Celeste, l’enfant du placard
La migration italienne en Suisse
Bortune, Pierdomenico, Bozzoli, Cecilia,
ISBN: 978-2-88901-221-3, 2022, 56 pages, 23€
Cette bande dessinée évoque la rencontre de Léane, adolescente d’origine italienne, et de sa voisine, Celeste. Fille de saisonnier italien et enfant cachée dans les années 60/70, Celeste a vécu les conséquences du statut de son père qui interdisait le regroupement familial. À travers les yeux de Léane, c’est l’histoire passée de l’immigration italienne en Suisse qui est évoquée.
Article de Samuel Jordan, paru dans La liberté, 26 septembre 2022.
Description
Combien d’expériences, vécus, privations, rêves et espérances se cachent derrière le mot immigration ?
C’est grâce à un devoir de vacances pour les cours de langue et culture italienne qu’elle fréquente, que Léane, adolescente d’origine italienne mais née et ayant grandi à Neuchâtel, rencontre sa voisine Celeste. En passant la frontière à dix ans avec son père saisonnier, cachée dans le coffre d’une voiture, Celeste fut l’une des nombreux·ses “enfants caché·e·s” de la Suisse des années soixante.
Ses passionnants souvenirs aideront la jeune Léane à affronter des moments tout aussi difficiles et à réfléchir pour la première fois sur le sens et la richesse de sa propre histoire.
Une rencontre inattendue scellera cette nouvelle amitié et Léane, qui rêve de devenir journaliste, peut être fière de sa première enquête !
Histoire de fiction inspirée d’expériences vécues, Celeste, l’enfant du placard donne un regard sur le passé de la Suisse et des immigrés italiens au cours des années 60/70, particulièrement durant la période des initiatives Schwarzenbach, politicien suisse à l’origine de l’initiative contre la surpopulation étrangère à la fin des années 1960.
La bande dessinée se termine par un volet historique pour mieux comprendre le contexte social et politique de cette époque.
Textes de Pierdomenico Bortune
Dessins signés Cecilia Bozzoli
Traduction en français de Celeste, bambina nascosta (2021).
Presse
Compte-rendu dans le numéro 39 des CAHIERS AÉHMO
En Suisse, les questions sociales peinent à trouver la place qui leur revient dans les livres d’histoire destinés à un public non spécialisé. Et quand elles sont trop brièvement évoquées, c’est généralement au service d’un récit dominant et convenu qui met en évidence la concordance et la prospérité sans jamais les interroger, ni pointer les dynamiques inégalitaires qui les caractérisent. Ces silences portent aussi bien sur des questions ou des faits sociaux qui ont été déjà largement étudiés par des travaux de recherche critiques que sur d’autres dont l’étude est plus récente, comme par exemple la question sensible des placements d’enfants ou l’histoire de l’immigration, du travail saisonnier et des enfants cachés.
Heureusement pour cette histoire sociale, ses modes d’expression trouvent aujourd’hui de nouveaux supports qui ouvrent de belles perspectives, au premier rang desquelles la bande dessinée et les récits graphiques. Trois ouvrages récents parus en Suisse romande, aux éditions Antipodes, en constituent de réjouissants exemples dont la lecture est très agréable.
Les deux premiers se présentent chacun sous la forme d’un récit familial par épisodes, couvrant pour l’un et l’autre des événements de l’histoire suisse à l’échelle d’un siècle. Ces récits d’Éric Burnand, avec le beau travail d’illustration de Fanny Vaucher, ont une grande pertinence par ce qu’ils mettent en évidence. Ils déroulent des faits sociaux qui ne sont pas au cœur des priorités narratives et des clichés habituels de l’histoire suisse traditionnelle. Ils peuvent se lire soit comme un tout, soit chapitre par chapitre. Plutôt qu’une bande dessinée proprement dite, ils correspondent davantage à un récit, ou un roman, graphique, notamment parce qu’ils sont accompagnés de portraits et de tableaux synthétiques de certaines situations du passé en Suisse.
La construction du fil global de ces récits séculaires, qui passe par l’histoire d’une famille suisse, présente une certaine complexité, mais permet de faire évoluer des personnages à travers le temps et le changement des époques. Ainsi, ces deux livres donnent l’occasion d’accéder à des faits d’histoire et à des différences du passé qui enrichissent notre appréhension du présent.
Le siècle d’Emma, publié en premier lieu, c’est le XXe siécle. Le siècle de Jeanne, le XIXe siècle. Le lecteur y découvre pêle-mêle la révolte des Bourla-Papey contre les papiers des droits féodaux, l’année sans été de 1816, des Suisses pauvres qui émigrent au Brésil, les horlogers frondeurs de la « Fabrique » genevoise, la guerre civile et la naissance de l’État fédéral, la pauvreté et la souffrance dans les filatures industrielles et les premières réponses à la question sociale. Les quelques portraits proposés sont emblématiques de cette histoire sociale et de ses figures pionnières, à l’instar d’une Émilie Kempin-Spiry, « première docteure en droit, exclue du prétoire ».
Pour le siècle suivant, il est question de la grève générale, mais aussi de l’itinéraire d’un Henri Guisan, briseur de grève avant de devenir le général de la Seconde Guerre mondiale, d’un nazi suisse très engagé, d’un soldat exécuté pour trahison, de la lutte pour les droits politiques des femmes, des mouvements de contestation des années 68, de la figure complexe d’un Willi Ritschard, ministre socialiste pris dans de multiples contradictions, mais aussi de féminisme, d’écologie et de modes de vie alternatifs. Et cette liste n’est pas exhaustive.
Dans ces récits, des personnages de fiction côtoient des personnages réels, mais les premiers sont toujours vraisemblables, contribuant ainsi à une vision d’ensemble d’un passé helvétique pas plus lisse que celui d’autres pays, et pas moins marqué non plus par des inégalités, des souffrances sociales et des luttes pour y remédier.
L’un des personnages du Siècle d’Emma est l’enfant d’une travailleuse saisonnière en Suisse. Il a connu la vie clandestine et le statut d’enfant caché. Cette thématique longtemps occultée est également celle de l’ouvrage Celeste, l’enfant du placard, un autre récit graphique désormais disponible dans sa version française.
Dans ce troisième ouvrage, auquel sont jointes quelques pages d’explication sur l’immigration italienne et le statut de saisonnier en Suisse, Le personnage principal est à la fois une enfant cachée et une témoin d’aujourd’hui. Son histoire est emblématique de cette seconde moitié du XXe siècle marquée en Suisse par le développement d’une prospérité dont une face cachée est restée largement occultée; et dont celle et ceux qui l’ont rendue possible par leur travail et leurs sacrifices, malgré de déplorables conditions d’accueil et d’existence, méritent reconnaissance et visibilité.
Ces trois livres à mettre entre toutes les mains sont sans doute autant de supports intéressants pour aiguiser la curiosité de lecteurs et de lectrices appelées à étudier l’histoire sociale, en particulier de la Suisse. Mais ils se lisent aussi et surtout pour eux-mêmes, pour le plaisir de la découverte, au service d’un regard bienveillant sur des réalités, et des protagonistes, du passé trop souvent négligés. À ce titre, ils ont assurément leur place dans toutes les bibliothèques.
Charles Heimberg, Cahier n°39 – Jeunesses en mouvements, AÉHMO, juin 2023
«SOIS SAGE, SINON SCHWARZENBACH VIENDRA TE CHERCHER!»
En Suisse, durant les Trente Glorieuses, quelque 50 000 filles et fils de saisonniers ont vécu des mois, voire des années, dans la clandestinité et la peur d’être expulsés. Une bande dessinée revient sur ce sombre épisode de notre histoire.
Son titre: «Celeste, l’enfant du placard»
Il est des pans honteux de notre histoire que l’on souhaiterait ignorer. C’est le cas des enfants du placard, ces filles et ces fils de saisonniers qui ont dû vivre dans la peur et la clandestinité pendant des mois, voire des années, à cause d’une loi scélérate qui interdisait tout regroupement familial aux travailleurs immigrés bénéficiant d’un permis A.
Trop longtemps relégué aux oubliettes, cet épisode peu reluisant sort à présent de l’ombre. Parce que les principaux intéressés, devenus adultes, exigent désormais reconnaissance et réparation, et que des chercheurs et des journalistes commencent sérieusement à s’y intéresser. Il y a même une BD qui traite de ce sujet. Publiée cet été, elle s’intitule Celeste, l’enfant du placard.
«C’est le fruit d’une commande du Com.it.es (le Comité des Italiens à l’étranger, ndlr) de Berne, Neuchâtel et Fribourg qui voulait faire une bande dessinée sur l’immigration italienne à l’occasion des 50 ans de l’initiative Schwarzenbach», précise la dessinatrice et illustratrice Cecilia Bozzoli. Mais le Covid est passé par là et le projet a été différé de deux années.
ENFANCES VOLÉES
Le temps pour le scénariste Pierdomenico Bortune, professeur de langue et culture italiennes à Neuchâtel, de ficeler un scénario qui tienne la route. «C’est une fiction, mais tous les éléments qui s’y trouvent sont basés sur des faits réels, nous n’avons rien inventé!» Le style réaliste de Cecilia Bozzoli apporte une touche supplémentaire d’authenticité à ce récit. Et le choix du noir-blanc et du sépia ajoute un effet dramatique à l’ensemble. Une réussite!
L’histoire? Celle de Celeste qui raconte à sa jeune voisine Léane, une adolescente d’aujourd’hui, les affres de sa vie d’enfant du placard durant les années 1970: son passage de la frontière planquée dans le coffre d’une voiture, son impossibilité de sortir ou d’aller à l’école, ses interminables journées passées dans la solitude d’une pauvre mansarde, son désir de liberté et d’évasion…
50 000 ENFANTS DU PLACARD
«Les parents disaient à leurs enfants: Ne fais pas de bruit, sois sage, sinon Schwarzenbach viendra te chercher! C’était affreux, horrible!» Ce qui a encore frappé notre interlocutrice, c’est l’ampleur du phénomène: «Je connaissais l’existence des enfants du placard, mais je suis tombée des nues en apprenant que cela concernait des dizaines de milliers de gosses.» Rien que durant les Trente Glorieuses, d’après une récente étude de l’Université de Genève, ce sont quelque 50 000 bambini (il s’agissait avant tout de jeunes Italiens) qui ont subi pareil calvaire!
Et la plupart de ces mômes sont sortis traumatisés de cette expérience, honteux également d’avoir dû vivre cachés comme des pestiférés de crainte d’être expulsés. «Des gens se sont ouverts à nous durant les séances de dédicaces, ils ont enfin osé partager leur vécu, c’était très émouvant.» Le travail de mémoire de Cecilia Bozzoli et Pierdomenico Bortune réveille les souvenirs et délie les langues. «Nous espérons qu’il contribuera aussi à ce qu’une telle histoire ne se reproduise plus.»
STATUT DE LA HONTE
Durant les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, des centaines de milliers de travailleurs, principalement des Italiens, ont émigré vers le présumé Eldorado helvétique. Grâce au statut de saisonnier instauré dans notre pays en 1934, les entreprises ont ainsi pu recruter une main-d’oeuvre corvéable à merci et bon marché.
Au cours de séjours limités à neuf mois, les saisonniers étaient logés dans des baraquements en bois tout juste salubres et trimaient souvent plus de cinquante heures par semaine pour un salaire inférieur en moyenne de 15% à celui versé usuellement. En sus, ils avaient l’interdiction de changer d’employeur et de domicile. Et si leur épouse était aussi saisonnière, ils n’avaient pas le droit de faire venir leurs enfants, lesquels étaient donc condamnés à rester au pays (soit chez un membre de leur famille, soit dans des pensionnats italiens proches de la frontière) ou à séjourner illégalement en Suisse.
Il a fallu attendre 1991 pour que la Confédération ouvre enfin les portes des écoles à ces filles et ces fils d’immigrés et 2002 pour qu’elle abolisse officiellement le statut de saisonnier. En tout, ce sont plus de six millions de permis A qui ont été délivrés à ces ouvrières et ces ouvriers de l’ombre qui ont largement contribué à la richesse et à la prospérité de notre pays.
Un article de Alain Portner dans l’Événement syndical n°50 du 14 décembre 2022.
Quand la Suisse refusait les familles de ses saisonniers
«Céleste, l’enfant du placard» est un album qui revient sur l’interdiction de regroupement familial qui a poussé de nombreux étrangers à cacher leur progéniture.
L’accord signé en 1948 entre la Suisse et l’Italie sur les travailleurs immigrés entraîne un afflux de main-d’œuvre étrangère. Entre 1960 et 1980, près de 5 millions d’Italiens ont ainsi vécu et travaillé en Suisse. Mais si la Confédération a besoin de bras, elle ne veut pas d’une immigration durable. Déjà la peur du grand remplacement? Toujours est-il que le regroupement familial est interdit à ses travailleurs saisonniers.
Mais pour certains, il est trop difficile de laisser les siens derrière soi au pays, Alors, clandestinement, ils font venir leurs enfants, cachés dans le coffre des voitures ou sous une couverture. Une fois arrivés, ceux-ci ne sortiront quasi-pas du logement où ils vivent, de peur qu’on les découvre. On les appellera les enfants du placard. On estime leur nombre à 10 à 15 000, mais cela ne serait qu’une extrapolation pour la seule décennie 1970-1980, selon Toni Ricciardi, sociologue à l’Université de Genève.
«Céleste, l’enfant du placard» est une bande dessinée qui revient sur ce sombre épisode de l’histoire suisse, qui ne s’est réellement terminé qu’en 2002, moment où le statut de saisonnier a été définitivement aboli avec les accords bilatéraux. Le scénario est signé par Piedomenico Bortune, professeur de culture italienne à l’Université de Neuchâtel. Au dessin, Cecilia Bozzoli, qui est née d’un père italien qui vivait clandestinement en Suisse et faisait lui-même des fumetti, ces BD italiennes. Elle a grandi à Lausanne et a fait du dessin de presse ainsi que les croquis d’audiences des tribunaux pour «Le Temps».
À travers les yeux d’une enfant d’aujourd’hui
Leur récit n’est pas une histoire vraie, mais inspirée évidemment de situations réelles. La subtilité narrative est de faire voir cette période passée à travers les yeux d’une enfant aujourd’hui, puisqu’une jeune fille qui suit l’école italienne de Neuchâtel reçoit comme devoir de vacances d’interviewer ses grands-parents sur leur expérience de l’émigration. Mais ses grands-parents étant décédés, elle va interroger la dame qui vit au-dessus. Et qui se révèle avoir été une enfant du placard.
Album d’une grande sensibilité, avec un très beau dessin noir et blanc ainsi que sépia, ce «Céleste» ne manque pas de nous interroger sur nos rapports à l’immigration. Dur d’imaginer, ou de se souvenir pour les moins jeunes, qu’Italiens ou Espagnols aient été aussi mal perçus à l’époque, tant ils sont désormais intégrés et font partie du quotidien de la Suisse. D’autres leur ont succédé, toujours en suscitant méfiance, rejet ou carrément haine, avant d’à leur tour faire partie du paysage. Et cela va sans doute continuer.
La Suisse ne serait pas ce qu’elle est devenue sans notamment les Italiens. Et dire que l’initiative Schwarzenbach en 1970, qui est rappelée dans l’album, a failli entraîner le départ de 300 000 étrangers, nous privant de leur richesse culturelle. Et sans sens de l’accueil, que reste-t-il d’un peuple?
L’auteure en dédicace le 27 août
Parue initialement en italien, cette BD vient d’être traduite en français aux éditions Antipodes. Et la dessinatrice, Cecilia Bozzoli, la dédicacera samedi 27 août de 10 h à 13 h dans le cadre de la manifestation Lire à Lausanne qui se déroule au Forum de l’Hôtel de Ville et au théâtre Boulimie du 23 au 27 août.
Article de Michel Pralong, dans lematin.ch, 26 août 2022
Céleste, l’enfant du placard, raconte un pan chargé de l’histoire suisse de l’après-guerre. En surchauffe économique, le pays a besoin de bras. Les entreprises recrutent de nombreux travailleurs en Europe et particulièrement en Italie, pays voisin en reconstruction. Entre 1960 et 1980, cinq millions de ressortissants de la Péninsule œuvrent en Suisse, avec un pic de 573000 en 1975. Cette main-d’œuvre jouit d’un statut de saisonnier qui implique des conditions: séjours limités à neuf mois, interdiction de changer d’employeur et de domicile, regroupement familial prohibé. Il faut attendre 2002 pour voir l’abolition de ce statut par l’instauration de la libre circulation des personnes. Nombreux sont pourtant les travailleurs importés à avoir bravé les politiques migratoires en emmenant leurs enfants avec eux. Entre 1945 et 1970, 15 000 petits clandestins – surtout italiens, mais aussi espagnols ou portugais – sont entrés en Suisse.
Fiction inspirée de l’histoire familiale des auteurs Cecilia Bozzoli et Pierdomenico Bortune, cet ouvrage met en scène la rencontre d’une ado d’aujourd’hui avec sa voisine âgée. Cette dernière raconte à la plus jeune son passage illégal de la frontière dans le coffre d’une voiture et ses années à vivre cachée sans pouvoir fréquenter l’école. Dessin et narration impeccables, ce récit évite le piège de la culpabilisation collective. Complété par un utile appendice historique, il plonge le lecteur dans la réalité d’une autre époque, pas si lointaine et heureusement révolue.
L’immigration italienne en Suisse racontée en BD
HISTOIRE «Céleste, l’enfant cachée» est l’histoire de la fillette d’un saisonnier des années 1960. Signé Pierdomenico Bortune et Cecilia Bozzoli, l’ouvrage sera distribué dans les écoles aux élèves de langues modernes.
Objet de nombreux reportages et articles ces dernières années, l’immigration italienne en Suisse est pour la première fois transposée en une bande dessinée en noir et blanc qui vient de sortir en italien sous le titre de Celeste, bambina nascosta.
Une version française est d’ores et déjà prévue aux Editions Antipodes, traduite «Céleste, enfant du placard». On y parle de ces enfants arrivés en Suisse clandestinement et obligés de vivre pendant des mois cachés à la maison, dans le vain espoir d’obtenir le permis de séjour et la peur d’être découverts puis renvoyés à la frontière. Conséquence directe du statut de saisonnier qui interdisait le regroupe-ment familial.
Histoire d’une intégration réussie
Tirée à mille exemplaires qui seront distribués en Suisse dans les cercles italiens ainsi qu’aux élèves des cours de langue et culture italiennes, descendants des premiers immigrés, cette BD raconte l’histoire de la fillette d’un saisonnier du sud de l’Italie. A la mort de sa femme, le père de Céleste se voit contraint de l’emmener avec lui en Suisse. Aux abords de la douane de Chiasso, Céleste doit se cacher dans le coffre de la voiture et, par chance, passe la frontière sans encombre.
Elle vivra dans la clandestinité, sans pouvoir aller à l’école, puis s’intégrera. Au fil des pages, le récit transporte le lecteur jusqu’en 2020, où une Céleste désormais sexagénaire et parfaitement intégrée est interviewée par une jeune adolescente, Léane, elle-même petite-fille d’immigrés italiens originaires de la même région. Céleste raconte à Léane son passé de petite immigrée marqué par les campagnes xénophobes de l’époque Schwarzenbach.
«L’initiative de cette bande dessinée émane de la présidente du Comité des Italiens à l’étranger de Berne, Neuchâtel et Fribourg, Mariachiara Vannetti, et le projet a été financé par le Ministère italien des affaires étrangères et l’ambassade d’Italie à Berne», explique Cecilia Bozzoli, illustratrice de la BD, elle-même fille d’un dessinateur italien immigré en Suisse dans les années 70.
Un parcours dans la mémoire
«Ce projet dont j’ai été chargée avec l’auteur Pierdomenico Bortune a été un véritable défi pour moi», explique la dessinatrice. Neuf mois de travail et de recherches ont été nécessaires: «J’ai dû me documenter sur les visites sanitaires de l’époque à la frontière, les conditions de vie dans les baraquements des saisonniers, les manifestations. Notre BD sera présentée au festival de la bande dessinée de Rome, Romics, en avril 2022.»
Auteur de récits sur l’émigration, Pierdomenico Bortune, enseignant de langue et culture italiennes dans le canton de Neuchâtel, s’est établi en Suisse il y a deux ans seulement. Il n’a donc pas vécu lui-même l’expérience typique de l’émigré mais la rédaction de Celeste, bambina nascosta a été pour lui un parcours dans la mémoire familiale. Pierdomenico est le petit-fils de Biagio, un saisonnier de Corsano, petit village du Salento dans les Pouilles, lequel au milieu des années 50 avait émigré à Lucerne pour travailler dans le bâtiment. «Mon père me disait que, lorsqu’il rentrait au pays, mon grand-père ne défaisait jamais sa valise, raconte-t-il. Il ne parlait pas de sa vie d’émigré mais sa figure a inspiré celle du papa de Céleste dans la BD.»
«La grand-maman de ma compagne, Teresa, originaire des Abruzzes, arrivée en Suisse romande toute jeune, s’est parfaitement intégrée. Elle m’a donné l’idée du personnage de Céleste adulte», précise l’auteur de la BD. «Un bel exemple, comme celui de mon grand-père qui préférait le silence, ce silence, comme l’a dit l’ambassadeur d’Italie à Berne, qui a long-temps accompagné les travailleurs italiens en Suisse.»
Article de Gemma d’Urso, Le Temps, 4 janvier 2021