Le cinéma au pas. Les productions des pays autoritaires et leur impact en Suisse des pays autoritaires
Haver, Gianni,
2004, 199 pages, 19 €, ISBN:2-940146-49-7
Véhicule idéal de propagande, le cinéma est exploité par les régimes autoritaires qui accèdent au pouvoir dans l’Europe de l’Entre-deux-guerres. Cette « mise au pas » n’est pas toujours le fruit d’une coercition et elle ne se traduit pas forcément par la production de films lourdement idéologiques au didactisme fastidieux. Elle peut se baser sur la rencontre de plusieurs intérêts: idéologique certes, mais également de rentabilité car le public doit être au rendez-vous. Produits commerciaux et non seulement pamphlets politiques, ces films circulent aussi en Suisse.
Description
Véhicule idéal de propagande, le cinéma est exploité par les régimes autoritaires qui accèdent au pouvoir dans l’Europe de l’Entre-deux-guerres. Cette « mise au pas » n’est pas toujours le fruit d’une coercition et elle ne se traduit pas forcément par la production de films lourdement idéologiques au didactisme fastidieux. Elle peut se baser sur la rencontre de plusieurs intérêts: idéologique certes, mais également de rentabilité car le public doit être au rendez-vous. Produits commerciaux et non seulement pamphlets politiques, ces films circulent aussi en Suisse.
Les auteur·e·s qui ont contribué à cet ouvrage se questionnent sur les productions de certains de ces États autoritaires-l’URSS stalinienne, l’Allemagne nazie, l’Espagne franquiste ou la France pétainistes-mais aussi sur leurs réceptions en Suisse et leurs influences sur le cinéma de ce pays.
Table des matières
- Introduction (Gianni Haver)
- Cinéma et politique en Suisse (Hans Ulrich Jost)
- Un film stalinien, Un Grand Citoyen d’Ermler (François Albera)
- L’arrivée des films soviétiques à la fin des années 20: étude de la réception critique en Suisse romande (Laurent Guido, Pierre-Emmanuel Jaques)
- Just Entertainment!: La presse et les films de divertissement du Troisième Reich en Suisse alémanique (Yvonne Zimmermann)
- La presse genevoise et vaudoise face aux productions cinématographiques de la France occupée (Léonard Burnand)
- Le cinéma à la Landi: le documentaire au service de la Défense nationale spirituelle (Gianni Haver, Pierre-Emmanuel Jaques)
- La Peste rouge (1938). Un film suisse au service de l’Antikomintern (Valérie Borloz)
- Usages de l’image cinématographique par les mouvements frontistes suisses (Régis Niederoest)
- Hispanité et espagnolade dans le cinéma du premier franquisme (1939-1945): le cas de La Patria chica (Mireille Berton, Olga Cantón Caro)
- La représentation de la « communauté nationale » dans le cinéma documentaire nazi (Patrick Csikos)
Presse
L’ouvrage universitaire Le Cinéma au pas: les productions des pays autoritaires et leur impact en Suisse s’inscrit, comme l’indique Gianni Haver dans son introduction, dans la continuité de La Suisse, les alliés et le cinéma (2001) paru dans la même collection. Il s’interroge sur le cinéma des pays totalitaires entre les deux guerres mondiales et sur sa réception en Suisse. Cette recherche sur l’histoire du cinéma s’inscrit ainsi dans un contexte plus large de réflexion de la Suisse sur les zones troubles de son passé. Certains articles évoquent le cinéma au sein même des pays totalitaires: F.Albera analyse le film stalinien Un grand citoyen de F.Ermler; M.Berton et 0.Canton Caro s’intéressent à la propagande dans le cinéma espagnol sous le premier franquisme; P.Csikos montre comment le documentaire magnifia la « communauté nationale » sous le nazisme. Mais la plupart des textes se consacrent aux liens entretenus par la Suisse avec le cinéma venu des pays totalitaires ou occupés. H.-U. Jost montre que la Suisse elle-même chercha à définir une image nationale à travers quelques films (Wilhelm Teil en 1934, ou le Bergfilm), dans une production peu abondante cependant. G. Haver et P.-E. Jaques, dans le même sens, soulignent que le cinéma joua un rôle de soutien à la politique de « défense nationale spirituelle » suisse, dans le cadre de l’exposition nationale de Zurich (LANDI). L.Guido et P-.E.Jaques font une lecture de la presse romande pour y analyser la réception du cinéma soviétique. Ils relèvent des cas de censure (par exemple Le Cuirassé Potemkine à Lausanne et Genève), un fort sentiment anticommuniste et quelques articles élogieux sur la forme des films. Y.Zimmerman montre combien fut passée sous silence la dimension politique sous-jacente des films de divertissement du Troisième Reich diffusés en Suisse. R.Niederost évoque le mouvement de l’extrême droite suisse vers le fascisme, à travers les films Aux urnes citoyens (Union de défense économique de Genève, 1932) et La Journée de Bern (Front national et Union nationale, 1937) faisant référence en un « bric-à-brac » idéologique à la marche sur Rome mussolinienne. L.Burnand étudie la réception de films français comme Le Corbeau (Clouzot)-rejeté par la résistance française-ou Les Visiteurs du soir-apprécié par la résistance-et montre que les enjeux politiques des films furent, là aussi, éludés en Suisse. Enfin, V. Borloz analyse le film La Peste rouge (1938) commandité par Jean-Marie Musy de l’Action nationale suisse contre le communisme, qui synthétise les différentes problématiques du soutien au régime nazi et de l’opposition au régime soviétique. Ce film est encore tenu aujourd’hui à l’écart du public, après une difficile tentative d’exhumation par Freddy Buache lorsqu’il dirigeait la cinémathèque suisse de Lausanne. Les sujets soulevés par ces articles sont brûlants et intéresseront les historiens de la période qu’ils soient ou non spécialisés en cinéma.
Bulletin critique du livre en français, no 668, mars 2005.