Une cause modèle

La lutte contre le sida en Suisse (1982-2008)

Voegtli, Michaël,

2016, 494 pages, 41 chf, 33 €, ISBN:978-2-88901-107-0

Cet ouvrage passionnant dresse pour la première fois un panorama sur près de trente ans de la lutte contre le sida en Suisse. Il étudie les transformations des enjeux et des objectifs de la lutte contre ce fléau ainsi que les effets de l’engagement pour la cause sur les activistes.

Format Imprimé - 41,00 CHF

Description

À l’apparition de l’épidémie du sida, de très nombreux acteurs, en majorité engagés dans les mouvements homosexuels ou dans l’administration publique, vont contribuer à façonner l’organisation de la lutte contre cette maladie.

Au fil du processus de mobilisation, la cause va être remodelée et portée par de nouveaux acteurs. C’est à l’étude des transformations des enjeux et des objectifs de la lutte contre le sida et aux effets de l’engagement pour la cause sur les activistes qu’est consacré cet ouvrage.

La première partie retrace la structuration et les transformations de l’espace de lutte contre le sida depuis les débuts de l’épidémie jusqu’en 2008. Dans la seconde partie sont analysés les effets de l’engagement dans le cas de six militants actifs dans des associations homosexuelles et de lutte contre le sida.

Ce travail repose sur une analyse de sources archivistiques et d’entretiens et s’appuie sur une enquête quantitative réalisée auprès des membres et ex-membres de quatorze associations concernées par la lutte contre le sida. Plus largement, il met en évidence, par le biais de l’analyse des mobilisations, comment s’effectue une conjonction entre luttes militantes et construction d’une politique publique de prévention du VIH et d’accompagnement des personnes touchées. D’un point de vue d’analyse des mouvements sociaux, l’ouvrage lie construction de la cause et impact de l’engagement sur la redéfinition de l’identité sociale des acteurs mobilisés. Il propose, enfin, une lecture distincte de la constitution d’une orientation socio-sexuelle dominée dans l’ordre du genre (l’homosexualité masculine) en lien avec ce processus de mobilisation contre l’épidémie de sida.

Une trentaine d’années après la création de l’Aide suisse contre le sida, cet ouvrage est susceptible d’intéresser tant les protagonistes de cette histoire que celles et ceux qui souhaitent mieux connaître l’extraordinaire investissement de personnes joignant leurs forces pour combattre ce fléau.

Table des matières

Saisir le processus de mobilisation

  • L’endroit de la médaille: Construire la cause
  • L’espace associatif homosexuel dans la mobilisation antisida
  • Terrain d’enquête et méthodes d’analyse

PARTIE 1. Construire la cause
1. Le temps des pionniers (1982-1986)

  • L’agencement de la lutte
  • La maladie dans le champ médical: les premières découvertes
  • Une image publique attisant les peurs
  • Les actions s’organisent « en coulisses »
  • La création de l’ASS
  • Mise en place et débats autour du test de dépistage
  • Les mesures publiques autour du test
  • Safer sex et préservatif. La création de la Hot Rubber Company
  • L’ASS essaime: les premières antennes cantonales
  • Retour sur la phase des pionniers: une mobilisation majoritairement portée par les homosexuels

2. La redéfinition de la lutte (1987-1990)

  • Les luttes pour l’orientation de la lutte
  • Une épidémie sans précédent? Les effets du test de dépistage
  • L’action de l’OFSP: Première brochure et préparation de la campagne STOP SIDA
  • « Reste fidèle »: Politisation de la question sida et mise à l’index du préservatif
  • Développement et organisation de l’ASS
  • L’ASS: un colosse aux pieds d’argile
  • Les effets de l’instabilité
  • La crise de 1989: l’accentuation de la professionnalisation
  • Processus de déshomosexualisation et d’hétérosexualisation de la lutte dans les cantons

3. Essor et transformations de la lutte contre le sida (1990-1996)

  • Effritement de « l’exception » et premiers signes de « normalisation »
  • Baisse des nouvelles infections et stabilisation à la hausse des financements publics
  • L’identité de séropositif comme élément d’affirmation collective? L’impossible reconnaissance de P.W.A. Suisse
  • Reconstruire (I): la stabilisation de l’ASS
  • La repolitisation de la lutte contre le sida et le repositionnement de l’ASS
  • La lutte contre les discriminations touchant les personnes vivant avec le VIH/sida
  • Reconstruire (II): L’ASS a une vision
  • La crise de 1996: une mise à distance de la base?
  • L’accès aux traitements: jeux d’influence entre les niveaux cantonaux et faîtier
  • Les cas cantonaux: saisir l’engagement religieux et les luttes de représentation
  • Dialogai et la sécurité transfusionnelle

4. Les effets de la « normalisation ». L’ASS est-elle encore nécessaire? (1997-2001)

  • Vers une « normalisation » de la lutte contre le sida?
  • Nouvelle donne épidémiologique et transformation de la perception du sida
  • La redéfinition des relations entre ASS et OFSP: programme national 1999-2003, question du transfert et transformations au sein de l’Office
  • Les effets de la transformation de l’épidémie sur l’espace de lutte contre le sida
  • Repenser les actions de l’ASS
  • Les effets de la « normalisation » dans les cantons

5. Une remobilisation politique dans le domaine de la prévention (2002-2008)

  • L’amorce d’une nouvelle phase ?
  • Des données épidémiologiques contrastées
  • Restructurations et tentatives de consolidation de l’espace sida
  • Le programme national VIH et sida 2004-2008: lutter contre la banalisation
  • L’ASS: réorganisation, stabilisation et nouveaux enjeux
  • Quelle évolution? L’impact des découvertes médicales sur la complexification du message préventif
  • Processus de mobilisation contre le sida, évolution et diversification des causes

PARTIE 2. Construits par la cause
6. Carrière sociosexuelle et carrière militante. Quand la cause modèle

  • Identités, carrières militantes et travail de mise en cohérence
  • Maladies chroniques, sida et travail de mise en cohérence
  • Saisir les carrières par l’analyse des récits de vie

7. Parcours militants (I) : l’effacement pour la cause

  • Gérard Dardel: Proximité affective et don de soi
  • Paul Droz: L’impossible affirmation et la quête du spirituel

8. Engagements militants (II): lutte contre le sida et affirmation de l’orientation sociosexuelle

  • Diego Beltrán: Un engagement pour la cause sida
  • Henri Montavon: le détour par l’engagement antisida comme moyen d’affirmation de l’orientation sociosexuelle

9. Parcours militants (III): l’impact des multithérapies sur les formes d’engagement

  • Erwin Fisher: Renouer une sociabilité par l’engagement militant
  • Stéphane Jaccot: Lutter pour la visibilité
  • L’impact de l’activisme

Conclusion: construire la cause, construits par la cause

Presse

Dans Vingtième Siècle. Revue d’histoire

En comparaison de la France, où un fort déni du VIH/sida a été véhiculé autant par les associations gays que par le ministère de la Santé jusqu’en 1988-1989, la Suisse se montre « modèle ». Dès l’apparition du « cancer gay », les associations helvétiques se mobilisent. En résultent une série d’actions: l’engagement de militants, l’union avec les autorités sanitaires publiques et la poursuite de la promotion du coming-out.

Quelques militants, dont les Médecins de la coordination homosexuelle suisse (les « HACHMediziner »), perçoivent rapidement le danger de l’épidémie. Ils sont rejoints par Bertino Somaini, alors chef du département médical de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) après un stage à San Francisco, où il a observé le développement d’une santé communautaire préventive. Son engagement est crucial pour comprendre celui de l’OFSP. Par ailleurs, la loi fédérale sur les épidémies de 1970 délègue des politiques publiques sanitaires à des organisations non gouvernementales. En résulte la fondation de l’Aide suisse contre le sida (ASS) en juin 1985, dont l’OFSP devient membre. L’ASS est précédée par des campagnes de prévention dans le « milieu » homosexuel courant 1984, puis par le lancement début 1985 d’un préservatif « sexy », le « Hot Rubber ». Suivent les campagnes nationales « Stop sida », courant 1987-1989, plus explicites que le slogan « Le sida ne passera pas par moi » alors diffusé en France.

Entre-temps, l’introduction généralisée du test de dépistage au milieu de l’année 1985 a démontré que les populations hétérosexuelles sont également concernées, par injections intraveineuses de drogues ou contacts sexuels. S’ensuivent un engagement de femmes hétérosexuelles dans l’ASS, puis une « déshomosexualisation » du VIH/sida et une professionnalisation des acteurs de la prévention. En parallèle, l’OFSP augmente ses contributions à l’ASS, ce qui permet le développement d’associations cantonales devenant autant d’antennes de prévention de proximité.

Aspect non négligeable, la promotion d’une identité positive perdure jusqu’à la commercialisation des trithérapies en 1996. Néanmoins, ce passage du létal au chronique transforme les récits rétrospectifs des parcours militants exposés dans la seconde section de l’opus. Ces trajectoires personnelles mises en évidence par Michael Voegtli montrent un phénomène commun d’exode des plus petites communautés vers les grandes villes, d’engagement associatif et d’affirmation identitaire positive en dépit du VIH/sida. À la suite de la recomposition des urgences après 1996, ces récits de vie montrent le plus souvent une poursuite d’un militantisme promouvant le coming-out dans ou hors tissu associatif.

Thierry Delessert, Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 134 (avril-juin 2017), p. 227

 

Une reconnaissance sociale liée à des circonstances dramatiques

L’épidémie de sida et la discrimination des hommes gays sont étroitement liées. Dans les sociétés socio-conservatrices des années 1980, les gays étaient considérés comme la « principale source de transmission » de la maladie.1 En contraignant les gouvernements à collaborer avec des organisations qu’ils avaient jusqu’alors ignorées, le sida a contribué à changer les mentalités. Pour la première fois, des organisations des gays ont reçu un soutien, souvent sous forme de fonds publics. On parle dans ce cadre de « legitimation through disaster » (légitimation par le désastre). Dans ce contexte, il est apparu clairement que les gouvernements et les sociétés réagissaient très différemment à l’épidémie de VIH. La réaction la plus efficace dans ces circonstances dramatiques a été observée dans les pays où le mouvement LGBT était reconnu comme défendant légitimement les intérêts d’individus. La Suisse est l’un de ces pays. Michaël Voegtli, sociologue, a publié un livre sur la lutte contre le VIH et le sida en Suisse.2 Dans un entretien, il explique comment ils ont influencé les militants, la politique mais aussi la société et continuent de le faire jusqu’à aujourd’hui.

Dans les débuts de la lutte contre le VIH, les organisations se sont fortement engagées dans le domaine de la prévention. À présent, elles luttent avant tout contre la discrimination. Comment expliquer que les personnes séropositives subissent encore une telle discrimination à l’heure actuelle?

Michaël Voegtli: La prévention reste un axe important du travail des organisations, mais il est vrai que la discrimination continue souvent de frapper les personnes séropositives. Dès le début, le public a associé le VIH/sida à certains groupes sociaux constituant des minorités (en l’occurrence les usagers de drogues par voie intraveineuse, les gays, les travailleuses du sexe, les migrants). À l’époque, on a recherché les raisons de l’apparition et de la propagation du VIH/sida dans leur mode de vie. Même si les choses ont beaucoup évolué depuis le début de l’épidémie, cette image n’a jamais entièrement disparu des esprits.

En quoi l’action des organisations a-t-elle changée avec l’arrivée des trithérapies en 1996?

L’arrivée des multithérapies a permis d’améliorer notablement l’état de santé des personnes concernées. Cette période est marquée par une tendance au retrait des militants, des hommes et des femmes qui s’étaient pleinement investis pour leur cause et avaient pour beaucoup épuisé leurs forces. L’engagement a dès lors pris des formes plus ponctuelles et de moindre intensité. Depuis 2002, on observe une remobilisation politique. Celle-ci se caractérise moins par un nouvel accroissement d’engagements que par une réaffirmation de la nécessité du travail de prévention. Après une courte phase au cours de laquelle on a assisté dans
une certaine mesure à une banalisation de l’épidémie, l’augmentation de la prévalence du VIH dans certains groupes, notamment les hommes homosexuels et bisexuels, a donné lieu à une remobilisation dans la lutte contre le sida.

Dans votre livre « Une cause modèle », vous établissez un parallèle entre l’évolution de la lutte contre le VIH et celle des militants. Pouvez-vous préciser en quoi?

L’objectif de ce livre était effectivement de mettre en parallèle deux éléments. Il s’agissait, d’une part, de montrer que la lutte contre le VIH/sida évoluait parce que celles et ceux qui se sont mobilisés ont changé au fil du temps (au départ, les hommes homosexuels étaient plus actifs et, plus tard, des femmes hétérosexuelles par exemple), donnant lieu à des approches différentes. D’autre part, l’engagement pour cette cause a eu un impact très fort sur ceux qui se sont mobilisés. Les parcours des personnes présentées dans le livre montrent à quel point elles ont été transformées émotionnellement, et plus généralement dans différents domaines de leur vie.

Quelle a été l’influence de la lutte contre le VIH sur le mouvement LGBT?

On constate un rapprochement, parfois conflictuel, avec les pouvoirs publics dans la gestion de l’épidémie et, plus largement, un processus que Dennis Altman, politologue et auteur, appelle « legitimation through disaster », indiquant que le mouvement LGBT a acquis, à un prix très élevé, une reconnaissance en tant que partenaire dans l’élaboration des politiques publiques.

L’exemple du VIH constitue-t-il un modèle de lutte qui peut ou pourrait être transposé à d’autres maladies?

L’extraordinaire mobilisation et le savoir-faire développé par les militants au cours de toutes ces années pourraient très certainement être transposés dans le cas d’autres épidémies ou pour l’élaboration de campagnes de santé publique. Il me semble que c’est d’ailleurs ce qui est fait pour les infections sexuellement transmissibles.

Dans votre livre, vous parlez de « carrières socio-sexuelles » ou d’ »orientation socio-sexuelle ». Qu’entendez-vous par là?

Dans la seconde partie du livre, je m’intéresse à la manière dont deux ordres d’expérience, l’homosexualité et le VIH/sida, sont mis en cohérence par les militants au cours de leur vie. Il s’agissait aussi pour moi de montrer comment l’orientation socio-sexuelle quelle qu’elle soit se construit au cours du parcours de vie. C’est un apprentissage continu qui repose sur les expériences passées.

Vous expliquez dans votre livre que, dans les années 1990, les personnes atteintes du VIH ont développé une identité séropositive. Était-ce là une condition à la lutte contre la discrimination?

Effectivement. Pour les personnes séropositives, le travail politique a consisté à retourner le stigmate et à revendiquer un droit direct à la parole pour lutter contre les discriminations.

Qu’en est-il aujourd’hui? L’identification avec le virus est moindre, on n’est plus malade. Le VIH est redevenu « invisible ». La lutte a-t-elle perdu son importance?

Il est bien entendu toujours aussi important de lutter contre le VIH. Le message de prévention a toutefois dû être adapté. C’est précisément ce qu’a fait l’ASS ces dernières années, en faisant par exemple évoluer la campagne STOP SIDA vers le message LOVE LIFE, permettant ainsi d’intégrer un message plus large de prévention des infections sexuellement transmissibles.

 

Dans « Une cause modèle », l’auteur Michaël Voegtli explique comment a évolué la lutte contre le VIH et le sida en Suisse entre 1982 et 2008 et en quoi elle a exercé une influence sur les militants. La lutte a commencé en 1982 lorsque des hommes gays principalement se sont engagés, conduisant à la fondation de l’Aide Suisse contre le Sida. Durant les phases suivantes, les pouvoirs publics ont également participé à la lutte contre l’épidémie, en même temps que l’accompagnement des personnes concernées mais aussi leur discrimination
gagnaient en importance. L’arrivée des multithérapies a transformé l’image publique de l’épidémie: d’une maladie grave, elle a progressivement acquis le statut de maladie chronique. Le changement des messages de prévention a conduit à une tendance au retrait de militants. La dernière phase, qui a débuté en 2002, se caractérise par une remobilisation politique et par la réaffirmation de la nécessité du travail de prévention.

 

HIV News & Views, Avril 2017, pp. 3-4

Sources:
1. Altman, Dennis: Legitimation through disaster: Aids and the Gay Movement. (1988) Aids. The Burdens of History. 301 ff. Berkeley and Los Angeles.
2. Voegtli, Michaël: Une cause modèle. La lutte contre le Sida en Suisse (1982-2008). 2016. Lausanne.

 

Trente ans de front anti-sida

Le sociologue Michaël Voegtli retrace dans un livre l’histoire de la lutte contre le sida en Suisse. Trois décennies d’engagement pour une cause qui a transformé notre regard.

Il fallait bien cinq cents pages et de nombreux témoignages pour retracer trente ans de lutte contre le sida en Suisse. Dans son ouvrage, sorti de presse en septembre et adapté de sa thèse conclue en 2009, Michaël Voegtli a délibérément laissé une large place aux militants de cette cause. Et leurs paroles résonnent longtemps après avoir refermé les pages du livre.

Désormais chef du service académique de l’université de Neuchâtel, Michaël Voegtli ne voulait pas traiter du sujet en « passant par le haut ». Cela n’aurait pas fait sens pour une cause qui s’est caractérisée en Suisse par le fort engagement d’associations, de bénévoles, des malades eux-mêmes et de leurs proches. Une cause modelée par les militants, qui leur a permis, parfois, de réaffirmer leur identité sociale ou sexuelle. De se reconnaître dans l’engagement plutôt que dans la maladie. Un enjeu de taille puisque les personnes les plus vulnérables proviennent de milieux fortement ostracisés et discriminés: homosexualité, prostitution, consommation de drogues, les comportements à risque pour le sida sont aussi le reflet de nos tabous sociétaux.

La morale, présente dès le début

Dès le milieu des années 1980, la communauté homosexuelle joue un rôle capital, luttant à la fois contre le sida et pour le maintien des quelques droits acquis de haute lutte. Dans ses rangs se forment les militants initiaux, explique Michaël Voegtli. « Ils donnent une coloration à cette lutte, placent la prévention au cœur du système, contrairement à la France qui met rapidement l’accent sur l’accompagnement. »

Si la cause prend bien des visages durant ces trente ans, une donne reste bien figée: la morale conservatrice goûte peu les campagnes et les messages de prévention adaptés aux pratiques sexuelles courantes – mais pas forcément assumées. Cette liberté de ton s’explique par l’alliance entre l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et l’Aide suisse contre le sida (ASS). Traditionnellement, la seconde pousse à viser une franche efficacité, mais se heurte à des chicanes politiquement correctes.

« Cet aspect moral ressort avec l’une des premières campagnes Stop Sida en 1987, note Michaël Voegtli. Le message initial ‘Stop Sida remplaçait le ‘o’ par un préservatif. À l’époque, Flavio Cotti [conseiller fédéral PDC, en charge de la santé] a exigé un pendant montrant que ‘la fidélité aussi protège’. Est donc parue une version avec une alliance.» Dans le livre, un graphiste confie que «ça a été la pire affiche qu’il ait jamais faite». Le reproche vise la protection imaginaire, l’idée qu’en restant dans le lit conjugal, on ne risque rien.
 
« La croisade morale n’a jamais disparu, on le voit à chaque nouvelle campagne, où l’OFSP est accusé de mener des campagnes pornographiques avec l’argent public. Celles sur la transmission des seringues ou à destination des travailleuses du sexe restent également difficiles. »

« Il a fallu réapprendre à vivre »

Du côté des personnes touchées, le principal changement au cours de ces trente années reste l’apparition des trithérapies en 1996, et la transformation d’une maladie mortelle en maladie chronique.

Au début, c’est donc une lutte pour la survie. M. Voegtli relate le témoignage d’une personne qui s’est engagée de 1985 à 1997. « Il voulait tout faire pour sauver son compagnon. Lorsque les trithérapies sont arrivées, il était malheureusement trop tard. »

Si les avancées médicales ont totalement changé la donne, elles ont mis du temps à être apprivoisées. Diego, l’un des témoins, rappelle l’attente de traitements plus supportables, les accompagnements sur des durées beaucoup plus longues… « Ça changeait tout! Depuis, tout le monde a dû réapprendre à vivre après s’être fait une idée de mourir. » Un processus « difficile pour tout le monde ».

Devoir de mémoire

La situation en est là aujourd’hui, la « normalisation » du virus n’empêche pas certaines discriminations, contre lesquelles les associations continuent de lutter. « Elles ont toujours joué un rôle fort à ce niveau. À Genève, Dialogai a défendu les droits des patients, nouant des contacts avec les hôpitaux universitaires, restant vigilant sur l’accueil des malades, le respect de la confidentialité, de leur personnalité… »

Pour le sociologue, la revendication de ces droits doit demeurer un objectif pour les associations. Si, aujourd’hui, il paraît logique de pouvoir se faire dépister si on le souhaite, de manière anonyme, c’est grâce à des associations comme celle-ci, remarque-t-il.

Dans ce cadre, le devoir de mémoire lui semble capital. « Les associations ont développé de larges connaissances et un ancrage sur le terrain. Elles ont la faculté d’aller dans la rue, de savoir à qui s’adresser et comment. » Un savoir-faire militant qu’il espère voir perdurer. Parce qu’il est essentiel, et parce que cet engagement montre que le meilleur peut toujours émerger, même de la maladie ou de la mort. 

Laura Drompt, Le Courrier, 21 octobre 2016

 

Compte-rendu dans la Revue Gesnerus
Journal de la Société Suisse d’Histoire de la Médecine et des Sciences Naturelles

(en suisse-allemand)

HIV/Aids hat ais neue Viruserkrankung in den 1980er und 1990er Jahren grosse Ângste in der Bevolkerung Westeuropas ausgelost und in der Schweiz zu mehreren Tausend Todesopfern geführt, vor allem unter homosexuellen Mannern und Perso­nen, die intravenos Drogen konsumierten. Die Thematik ist in den Jetzten Jahren vermehrt in den Fokus der Geschichtswissenschaft gerückt.3 Die Dissertation desSoziologen und Politologen Michaël Voegtli ist die erste Monografie, die sicb voll und ganz der Gescbichte von HIV/Aids in der Schweiz widmet, wobei aber primar sozi­alwissenschaftliche Fragestellungen untersucht werden. lm Zentrum stehen die Mo­bilisierung für den Kampf gegen Aids und die Frage, wie sich dieser gewandelt und wie er die Akteure verandert bat, die ihn geformt ha ben. Der Fokus liegt auf homo­sexuellen Aktivisten und der Aids-Hilfe Schweiz (AHS), aber auch die Aktivitaten des Bundesamtes für Gesundheit (BAG) und die Situation in den Kantonen werden thematisiert.

Das Buch gliedert sich in zwei Hauptteile. lm ersten, deutlich umfangreicheren Teil wird die soziale und politische Geschichte des Kampfes gegen HIV/Aids in der Schweiz dargestellt. Der Autor orientiert sich im Kapitelaufbau an dem in der «Pu­blic-Hea/th»- und geistes- und sozialwissenschaftlichen HIV/Aids-Forschung etab­lierten Modell, das die Geschichte von Aids ausgehend von einer Ausnahmesituation zu Beginn der Epidemie bis zu einer Nonnalisierung ab 1996, ais sich die Infektion aufgrund des medizinischen Fortschritts von einer tôdlichen zu einer chronischen Krankheit gewandelt hat, in mehrere Phasen unterteilt.4 Voegtli beschreibt, wie sich Exponenten der «gay community» gegen Aids zu engagieren begannen und 1985 mit Unterstützung des BAG die AHS gründeten. Diese rasche Mobilisierung gegen HIV/Aids war laut dem Autor dank der bereits bestebenden Homosexuellenorgani­sationen môglich, die aucb die Pravention ais primares Ziel durchgesetzt haben. In der Folgezeit wurde einerseits die sehr erfolgreiche STOP-AIDS-Kampagne lanciert, andererseits die AHS von massiven internen Konflikten erschüttert. Diese sieht Voegtli ais Folge der Professionalisierung der Organisation und der damit einherge­henden Enthomosexualisierung und Heterosexualisierung des Kampfes gegen HIV/ Aids durch die zunehmende Bescbaftigung nichthomosexueller Mitarbeiterinnen und Mitarbeiter. In der ersten Halfte der 1990er Jahre stabilisierte sich die AHS, wahrend die Praventionsarbeit unter Druck konservativer Krcise gcriet. Die Zeit nach 1997 war dann gepragt durch eine wegen des medizinischen Fortschritts wach­sende Banalisierung von HIV/Aids. lnfolgedessen wurde auch die Daseinsberechti­gung der AHS zunehmend infrage gestellt. In den Jahren 2002-2008 stiegen die In­fektionsraten wieder, was Voegtli ais Folge des aufgrund finanzieller Kürzungen er­folgten Abbaus von Praventionsmassnahmen und der Banalisierung betrachtet. Dieser Anstieg fübrte zu einem Umdenken in der Politik. Nur wenig erführt man in diesen Ausführungen über die Thematik HIV/Aids und Drogen.

Das Buch gliedert sich in zwei Hauptteile. lm ersten, deutlich umfangreicheren Teil wird die soziale und politische Geschichte des Kampfes gegen HIV/Aids in der Schweiz dargestellt. Der Autor orientiert sich im Kapitelaufbau an dem in der «Pu­blic-Hea/th»- und geistes- und sozialwissenschaftlichen HIV/Aids-Forschung etab­lierten Modell, das die Geschichte von Aids ausgehend von einer Ausnahmesituation zu Beginn der Epidemie bis zu einer Nonnalisierung ab 1996, ais sich die Infektion aufgrund des medizinischen Fortschritts von einer tôdlichen zu einer chronischen Krankheit gewandelt hat, in mehrere Phasen unterteilt.4 Voegtli beschreibt, wie sich Exponenten der «gay community» gegen Aids zu engagieren begannen und 1985 mit Unterstützung des BAG die AHS gründeten. Diese rasche Mobilisierung gegen HIV/Aids war laut dem Autor dank der bereits bestebenden Homosexuellenorgani­sationen môglich, die aucb die Pravention ais primares Ziel durchgesetzt haben. In der Folgezeit wurde einerseits die sehr erfolgreiche STOP-AIDS-Kampagne lanciert, andererseits die AHS von massiven internen Konflikten erschüttert. Diese sieht Voegtli ais Folge der Professionalisierung der Organisation und der damit einherge­henden Enthomosexualisierung und Heterosexualisierung des Kampfes gegen HIV/ Aids durch die zunehmende Bescbaftigung nichthomosexueller Mitarbeiterinnen und Mitarbeiter. In der ersten Halfte der 1990er Jahre stabilisierte sich die AHS, wahrend die Praventionsarbeit unter Druck konservativer Krcise gcriet. Die Zeit nach 1997 war dann gepragt durch eine wegen des medizinischen Fortschritts wach­sende Banalisierung von HIV/Aids. lnfolgedessen wurde auch die Daseinsberechti­gung der AHS zunehmend infrage gestellt. In den Jahren 2002-2008 stiegen die In­fektionsraten wieder, was Voegtli ais Folge des aufgrund finanzieller Kürzungen er­folgten Abbaus von Praventionsmassnahmen und der Banalisierung betrachtet. Dieser Anstieg fübrte zu einem Umdenken in der Politik. Nur wenig erführt man in diesen Ausführungen über die Thematik HIV/Aids und Drogen.

lm zweiten Teil werden sechs homosexuelle Aids-Aktivisten aus der Romandie portraitiert. lm Rahmen ihrer Biografie wird dargestellt, wie sie zum Aidsaktivismus fanden und wie dieser sich auf ihre soziale ldentitat ausgewirkt hat. Hier zeigt Voegtli, dass bei den Aktivisten der erslen Stunde der Kampf gegen Aids jenen für die Rechte der Homosexuellen verdrangte, wahrend spater beides miteinander ver­bunden wurde. Da jedoch Heterosexuelle früh die Führung in den meisten Aidshilfeorganisationen übernommen haben, stellt sich trotz aller methodischen Überlegun­gen die Frage, ob die Beschriinkung auf mannliche Homosexuelle gerechtfertigt ist. Gerne hiitte man zum Beispiel mehr über die Motivation heterosexueller Frauen zur Mitarbeit erfahren, was nur kurz angesprochen wird. Insgesamt kommt Voegtli zum Schluss, dass bei den meisten Aktivistinnen und Aktivisten die Niihe zu HIV/Aids für das Engagement entscheidend war. Schon im Titel des Buches klingt an, dass Voegtli eine Erfolgsgeschichte erziihlt. Das mag auch daran liegen. dass sich das Buch stark auf Publikationen der Aidshilfe­organisationen und Gespriiche mit Akteurinnen und Akteuren der AHS und des BAG stützt. Daher stellt sich die Frage, ob deren Sichtweise nicht in einem zu gro­sse□ Ausmass übernommen worden ist. Zwar war die Bekiimpfung von HIY/Aids in der Schweiz durchaus ein Erfolg: Die Zahl der Neuansteckungen konnte durch eine wirkungsvolle Priiventionskampagne rasch und deutlich gesenkt werden. Allerdings hiitte für ein umfassendes Bild auch die zum Teil massive Kritik aus der Schwulen­bewegung stiirker einbezogen werden müssen.5 Eingegangen wird zwar auf Debatten in der Gründungszeit der AHS, jedoch kaum auf spatere gegen sie und ihr Wirken gerichtete Opposition Homosexueller. Bedauerlich ist schliesslich, dass bei zitierten Archivquellen der Name des Archivs und die Signatur fehlen. Abgesehen davon handelt es sich um ein sehr wichtiges, informatives Werk, das viele Aspekte der Geschichte von HIY/Aids in der Schweiz erstmals aufarbeitet und für Forschende auf diesem Gebiet unverzichtbar ist.

Daniel Zürcher, Universitiit Basel (CH), Revue Gesnerus (75/2), 2018