Mémoires de l’instituteur Grimpion

Besançon, Jules, Bourquin, Jean-Christophe, Clavien, Alain, Meyer, Henry, Suillot, Cédric,

2000, 368 pages, 25 €, ISBN:2-940146-15-2

Grimpion est instituteur dans un petit village de Suisse romande. Rêvant de devenir un notable, il use de toute la panoplie à la disposition de l’arriviste: séduction, flagornerie, alliances douteuses, dénigrement, trahison…Dans ce roman satirique, Jules Besançon porte un regard acéré sur la société et sur les institutions vaudoises du milieu du XIXe siècle.

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Description

Grimpion est instituteur dans un petit village de Suisse romande. Rêvant de devenir un notable, il use de toute la panoplie à la disposition de l’arriviste: séduction, flagornerie, alliances douteuses, dénigrement, trahison…

Dans ce roman satirique, Jules Besançon porte un regard acéré sur la société et sur les institutions vaudoises du milieu du XIXe siècle.

Trois postfaces historiques donnent des éclairages sur le contexte de l’époque.

Jules Besançon est né à Moudon en 1831. Il est mort en 1897. D’abord maître secondaire à Rolle, il occupera la chaire de littérature latine de l’Université de Lausanne. En plus des Mémoires de l’instituteur Grimpion (1877-1878), on lui doit une dizaine de romans, dont Le Moyen de parvenir (1865), le Veau d’or (1868), Le Tyran du village (1872), Les Crustacés (1873).

Presse

Le régent Grimpion, qui était prêt à tout pour devenir conseiller d’Etat

Quelle que soit sa spécialité, un journaliste dégelé après 140 ans d’hibernation aurait besoin d’un bon moment pour se remettre dans le bain et reprendre la plume. La chose est moins vraie lorsqu’il s’agit d’un rédacteur couvrant l’actualité politique vaudoise. Cette réflexion vient à l’esprit après une lecture de l’ouvrage de Jules Besançon intitulé Mémoires de l’instituteur Grimpion. Ce livre écrit en 1877 vient d’être réédité accompagné des notices éclairantes de trois historiens lausannois. Ils nous apprennent notamment que la Suisse romande a fait le don inestimable à la francophonie du mot « grimpion ».

Jules Besançon relate, à la première personne, le parcours d’un instituteur de la campagne vaudoise, qui rêve de s’asseoir sur le fauteuil vert du Conseil d’Etat. Ce triste personnage, nommé Grimpion, ne recule devant aucune vilenie pour parvenir à ses fins. Circonstance aggravante: il tient un discours politique affligeant fait de lieux communs. L’instituteur Grimpion navigue entre les deux tendances du Parti radical au gré de son intérêt personnel, abandonne celle qu’il aime pour épouser la fille du syndic de son village, riche propriétaire et député. Il se fera délateur pour un politicien plein d’avenir, où l’on croit reconnaître Louis Ruchonnet. Il se fera franc-maçon sans croire à l’idéal de ce mouvement; trahira un ami pour lui prendre sa place dans l’administration vaudoise, etc.

La satire a une morale: malgré toutes ses manœuvres, Monsieur Grimpion n’est pas élu au Grand Conseil. Il en devient fou de douleur. Interné à Cery, il tiendra du matin au soir un discours de député à la seule intention de l’infirmier de service.

A la vaudoise

Le tableau de la politique cantonale des années 1860 est en soi délicieux: luttes intestines du Parti radical et rivalité entre libéraux et radicaux. Les justifications morales d’un homme mû par sa seule vanité ne manquent pas non plus de piquant. Puis, les expressions vaudoises qui émaillent le récit ne sont pas sans charme, comme ce « qui répond, appond », pour inviter à un silence matois.

Mais plus savoureuses encore les analogies entre les débats d’hier et d’aujourd’hui. Ainsi la réflexion du beau-père qui n’a pas ouvert la bouche au Grand Conseil pendant sa législature ne dépareillera pas la noble assemblée d’aujourd’hui: « Au Grand Conseil, on n’écoute pas ceux qui parlent; on n’a pas besoin d’eux pour savoir ce qu’on doit faire. S’ils se taisaient, ils économiseraient bien de l’argent à l’Etat. Un tas d’avocats! »

Actuel

Le débat sur l’école vaudoise reste actuel. En atteste la longue discussion entre utilitaristes jugeant qu’il faut préparer les enfants à répondre aux exigences de l’économie et ceux qui estiment qu’il ne faut surtout pas de réformes. L’auteur évoque aussi les tensions alors très vives entre le canton et sa capitale. A cela, il faut ajouter des discours euphoriques sur la promotion économique. En vérité, un observateur de l’époque ne serait pas totalement dépaysé aujourd’hui.

Justin Favrod, La LibertéLe Courrier , 4.10.2000

 

Portrait de radicaux, au 19e siècle

Si, si, il y a des Vaudois qui savent se moquer d’eux-mêmes. Pas beaucoup bien sûr. Et il faut aller les chercher bien loin dans le passé. C’est ce qu’a fait Claude Pahud, des Editions Antipodes, en déterrant un roman oublié, les Mémoires de l’instituteur Grimpion. Oublié à tort, tant cette chronique égratigne la superbe vaudoise, son provincialisme fier de l’être.

Mémoires de l’instituteur Grimpion raconte l’histoire d’un jeune régent, aux grandes espérances, en 1860; il épouse la fille du syndic d’un petit village, Ornens, abandonne, par arrivisme, une tendre bluette avec une belle jeune fille pauvre, puis tente, à Lausanne, d’être élu au Grand Conseil. Sa chute sera cruelle.

Ce Rastignac en pays de Vaud se heurte au cercle déjà très fermé du parti radical de 1860, ainsi qu’à la loge maçonnique à laquelle il finit par adhérer, par intérêt. Le héros n’est pas vraiment attachant, au contraire: il se débarrasse sans mauvaise conscience de ses idéaux de jeunesse au profit de ses ambitions, trahit sa femme et son ami, manipule les personnes qui lui font confiance. Mais son échec est si programmé qu’on se surprend à éprouver une certaine commisération à le voir tenter de se faire adopter par un milieu social dont on sait qu’il finira par le rejeter.

Le roman passionne non seulement pour le récit de ce destin dévoyé, mais aussi, mais surtout, parce que c’est une satire corrosive de la société de l’époque.

L’auteur, Jules Besançon, n’est certes par un grand écrivain. Comme le dit Alain Clavien, dans une des trois postfaces historiques qui accompagnent le roman, « il écrit visiblement à la va-vite, et les problèmes de la langue ou de l’expression ne sont pas sa tasse de thé ». Son oeuvre vaut pour le regard féroce qu’il porte sur ses compatriotes.

Né à Moudon en 1831, Jules Besançon s’oriente rapidement vers l’instruction publique. Maître secondaire à Rolle, puis enseignant à la chaire de littérature latine de l’Université de Lausanne, il sera, en 1877, le premier directeur de gymnase nommé par le Conseil d’Etat. Journaliste, romancier, candidat à la candidature pour le Grand Conseil, mais aussi franc-maçon, il connaît parfaitement bien la société dans laquelle tente d’évoluer Grimpion, ses échelles, ses strapontins et ses chausse-trappes.

Les postfaces de Cédric Suillot et de Jean-Christophe Bourquin nous permettent de comprendre le contexte politique vaudois du milieu et de la fin du 19e siècle, et de mettre un visage et un nom sur les personnages politiques que rencontre l’instituteur Grimpion.

Druey, bien sûr, l’homme de la révolution de 1845, mais aussi Ruchonnet, Ruffy, Eytel. Il y a les radicaux pétrifiés dans l’immobilisme; il y a les libéraux, appelés à l’époque les conservateurs (on pourrait y revenir si l’on se réfère au dépôt de leur initiative pour la suppression de l’impôt sur les successions); il y a les révisionnistes, ces radicaux qui voulaient réformer l’instruction publique, séparer l’Eglise de l’Etat, améliorer la condition des ouvriers et des paysans.

La figure de Grimpion, son parcours, préfigurent ce que deviendra le radicalisme du 20e siècle; hégémonique, confit dans ses certitudes, préférant le combat contre le centralisme fédéral aux affrontements gauche-droite. Grimpion dira, à l’épreuve de son ascension: « le radicalisme vous enseigne un procédé bien plus simple; on ne discute pas les opinions, on ne renverse pas les obstacles, on les écrase. Parfois même on culbute les deux choses à la fois, l’opinion et celui qui la professe. »

Enfin, saluons la contribution du dessinateur Henry Meyer. Ses illustrations enrichissent le livre. Satire contre satire, elles dialoguent avec le texte de Jules Besançon, comme pour montrer, qu’au fond, rien n’a vraiment changé. Les dessins voilent de noir une histoire certes comique mais pas si drôle que ça.

Géraldine Savary, Domaine Public 1450, 10 novembre 2000

 

Qu’est-ce qu’un grimpion?

Qu’est-ce qu’un grimpion? Dans l’aire suisse romande, c’est un « arriviste ». La formule remonte à Rodolphe Tœpffer, auteur d’une pièce intitulée Les Grimpions. Esquisses genevoises. Le Vaudois Jules Besançon (1831-1897) s’en empare à son tour et publie, en 1877, les Mémoires de l’instituteur Grimpion, aujourd’hui réédités avec une intéressante documentation. Jean-Christophe Bourquin, Alain Clavien et Cédric Suillot nous y présentent de façon très vivante la carrière de l’auteur, en s’interrogeant sur « les fondements de la satire ». Jules Besançon fut tour à tour pasteur, instituteur, professeur à l’université, journaliste… et surtout franc-maçon. C’est cette dernière appartenance qui lui permit sans doute d’observer de près l’art de parvenir en terre vaudoise, tel qu’il pouvait se déployer dans les milieux issus de la révolution de 1845. Son roman se présente comme le journal de Grimpion. La donnée de départ interdit à l’auteur de donner la moindre épaisseur au personnage. Son cynisme est limpide -tout comme le style de Jules Besançon, qui après un siècle n’a pas pris une ride. (1829), et aussi à John Petit-Senn, qui en trace le portrait dans ses….

Luc Weibel, Le Temps, 18.11.2000

Un grimpion en action

C’est un véritable petit bijou d’humour caustique que les Editions Antipodes ont déniché sur les rayons poussiéreux de la littérature romande du XIXe siècle. Jules Besançon a écrit les aventures de Grimpion en 1877, mais les stratégies employées par ce jeune régent dévoré d’ambitions demeurent encore d’actualité. « Résolu à tout renverser sur son passage et à ne céder à aucun mouvement de générosité contraire à ses véritables intérêts », Grimpion va se mettre en quête de fortune et de considération. Nommé à Ornens, un bourg de campagne, il se concilie le ministre et le premier magistrat du village. Bien que son cœur le pousse vers Rose, l’une de ses élèves, « une bouèbe bien tournée » dont la famille est assistée par la commune, il épouse la fille du syndic grâce à un subterfuge tortueux. Les écus de cette Marie qu’il considérait tout d’abord comme « une personne d’âge mûr, à l’éducation négligée, aux manières simples et primitives », vont lui permettre de monter à Lausanne et de se lancer à la fois dans l’administration et dans la politique. Parsemées de quelques « vaudoisismes » savoureux, ces aventures d’un arriviste qui avait déjà compris que « l’avenir est à l’habileté, non au savoir » sont finement mises en perspective historique par Alain Clavien, Jean-Christophe Bourquin et Cédric Suillot. On apprend ainsi qu’épuration et serment obligatoire à la nouvelle Constitution d’inspiration radicale furent le lot des régents de 1846.

Pascal Helle, 24 Heures, 12.12.2000

 

Ce roman, publié initialement à la fin du XIXe siècle, a donné corps à l’adjectif « grimpion » qui désigne en premier lieu le caractère arriviste d’un personnage. Son auteur est un ancien pasteur, devenu professeur de latin, rangé politiquement du côté des radicaux et extrêmement critique à l’endroit de tout sermon édifiant. Pour pouvoir franchir n’importe quel obstacle, Jules Besançon (1831-1897) prête à son héros Grimpion toute une panoplie d’attitudes et de comportements aussi douteux que contraires, mêlant tour à tour séduction, flagornerie, alliances, dénigrement, rumeurs, etc. Par la satire, l’auteur dénonce bien des mœurs qu’il note autour de lui, alors que jouent de concert Eglise et État dans ce petit pays de Vaud où évolue son instituteur. Grimpion commence en effet sa carrière dans un petit village vaudois, qu’il ne quittera qu’après avoir épousé la fille du maire (et éconduit un parti moins utile à ses desseins politiques). Puis, à Lausanne, il ne cessera de comploter et d’agir dans le sens du vent (politique) afin d’être élu au Grand conseil vaudois. Le récit se soumet parfois bien rapidement à la démonstration qu’opère son auteur, mais il livre à n’en pas douter -et comme le relèvent les trois postfaces- de très nombreuses indications quant au climat politique et social de cette époque. Quelques dessins illustratifs de l’artiste lausannois Henri Meyer ajoutent à cette étonnante affaire une distance bienvenue grâce à quelques anachronismes volontaires et allusifs à l’époque présente.

Bulletin critique du livre français, no 630, mars 2001

 Regard acerbe sur le canton

Querelles radico-libérales, guéguerre idéologique sur la laïcité, rigidité de la hiérarchie étatique, régionalisme étriqué ou lausanno-centrisme exacerbé: le roman satirique de Jules besançon, Mémoires de l’instituteur Grimpion, qui paraît en 1877, ne fait pas dans la dentelle. A travers ce personnage aussi arriviste que pathétique, la société vaudoise du milieu du XIXe siècle passe à la moulinette. Réédité en 2000, cette oeuvre livre les états d’âme d’une génération héritière des préceptes de la révolution de 1845. A redécouvrir.

KDM, 24 Heures, 18 juin 2012