
• Marina Berta, « C’était la lutte des ouvriers et des étudiants qui m’intéressait. La lutte pour les minorités exploitées. Pas les attentats. »
• Claudia Bislin, « Il faut dire ce qui est : la RAF nous fascinait. Mais ce n’était pas notre tasse de thé. »
• Gianluigi Galli, « Nous ne réfléchissions pas en termes de violence mais de révolution. La révolution comme un moyen de libération. »
• B., « Je me suis toujours senti mal à l’aise avec l’idéalisation de la violence révolutionnaire. »
• Bernard Rambert, « La gauche est une minorité politique en Suisse et nous passons notre temps à nous excuser et à nous justifier constamment. »
• Daniel de Roulet, « La Suisse, c’est le pays des réunions et des congrès, pas des révolutions ! »
• Klaus Rozsa, « La Suisse n’est pas un État de droit. C’est un État policier et nous ne devons jamais accepter cela. »
Les militants d’extrême droite
• Gaston Armand Amaudruz, « L’histoire nous montre que, parfois, la violence a fondé de grandes dynasties. »
• Pascal Junod, « En Suisse, les skinheads ne font pas beaucoup de dégâts, ce ne sont pas des casseurs. »
Le Procureur du Tessin
• Dick Marty, « En Suisse, nous avons les instruments politiques adéquats pour revendiquer un changement. »
Le sympathisant de l’État Islamique
• R., « Je voulais combattre Bachar et aider la population qui souffrait. J’ai accepté les armes pour me défendre et je n’ai jamais voulu tuer. »
Conclusion
Bibliographie
Presse
Parole donnée à l’historienne Carole Villiger dans le 19h30, apparition dans le reportage « Le collectif « Grève pour le climat » s’engage dans la course à l’élection complémentaire pour le Conseil d’Etat vaudois » (RTS La Première, 14 novembre 2019) >> regarder l’émission
Une Suisse explosive
Carole Villiger déconstruit l’idée reçue de la Suisse comme un îlot en Europe, épargné des flambées de violence qui ont marqué l’histoire de ses voisins
Essai ► Une image tenace montre la Suisse comme un îlot en Europe, épargné des flambées convulsives ayant marqué l’histoire de ses voisins. L’un des mérites de Carole Villiger consiste à déconstruire cette idée reçue. Dans Le Choix de la violence en politique, du conflit jurassien aux mouvements d’extrême gauche ou d’extrême droite, en passant par l’interview d’un ancien sympathisant de l’Etat islamique, l’historienne donne la parole à ceux qui ont été impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans des situations de violence. Certes, son corpus est un peu patchwork. Et une inévitable polyphonie demeure – bien compréhensible au regard de la diversité des situations historiques.
Toutefois, les outils de la démocratie directe ont semblé insuffisants à la plupart des protagonistes. Les séparatistes jurassiens mettent en évidence le rôle des liens d’amitié, qui ont favorisé les passages à l’acte. Les militants d’extrême gauche font souvent référence au contexte caractérisé par les mobilisations issues des années 1960. Un certain nombre évoque les limites qu’ils se fixaient, faisant la distinction entre les dégâts matériels et les atteintes aux personnes.
Carole Villiger a aussi mené des entre-tiens auprès de deux personnalités issues de l’extrême droite, qui ont eu des liens avec plusieurs skinheads. On assiste alors à un déni de la violence raciste. Enfin, le combattant parti faire la guerre en Syrie affirme s’être fourvoyé.
Du côté des autorités, comme bien souvent, un certain mutisme domine. Seul Dick Marty s’exprime. En tant qu’ancien procureur du Tessin, il soupçonnait la police fédérale de se préoccuper davantage des mouvements de gauche que de droite. Cette impression laisse à penser, à travers d’autres analyses, que ce n’est pas la gravité des faits qui mobilisait avant tout les forces de l’ordre, mais la volonté de contrer les mouvements souhaitant saper l’ordre établi. Les témoignages attestent ainsi des limites de la démocratie représentative face aux revendications extraparlementaires, loin de la fable d’une Suisse indéfiniment paisible et consensuelle.
Fabrice Bertrand, Le Courrier, vendredi 4 octobre 2019