La passion selon Charles-Henri Rapin ou le roman de soi

Ruchat Martine,

2012, 176 pages, 18 €, ISBN:978-2-88901-024-0

Le parcours engagé du gériatre Charles-Henri Rapin (1947-2008) est retracé dans ce roman biographique, basé sur des entretiens. Sa personnalité charismatique permet à l’auteure de mener une réflexion sur le moteur d’une passion pour le développement des soins palliatifs et la réduction de la douleur, l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées et de la justice sociale. Cette biographie se double d’une fiction qui questionne le travail biographique, exercice périlleux où la biographe court toujours le risque de se perdre entre la réalité et la fiction, entre la personne et son personnage, entre la mémoire et l’histoire.

Format Imprimé - 22,00 CHF

Description

« Elle se demande où tu puises tant d’énergie pour toujours t’en aller ‘chanter’ selon l’expression d’un de tes amis? D’où vient cette envie de porter sans cesse la ‘bonne nouvelle’, enseigner, t’adresser à un public que tu cherches à convaincre, à charmer aussi, être en représentation. Devant le constat de tant d’appétence à t’approcher des gens, elle se trouve soudainement taciturne, sauvage et solitaire à aligner des mots sur son ordinateur, seule dans sa chambre d’un hôtel parisien. Mais avec toi, elle a pris goût aux inventaires. Elle fait la liste des congrès où tu es invité, elle compte tes conférences données, tes articles publiés, tes prix reçus comme autant d’indicateurs de ta générosité. Avec toi, elle n’en finit pas de faire le tour de la terre. »

La passion selon Charles-Henri Rapin ou le roman de soi est une biographie du gériatre Charles-Henri Rapin (1947-2008), effectuée à partir d’entretiens biographiques. Sa personnalité charismatique permet à l’auteure de mener une réflexion sur le moteur d’une passion pour le développement des soins palliatifs et la réduction de la douleur, l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées et de la justice sociale.

La biographie de Charles-Henri Rapin se double d’une fiction qui questionne le travail biographique, exercice périlleux où la biographe court toujours le risque de se perdre entre la réalité et la fiction, entre la personne et son personnage, entre la mémoire et l’histoire.

Table des matières

  • Préface de Claudia Mazzocato, palliative.ch
  • Prologue
  • Station I. Le rendez-vous de la deuxième fois
  • Station II. L’orée de la forêt
  • Station III. L’ogre biographique
  • Station IV. À la source de l’enfance
  • Station V. En plein vol
  • Station VI. Un aller-retour pour l’Italie
  • Station VII. Souvenirs du Léman
  • Station VIII. La taverne à credo
  • Station IX. À Cuba sous la pluie
  • Station X. En surplomb du lac
  • Station XI. Paris au mois de juin
  • Station XII. Sur le chemin de croisade
  • Station XIII. Le mécanisme Rapin
  • Station XIV. La quête du bonheur
  • Sources
  • Cahier de photographies

Presse

Charles-Henri Rapin, guérillero du grand âge

Pionnier de la gériatrie genevoise, ce fils de meunier a déployé une énergie considérable pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées avant de s’éteindre à 61 ans. Portrait

Tout gamin, en bon scout, il arpentait les rues de Carouge les bras chargés de provisions destinées aux vieux du quartier qui ne pouvaient plus se déplacer pour faire leurs courses. A ses heures perdues, il lui arrivait également de leur faire un peu de lecture ou de retaper leur maison. Qu’elles soient réelles ou qu’elles participent à la construction d’une légende personnelle, ces anecdotes témoignent d’une attention aux autres et d’une forme de philanthropie militante qui ont accompagné le professeur Charles-Henri Rapin (1947-2008) tout au long de sa carrière.

Patron du Centre de soins continus, de la Policlinique de gériatrie, puis du Centre interfacultaire de gérontologie (CIG) entre les années 1980 et 2000, ce fils de meunier a été le premier médecin gériatre en soins palliatifs de Genève et l’auteur du premier travail académique reconnu en Europe continentale dans cette discipline. Au-delà des titres, Charles-Henri Rapin a surtout lutté avec passion pour améliorer concrètement les conditions de vie des personnes âgées et pour briser un certain nombre de tabous entourant le grand âge. Portrait à l’occasion d’une double actualité: l’inauguration d’un centre de documentation portant son nom à l’Hôpital de Bellevue et la sortie de la biographie très sensible que Martine Ruchat, qui est aussi professeure associée à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, consacre à ce personnage qui laissait rarement indifférent.

S’il n’était pas devenu médecin, Charles-Henri Rapin aurait certainement fait son chemin dans la politique. Fils de socialiste, c’est à gauche que penchent naturellement ses idéaux. Maoïste dans les années 1960, puis membre du Parti communiste marxiste-léniniste, il proteste contre la guerre au Vietnam, la dictature portugaise et l’armée en attendant le Grand Soir. Durant cette décennie de quasi-clandestinité, il noue également des liens privilégiés avec la Palestine et en particulier avec Faty Arafat, lui aussi médecin, et son frère Yasser.

Pour Charles-Henri Rapin, l’heure des choix sonne au début des années 1980. Deux voies s’ouvrent alors au jeune médecin fraîchement diplômé: s’installer au Liban pour assister le peuple palestinien dans son combat ou accepter le poste que lui propose à Genève son maître de thèse, le professeur Jean-Pierre Junod. Sa femme étant enceinte, Charles-Henri Rapin opte finalement pour la seconde solution.

Au sein de l’Hôpital de gériatrie de Genève, qui est la première structure du genre à voir le jour sur le continent européen, Jean-Pierre Junod fait œuvre de pionnier en imposant une vision humaniste des soins aux personnes âgées très originale pour l’époque et qui va fortement influencer son jeune disciple.

« Au moment où Charles-Henri Rapin rejoint l’Hôpital de gériatrie, l’âge est peu pris en compte, notamment dans la nature du traitement, précise le professeur Michel Oris, codirecteur du Pôle de recherche national LIVES et directeur du Centre interfacultaire de gérontologie et d’études des vulnérabilités de l’UNIGE. Or, cette conception change avec des hommes comme Jean-Pierre Junod, qui mettent en évidence l’existence de problématiques spécifiquement liées au vieillissement. Cette évolution ne va cependant pas sans provoquer certaines résistances, d’une part, dans le milieu hospitalier, où la gériatrie constitue un enjeu considérable et, d’autre part, dans l’opinion publique au sein de laquelle, comme le faisait remarquer l’historien français Philippe Ariès, ce n’est désormais plus le sexe qui est tabou, mais la vieillesse et la mort.

En blouse de médecin ou devant les caméras de télévision, Charles-Henri Rapin s’engagera donc avec la même combativité sur ces deux fronts. Sur le plan scientifique, son activité débouche sur la rédaction de plus de 200 articles scientifiques (dont 69 ont été cités plus de 1000 fois selon Google Scholar). Il y est notamment question de soins communautaires, de facteurs prédisposant à une fracture du col du fémur, d’indicateurs de mortalité (tels que les taux de vitamine B12 et d’albumine dans le sang), d’exclusion, de maltraitance. On y parle aussi de frigos vides, comme dans cet article publié par The Lancet le 12 août 2000 avant d’être traduit dans une dizaine de langues et qui montre que la moitié des personnes âgées sont sous-alimentées.

A cet inventaire incomplet, on peut ajouter une boisson isotonique destinée aux aînés inventée après la canicule de 2003 (le Gérostar) ou encore la réhabilitation du lait de poule, une préparation traditionnelle élaborée selon une recette héritée de sa grand-mère, et destinée à apporter aux convalescents et aux personnes sous-alimentées un apport en protéines tout en stimulant l’hormone de croissance. Sans oublier la lutte contre la douleur qui fait pour lui figure de priorité, quitte à devoir injecter de la morphine aux patients toutes les quatre heures.

Tout cela est cependant loin de faire l’unanimité auprès de ses pairs. Critiqué par certains pour le manque de rigueur scientifique de ses travaux, il se met à dos de nombreux spécialistes (notamment parmi les nutritionnistes) par ses méthodes qui bousculent les habitudes. Ce qui n’est pas forcément pour lui déplaire: « Lorsque je pense que j’ai une bonne idée et que l’on me dit non, alors je suis sûr que c’est une bonne idée. Et je ne la lâche plus », confesse-t-il ainsi dans la biographie que lui consacre Martine Ruchat.

Si son image de baroudeur et de franc-tireur irrite au sein de l’Hôpital autant qu’à l’Université, il en va tout autrement dans les rapports que Charles-Henri Rapin cultive avec la cité au sens large. Invité aux quatre coins de la planète pour des conférences ou des programmes de formation, il est également très apprécié des médias qui se délectent des slogans percutants qu’il distille pratiquement sur commande. Enfin, et peut-être surtout, Charles-Henri Rapin est un médecin qui a toujours su maintenir une grande proximité avec ses patients: « Cela peut paraître un peu saugrenu aujourd’hui, mais il était adepte de la « bisouthérapie », rappelle Michel Oris. A l’époque, le CIG se trouvait dans des immeubles comprenant des appartements pour personnes âgées. Chaque fois qu’il en croisait une, Charles-Henri lui faisait la bise. C’était assez comique à regarder, mais cela partait surtout d’un très bon sentiment, puisque c’était une manière de montrer que, contrairement à ce que beaucoup de gens semblent penser, une vieille personne ne sent pas mauvais, qu’elle n’est ni sale ni repoussante et qu’elle mérite aussi un peu d’affection. »

Atypique jusqu’à son dernier souffle, Charles-Henri Rapin n’est pas mort du cancer qui le poursuivait depuis l’an 2000, mais d’une crise cardiaque qui l’a emporté un soir de l’été 2008, à l’issue d’une semaine de formation donnée dans le cadre du Master francophone européen en soins palliatifs, thanatologie et éthique qu’il avait créé dix-huit ans plus tôt à l’Institut Kurt Bosch de Sion. Il avait 61 ans.

Vincent Monnet, Campus, No. 115, décembre 2013-février 2014, pp. 48-49

Un gériatre au XXe siècle

Professeure à la FPSE, Martine Ruchat publie une biographie du gériatre Charles-Henri Rapin (1947-2008), élaborée à partir d’entretiens. La personnalité charismatique de cet ancien professeur de la Faculté de médecine permet à l’auteure de de mener une réflexion sur le moteur d’une passion sur les soins palliatifs, la réducation de la douleur et l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées. Cette biographie se double d’une fiction qui questionne le travail biographique.

Le Journal, no. 81, octobre-novembre 2013

Dans le Bulletin des médecins du canton de Genève

Né le 10 août 1947, décédé trop tôt le 10 juillet 2008, le professeur Charles-Henri Rapin a laissé un grand vide dans la gériatrie genevoise. Le Dr Nadir Boumendjel résume ici les grands traits de la biographie que Martine Ruchat vient de consacrer à cette personnalité si créatrice, attachante et romanesque.

Charles-Henri Rapin les appelait les « serial Killer » de l’euthanasie, s’opposait farouchement à la légalisation de celle-ci et souhaitait mettre les soins palliatifs en avant pour une mort digne, une vraie réponse au désir des patients de ne pas souffrir. Il disait: « L’énergie doit être dépensée à améliorer la qualité de vie des mourants. Vouloir mourir pourquoi? Si ce n’est à cause de la douleur, de l’endroit, de l’hôpital… « .

Sujet d’actualité brûlant, on découvre au fur et à mesure de cette lecture toute la clairvoyance d’un homme qui a souhaité laisser des messages.
A travers une approche très originale, Charles-Henri Rapin s’est livré à sa « biographe ».

On y lit le parcours d’un homme profondément attaché à l’humain: « Comme médecin, ce qu’il aime, ce sont les gens, dire bonjour aux malades, aux infirmières, aux aides-soignantes, travailler en équipe « être juste normal » comme il le disait souvent ».
« Je n’exerçais pas la médecine comme les autres car je veux concilier ma carrière avec mes choix politiques »; il est ainsi resté fidèle à son maître et mentor en gériatrie, le Pr Jean-Pierre Junod, dont les préceptes sur la « solitude anorexigène » de beaucoup de nos aînés l’ont fondamentalement guidé.
La gériatrie communautaire devint son cheval de bataille. Il considérait toujours le patient dans sa globalité et il était impensable pour lui de saucissonner celui-ci, de prendre sa pathologie par le petit bout de la raison.
On y découvre le portrait d’un homme dont le moteur fut l’absolu désir de reconnaissance compte tenu de ses origines modestes. De ce fait, son parcours ne fut pas de tout repos.
On y lit qu’il remet au goût du jour « le lait de poule », invente une potion, le Gerostar, pour lutter contre la canicule et bien sûr, son combat contre la douleur par les opiacés, une évidence aujourd’hui. Aller dépister la malnutrition dans le contenu du réfrigérateur et en faire un des éléments de la check-list de gériatrie communautaire dans le monde.
Il foisonnait d’idées comme celle, géniale, de cet Accueil service qui se situait entre l’hospitalisation et le domicile, extrêmement performant, instrument indispensable dans les innombrables situations médico-sociales et voué aux gémonies par les financiers…

Nos aînés coûtent cher, mais la protection des plus fragiles classent les sociétés civilisées. Aujourd’hui Accueil service manque cruellement aux médecins de ville… La création naît toujours de la rêverie.

Il fut un initiateur infatigable des sociétés suisses de gériatrie et de gérontologie comme du groupe des gériatres genevois. Encore aujourd’hui, son œuvre est connue bien au-delà de nos frontières nationales. Il y avait un fil conducteur dans sa démarche professionnelle, le découvrir fait tout le charme de cette lecture un brin romanesque, tout Charles-Henri Rapin. Sa « biographe », Martine Ruchat, l’air de ne pas y toucher, tout en sensibilité et tact, nous fait entrer au plus profond des principes de vie d’un homme qui a tant laissé aux autres.
Une biographie qu’on lit d’une traite, gaie, pleine d’espoir, particulièrement lorsqu’on sait aujourd’hui qu’elle fut terminée le jour de sa mort.
Il manque.

Dr Nadir Boumendjel (gériatre), La lettre de l’AMG, N°6, juillet-août 2012

Le roman du gériatre

Il n’a pas créé la spécialité à Genève, mais il lui a donné son extension. Mort en 2008 à 61 ans, Charles-Henri Rapin se situa d’abord dans l’orbite de Jean-Pierre Junod. Ce dernier fut en effet le premier médecin-directeur de l’hôpital de gériatrie, ouvert en 1971. Avant de disparaître en 1985, Junod dirigea aussi le Cesco, une unité des soins palliatifs ne concernant pas uniquement les personnes âgées.
Issu d’une famille populaire, Rapin n’aurait pas pu faire d’études sans la démocratisation des études, imposée à Genève par André Chavanne. Mais il n’était pas issu du sérail, mot oriental supposant d’inavouables intrigues. Les mandarins en place le lui firent bien sentir. Il n’avait pas choisi la voie royale pour faire une carrière académique. Un homme voulant s’imposer parmi eux s’exile quelques années aux Etats-Unis. Peu importe l’utilité de la chose. Elle fait partie des usages de cette forteresse que reste l’Université.
Rapin, dont Martine Ruchat nous livre ici la biographie, était en plus un battant. Que dis-je! Un combattant. Pour que les gens soient mieux soignés, mieux considérés, mieux écoutés, pour qu’ils meurent moins mal, moins douloureusement. il n’hésitait pas à descendre dans l’arène. Presse écrite ou télévision. Des instances bien vulgaires, que réprouve notre Alma Mater. L’université est aussi une tour d’ivoire.
Dans ces conditions, il lui a fallu mener une lutte de chaque instant. Quand Martine Ruchat s’est fait sa biographe, l’homme était relégué à Loex. Déconsidéré ici, il était une vedette partout ailleurs. Son micro, la Genevoise a dû le tendre un peu partout. Attrapé entre deux avions, Charles-Henri Rapin était toujours entre une conférence et un débat. Une fuite en avant qui ne pouvait que mal se terminer.Le jour même où l’écrivaine lui montrait son texte final, Rapin s’effondrait. Mort.
Tout cela est-il bien vrai? Avec Martine Ruchat rien ne se révèle jamais simple. Présenté aux quatorze stations, comme un chemin de croix, son livre se présente comme un dialogue. Elle interpelle le disparu. Elle met aussi sa parole en doute. « Comment distinguer l’histoire et la vérité des faits de cette mémoire qu’alimentent les souvenirs? Et comment, dans l’écriture du récit, distinguer l’autobiographie d’une biographie forcément romancée? » Autant dire que la fiction s’insinue. Toute vie constitue aussi une épopée.
Cet exercice de style non seulement assumé, mais revendiqué, fait la force du livre. Il propose une vérité. Le texte échappe du coup à la platitude du récit convenu. Le document se teinte de littérature. Son artifice constitue par ailleurs sa paradoxale honnêteté.

Etienne Dumont, Tribune de Genève, 23-24 juin 2012

Tour d’horizon de l’édition alternative

Une biographie du gériatre Charles-Henri Rapin (1947-2008), effectuée par notre camarade Martine Ruchat à partir d’entretiens biographiques. Sa personnalité charismatique permet à l’auteure de mener une réflexion sur le moteur d’une passion pour le développement des soins palliatifs et la réduction de la douleur, l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées et la justice sociale.

Cette biographie se double d’une fiction qui questionne le travail biographique, exercice périlleux où la biographe court toujours le risque de se perdre entre la réalité et la fiction, entre la personne et son personnage, entre la mémoire et l’histoire.

Solidarités, N° 220, 20 décembre 2012, p. 20